Les Provinciales de Pascal - Une Comédie?


Seminararbeit, 2000

26 Seiten, Note: 1


Leseprobe


Sommaire

1. Introduction

2. Définitions et histoire de la comédie
2.1. La Comédie
2.2. Remarques générales
2.3. La Comédie après 1630

3. Les Provinciales: Contexte historique, forme et contenu
3.1.Contexte historique
3.2. Structure et contenu du recueil
3.2.1. Lettres cinq à dix: Remarques sur la forme
3.2.2. Lettres cinq à dix: Le contenu

4. Les Provinciales: Analyse du texte
4.1. La création du comique par l'inattendu
4.2. L'exagération
4.3. l'absurdité

5. Conclusion

1. Introduction

La situation initiale qui provoque l'écriture des Provinciales ne peut manquer d'intriguer le lecteur: le théâtre est en la prestigieuse faculté de théologie de Paris, la Sorbonne. Le grand public saisit mal pourquoi le docteur Arnauld est téméraire de ne pas trouver dans Jansénius les propositions que Rome a condamnées. Aussi juge-t-on trop académique le débat sur la "question de droit" qui repose sur le problème de la grâce qui a manquée à Saint Pierre quand il a renié Jésus -Christ. On en déduit, qu'en général, il s'agit du problème de la grâce, sujet éternel de dispute entre les Jésuites et les Jansénistes1. Les Jansénistes qui voient leur réputation souillée, engagent Pascal à faire face à leurs adversaires en influant l'opinion publique. Pascal tout en utilisant ses qualités de logicien brillant, écrit une série de dix- huit lettres qui font basculer le nid à poussière que représente l'assemblée des théologiens de la Sorbonne. Ce n'est pas seulement le contenu de ses lettres qui fait scandale: la forme de ses lettres qui unissent des traits caractéristiques du roman policier ( avant la naissance du genre2 ), du pamphlet , du grotesque et de la Comédie ne correspondent guère à la dignité que le sujet grave exigerait selon les règles de l'Evangile. Cet effet de surprise concernant le fond et la forme, était-il seulement concu pour informer de facon nonchalante le public et pour diffuser les 6000 exemplaires des Provinciales?

Dans ce mémoire , nous allons examiner l'héritage de la Comédie dans le recueil des Provinciales. De la même facon que la comédie et la religion semblent être deux sujets inconciliables, le fait d'associer le moraliste grave Pascal au rire, paraît problématique.

Pourquoi ce philosophe qui voit en Dieu le produit de ses réflexions philosophiques s'est-il servi d'un genre mineur , qui, apparemment ne permet pas de laisser briller tout l'éventail de ses capacités de logicien?

En outre, ne remet-il pas en question la maxime du frère janséniste Nicole en rapprochant un problème religieux du genre comique de la facon qu'on le voit dans les Provinciales ? Afin de signaler les dangers contenus dans le roman et la Comédie celui-ci écrivit dans son célèbre Essai de morale:

Ces qualités, qui ne sont pas fort honorables au jugement des honnêtes gens, sont horribles étant considérées selon les principes de religion chrétienne et les règles de l'Evangile. Un faiseur de romans et un poète de théâtre est un empoisonneur public, non un des corps, mais des âmes (...)

Comme Pascal, Nicole aussi publie ses Visionnaires, dont fait partie l` Essai de morale, en forme de lettres ouvertes. Ces textes courts, afin d'être lus, ne doivent pas pâtir d'une certaine qualité esthétique qui facilite l'accessibilité à des sujets difficiles. Dans ce cadre, le débat semble d'autant plus intéressant que la comédie est un genre dont l'épanouissement se révèle vers 1660 ; les Provinciales seraient - elles ainsi un produit du goût public? Au cours de l'analyse, nous allons essayer de faire la lumière sur l'esprit de Pascal qui , derrière son masque, attaque les Jésuites sur tous les fronts: il dénonce leur caractère subversif concernant la situation politique, il montre leur comportement opportuniste et leur ôte leur souveraineté de théologiens sérieux.

Avant tout, il est important de situer l'oeuvre dans la tradition de la Comédie classique afin de montrer quelles stratégies sont empruntées directement à ce genre, dans quels passages elles sont évidentes et quel est l'effet sur le lecteur. Dans ce cadre, il est indispensable de discuter quels traits caractéristiques permettent de rapprocher le genre narratif de la Lettre à un genre théâtral, notamment celui de la Comédie.

En second lieu, nous allons nous consacrer à l'étude des éléments de la Comédie présents dans les lettres cinq à dix. A cette fin, il est indispensable d'examiner en détail leur style et leur structure ainsi que de faire référence aux genres étroitement liés tels que le Grotesque et la Satire. Dans ce contexte, nous tenons à étayer notre abord, basé sur la comparaison formelle: Il n'y sera pas question d'une reécriture des nombreuses analyses existantes sur le rire dans Pascal3. Le phènomène du rire sera intégré dans le cadre de la comédie. Cette approche nous amènera à dégager les moyens littéraires de la comédie sans baser le centre de la réflexion sur la justification du rire.

En conclusion, nous essayerons d'établir le rapport entre les Provinciales et d'autres textes comiques visant à démasquer les dévots hypocrites.

2. Définitions et histoire de la Comédie

2.1. Remarques générales

L'analyse de la comédie est une chose sérieuse, dit Helmut Prang dans son Histoire de la

pièce comique4. Cette association du comique avec le sérieux, par definitionem, nous est étrangère. Ne voyons - nous pas une pièce comique pour rire et pour nous amuser? Pourtant, continue Prang, le rire est souvent basé sur des conflits essentiels de la vie humaine : L'obsession de séduire peut à la fois fournir la base d'un drame religieux et d'une comédie comme le démontrent deux exemples célèbres de l'histoire littéraire: Tirso de Molina qui compose la version originale du Dom Juan , El burlador de Sevilla 1630 et Molière qui renforce les aspects comiques du caractère. Le but des deux auteurs est le même: C'est de dénoncer l'égoiste débridé qui refuse d'accepter la responsabilité pour ses actes. La différence entre les genres s'explique par le traitement de l'histoire: les échevaux des fils qui se nouent autour du héros tragique les mènent à une situation insoluble. De plus, le destin du héros est d'une portée universelle: jusqu'au 18e siècle, la noblesse du personnage tragique était une règle; la souffrance du héros représentait symboliquement la situation de l'Etat. Le protagoniste de la comédie, par contre, sait que son sort peut encore changer pour le Bien. Un coup de théâtre peut faire basculer toute l'intrigue, et les spectateurs pardonnent ces invraisemblances - acte de générosité qu'ils n'accordent pas à la tragédie où trop de hasards empêchent l'identification des spectateurs avec les caractères. Celle-ci est importante pour la tragédie5 visant la catharsis6 en opposition à la méthode utilisée dans la comédie où les spectateurs rient des personnages ou avec eux. Par conséquence, le spectateur apprend sa lecon non par la compassion, mais par l'effet de la chose ridicule: C'est ainsi que se réalise le but de la comédie de prodesse et delectare ( Horace).

De cette facon, l'auteur de la comédie attaque les vices7 humains ou construit les situations de telle facon qu'elles amusent le spectateur8. Par l'effet de l'exagération ou de l'atténuation, il évoque le rire. Le comique se constitue alors d'une tension qui est disparait de facon inattendue9.

Néanmoins, si ces effets sont utilisés en abondance, l'auteur risque de perdre le fond sérieux et de sacrifier son message à quelques situations farceuses qui s'appuient surtout sur l'apparence physique, les gestes et les mots drôles. Néanmoins, il est à retenir que les éléments de la farce, concernant le non-verbal de l'action théâtrale, plaisent universellement à ces groupes de spectateurs qui cherchent le rire sans réflexion. Dans ce cadre, on remarque que le succès d'une scène dans un théâtre pour enfants ( soit- il en Chine où aux Etats -Unis) est faite quand le clown trébuche et ensuite tombe parce que ses chaussures sont trop grandes. Par contre, le goût des adultes en ce qui concerne le rire n'est pas immuable. Ce n'est pas sans raison que nous distinguons le fameux humour anglais et que nous considérons comme démodées quelques comédies qui fascinaient nos ancêtres. Pour assurer le succès d'une comédie, il est donc essentiel de s'adapter aux conventions humouristiques de la culture. Quand on regarde les programmes des théâtres, nous nous en rendons compte qu'il n'y a que quelques comédies à qui les contemporains ont pu réserver un accueil chaleureux.En revanche d'autres ne sont conservées que grâce à l'inépuisable source de motifs qu'elles ont fournie aux comédies modernes. Commencant par l'antiquité, nous allons examiner par la suite l'histoire de la comédie. La perspective diachronique complètera ce chapitre consacré à la définition et établira l'héritage spirituel du genre.

2.2. Histoire du genre

Comme toute littérature occidentale, l'origine de la comédie se trouve en Grèce où l'art théâtral avait une fonction importante dans la vie sociale et politique de la métropolis d'Athène. Les comédies représentaient une plateforme pour la critique publique de l'Etat, des doctrines philosophiques , des personnages célèbres et des divers malaises de la societé. Le masque permettait de dénoncer des stratagèmes et de mettre le doigt sur des vices qui risquaient de mettre en danger toute la societé10. L'auteur prominent de la comédie du Ve siècle avant J.C. est Aristophane dont onze pièces ont été conservées. Dans ses drames (p. ex.: Nuages, Guêpes), il prend la parole contre les philosophes et les juristes. L'absence d'un traitement théorique de la comédie dans la poesis d'Aristote qui est consacrée surtout à la tragédie, met en évidence le manque de prestige du genre: par conséquence, dans la critique littéraire, les règles pour la Comédie se constituent de la négation de la tragédie . Si le genre sérieux a pour sujet les conflits essentiels, le genre humouristique est basé sur des questions mineures.

Les idées grecques contribuent à l'évolution de la comédie romaine, mais au lieu d'attaquer la situation politique, des auteurs comme Plaute ( IIIe siècle a.C.) et Térence ( Iie siècle a.C.) développent la comédie de caractères.

Le théâtre comique dans toutes ses formes était un élément très important dans la société mediévale. L'exemple le plus célèbre des farces de cette époque est probablement Maistre Pierre Pathelin 1485. Des troupes de théâtre jouaient dans les différentes villes lors des fêtes religieuses et n'hésitaient pas à intégrer des personnages ecclésiastiques dans leurs pièces.

Pendant des siècles, le caractère du genre restera celui de la farce populaire. Deimier résume le discrédit de la comédie en 1610:

Mais touchant la Comedie, elle n'a jamais estéguere venue en France , veu qu'elle semble estre accompagnée d'un sujet trop bas et populaire pour mériter les veilles d'un esprit excellent.

La répansion du francais au dépens du latin dans les milieux cultivés a pour effet que les règles pour la littérature changent: Son but est d'imiter les auteurs de l'Antiquité en adoptant les maximes de leur art.

C'est vers 1630 que commence une renaissance de la Comédie11.

2.3. La Comédie après 1630

A partir de 1630 jusqu'à la fin de la Fronde ( 1649- 1653), le théâtre s'approche de la période classique12: La grivoiserie de la majorité des pièces mediévales disparaît pour faire place au postulat de la bienséance. La vraisemblance rend impossible les nombreux coups de théâtre qui rendent l'intrigue improbable.

Faute de pouvoir être exhaustif, nous ne pouvons traiter toutes les influences qui ont contribué à faire évoluer la littérature francaise de telle facon qu'aujourd`hui le XVIIe siècle est souvent considéré comme l'époque la plus fructueuse . Les explications que donnent des auteurs comme Peter Bürger13 sont de nature sociale et académique:

Dans ce cadre, il est important de mentionner la perte de pouvoir politique de la noblesse dont l'intérêt pour les Beaux- Arts augmente. Leur soutien financier permet aux artistes de se concentrer sur leurs oeuvres . De plus, la constitution d'un public mondain, formé de bourgeois cultivés, incite l'admiration des Belles -Lettres. C'est cette couche sociale qui, renoncant à la formation classique, exige plus en plus de littérature rédigée en francais. Le même postulat est formulé par les femmes nobles qui sont, elles-aussi, exclues de la formation traditionnelle. La création de l'Académie Francaise en 1640 exprime une affirmation de la langue francaise qui, désormais gagnera du terrain en comparaison du latin qui perd son monopole de lingua franca. Le résultat de la combinaison de ces forces se manifeste dans une renaissance du théâtre comme forme de divertissement spirituel tout en gardant des traits de la farce. En ce qui concerne les comédies du jeune Corneille telles que Mélite 1629, nous pouvons distinguer l'élévation de la langue et, bien que les intrigues ne soient guère plausibles, nous pouvons discerner que l'auteur prend ses distances avec la farce. Dans les cercles austères, la comédie est encore considérée avec mépris: Cette attitude s'explique par l'assimilation du point de vue aristotélien selon lequel le risible fait partie du laid14. Le rire est considéré comme un effet purement mécanique auquel on succombe facilement et qui échappe au rationnel - un péché dans un siècle où toute une culture se consacre à la raison. Si on prend ces conditions pour point de départ, les régles auxquelles ce genre est soumis sont évidentes. Le milieu social représenté dans la comédie ne peut comprendre que les couches non aristocratiques et séculaires. Par contre, l'environnement social de la noblesse ne se prête qu'à des grands sujets qu'on traite dans la tragédie. Alors que le public qui va voir les comédies, se compose de toutes les couches sociales. Pour des raisons commerciales, la pièce doit avoir de l'intérêt pour tous les spectateurs. C'est aussi l'essor énorme des troupes de théâtre qui, à part l'Hôtel de Bourgogne à Paris, n'ont pas de siège précis. Leurs pièces, composées par l'auteur de la troupe, sont jouées dans les salles de jeu de paume - à Paris et en Province. L' adaptation graduelle des règles aristotéliennes s'explique aussi pour des raisons économiques: Si l'unité des lieux est observée, un changement de décor n'est pas nécessaire et, par conséquent, le profit de la troupe est plus grand.

Très souvent, la comédie après 1630 se base sur le jeu avec l'illusion: Les spectateurs s'amusent au dépens d' un caractère qui est victime d'une illusion. Dans l'esprit du 17e siècle où on est accoutumé à la métaphore du théâtre mondial, la sensation vécu devient plus honnête que la vie même car au théâtre on s'apercoit de la tromperie: La vie , directrice de l'éternelle scène du monde, par contre, dispose de démarches pareilles - sans que les "acteurs" s'en rendent compte15.

Cette réflexion est essentielle pour comprendre l'emploi de la comédie dans Les Provinciales et sera mise en relation avec l'oeuvre dans le chapitre consacré à la surprise. Avant d'entamer une discussion sur le sujet, nous allons compléter les remarques introductrices sur la création de l'oeuvre. Cette approche nous permet d'éclairer sa structure et de situer les lettres que nous avons choisies dans l'ensemble du recueil.

3.Les Provinciales: Contexte historique, forme et contenu

3.1.Contexte historique

Comme nous l'avons prouvé en 2.1, la réponse du récepteur au contenu comique du texte dépend de l'acceptation du sujet. Voilà la raison pour laquelle dans notre analyse nous ne pouvons nous limiter à analyser le comique dans un cadre purement littéraire. Au début du XVIIe siècle, une époque où la science, la philosophie et la réforme de l'église avaient ébranlées la foi, l'espoir de nombreux croyants consistait à stabiliser leur monde à l'aide d'une religion précise. L'esprit baroque traduisait une tension entre le céleste et le mondain - c' était à l'homme de surmonter cette distance en se rendant compte de la vanité de la vie16. Par conséquent, la question de l'au-délà était essentielle. Le Jansénisme et la Compagnie de Jésus représentent deux courants de conceptions totalement opposés: Le Jansénisme17 ( après Jansénius [1585-1638], êveque d'Ypres) est un des mouvements religieux les plus importants du 17e siècle. Sa doctrine de la vertu intransigeante , l'ascèse et de l'honnêteté influence non seulement le Christianisme, mais toute la culture18: Les Jansénistes ne cherchent pas de chemin doré entre le céleste et la Terre, ils suivent, sans compromis, le sentier dûr qui mène au salut19. Pour une grande part des hommes, décus par la monarchie et l'Église, le Jansénisme est la réponse rationaliste à la concupiscience qui caractèrise ces deux systèmes.

La Compagnie de Jésus est fondée en 1540 par l'Espagnol Ignace de Loyola. Il fonde son organisation sur le principe des dix constitutions qui sont principalement basées sur l'obéissance ( au Pape et à la Compagnie) et sur la pauvreté. Les Jésuites sont principalement percus comme les représentants de Rome et comme une force importante de la Contre- Reforme. Observant le monopole de l'enseignement, ils fondent des collèges où ils forment l'élite intellectuelle. Bien que la Compagnie éprouve de grandes difficultés pour se faire admettre en France - l'origine ibérique du fondateur ne facilitait pas les choses dans un pays en guerre contre l'Espagne- ses membres se trouvent à des positions clés du clergé francais. Au centre des disputes entre les Jansénistes et les Jésuites se trouve le problème de la Grâce: Les Jansénistes adoptent la doctrine de saint Augustin selon laquelle l'homme est incapable, sans la Grâce, de résister à l'attrait du mal. Or Dieu n'accorde sa grâce qu'à des êtres prédestinés. La conception des Jésuites est fondamentalement inverse: La Grâce, garantie à tout être, est la clé personnelle pour le paradis éternel: celui qui observe les règles bibliques sera recompensé. Avec cette doctrine positive, les Jésuites essaient de trouver un compromis entre le monde des tentations et le chemin épineux qui mène au ciel. Cette porte ouverte sur l'Humanité permettra ensuite à la Compagnie de Jésus d'adopter des coutumes, des symboles et même des liturgies que l'on considérait jusqu'alors comme paiennes. En 1656, une querelle concernant le problème de la Grâce éclate entre les deux parties. Arnauld, un des membres illustres des Jansénistes, est condamé par la Sorbonne dont le conseil théologique est dominé par les Jésuites. L'existence et la réputation de Port-Royal sont en danger quand on choisit Pascal pour présenter les différents doctrines au public. Celui-ci décide de mener sa campagne en forme de lettres "écrites à un provincial par un de ses amis sur le sujet des disputes présentes de la Sorbonne". Entre le 23.1. 1656 et le 24. 3. 1657, il rédigera dix-huit lettres qui sont distribuées et vendues à Paris et en Province.

3.2. Structure et contenu du recueil

Afin de faciliter l'identification du narrateur par ses lecteurs, Pascal crée le personnage de Montalte, un Chrétien de bonne volonté qui essaie de voir clair dans ces disputes entre théologiens . C'est lui le rédacteur des lettres à un ami habitant en Province. Il est possible de diviser le recueil en trois unités. Chaque sous-ensemble doit être considéré comme la réponse aux circonstances extérieues : La première série (lettres une à quatre) qui avait été composée avant la condamnation d'Arnauld est consacrée au problème de la Grâce.

Dans le second sous-ensemble, Pascal s'applique à jeter une vive lumière sur la morale des Jésuites. Les lettres cinq à dix contiennent des illustrations du point de vue jésuite envers des problèmes aussi graves que la probabilité, la pénitence et l'usage des choses saintes . C'est dans la seconde unité ( lettres cinq à dix) que Pascal, camouflé par le personnage de Montalte, interroge un père jésuite. Ces conversations représentent des échevaux de moyens comiques , allant de l'ironie au grotesque. Cet effet est d'autant plus remarquable que Pascal développe son traitement satirique en prenant comme base les citations des Pères jésuites. La troisième partie du recueil comprend les lettres dix20 à dix-huit qui consistent en la réponse pascalienne, non au Provincial, mais aux Réverends Pères Jésuites . Entre autres l'expéditeur défend contre l'accusation d'avoir tournéles choses saintes en raillerie. ( 11e Provinciale, P. 172). Il accentue les thèses des précédentes Provinciales mais renonce au style plaisant pour adopter une éloquence de combat véhémente.

Dans les deux dernières lettres, il répond directement au Père Annat pour qui l'association de l'expéditeur avec les Jansénistes était une preuve d'hérésie. Finalement, le Pape Alexandre VII proclame la condamnation définitive d'Arnauld . Ainsi la 19e Provinciale ne reste qu'une ébauche. Même si la campagne menée par Pascal n'a pas de succès immédiat, il arrive néanmoins à imposer dans l'esprit public une caricature du jésuite qui n'est pas encore totalement effacée.21 La caricature du jésuite est incarnée par le personnage du Père à qui Montalte rend visite. Dans l'esprit de notre approche, nous avons opté pour une limitation de l'analyse de texte aux lettres cinq à dix, car c'est dans cette seconde partie des Provinciales que se déroule la conversation entre les deux personnages. Avant de constituer un plan du contenu des lettres choisies, nous allons continuer à discuter la forme littéraire de la lettre en combinaison avec les éléments théâtrales . Cette démarche est nécessaire afin de démontrer les conséquences du genre sur la réception du texte et pour justifier notre approche.

3.2.1. Lettres cinq à dix: Le contenu

Avec la cinquième Provinciale, Pascal s'en prend aux livres de morale chrétienne des casuistes, surtout des casuistes jésuites. Cette manière de raisonner sert de jurisprudence aux gens de Loi. Dans les Provinciales cinq à dix, Pascal vise à dénoncer ce système de la casuistique qui , dans sa compensation des règles, ( de nature éthique et sociale) menace d'anéantir toute base de coexistence. La démonstration ironique de la citation d'un Père Jésuite décrivant sa compagnie de la facon suivante : Ils on changéla face de la Chrétienté et le commentaire de Pascal Il le faut croire puisqu'ils le disent ( 5e Provinciale P.84) est une idée centrale, non seulement pour la cinquième lettre, mais aussi pour les suivantes. Comme la cinquième Provinciale sert d'introduction à une série de lettres, Pascal insère l'explication du Janséniste avant de reproduire le dialogue fictif avec le Père Jésuite. Il souligne l'importance des explications du Janséniste en disant que ses explications étaient confirmées par ses visites chez le Jésuite.

Le Janséniste (qu'il ne lui avait dit que de vrai P.84 ) résume les pratiques des Jésuites d'un ton amère qui néanmoins paraît juste22. Afin de vérifier lui-même les reproches contre les Jésuites, Montalte se rend chez un bon Père Jésuite , prétendant qu'il avait de la peineàle [le jeûne] supporter. ( P.88). Ayant pris comme point de départ le jeûne et les difficultés à l'observer, le Jésuite, grâce aux oeuvres d'Escobar et d'autres penseurs jésuites, relâche les règles d'abstinence tant est si bien qu'il est complètement ignoré. Ce n'est pas sans raison que Pascal a choisi le thème du jeûne: le 20 mars 1656, date de la publication de la lettre, se trouve pendant le carême . Pascal se sert donc d'une approche pragmatique: Tout ce que fait Montalte, c'est de s'asssocier à la grande majorité des Chrétiens qui considèrent la renonciation volontaire comme un exercice difficile: Le Jésuite ne l'aide pas à surmonter sa faiblesse, au contraire, il l'invite à adopter des vices ( il le persuade malgré Montalte que la consommation de vin est permis: P.89 ) auxquels il n'avait pas succombé auparavant. La pratique de la religion au quotidien atteint une ampleur universelle quand la question des opinions probables est abordée (P.91). La doctrine des opinions probables représente un des points de critique principaux de Pascal car, selon les pratiques des Jésuites, toute sortes de vices et même de crimes, cessent d'être péchés quand elles ont été démontrées par un docteur grave. Ces docteurs graves sont des théologiens qui n'étaient pas reconnus par l'église entière. Sans mentionner le cas d'Arnauld, Pascal ôte ainsi toute compétence juridique à une communauté qui crée les règles selon leur besoin. Quand finalement Montalte rappelle le Pape et les conciles auxquels les Jésuites sont soumis, le Père a déjà une réponse toute faite qu'il promet de lui donner lors de sa prochaine visite. Ainsi au début de la sixième lettre, le Père, par une simple redéfinition d'un terme, se détache de l'unique force terrestre capable d'annuler les décisions jésuites. Le monopole de la parole sainte, des saints et des conventions des conciles du Vatican, sur lesquelles les théologiens sont obligés de baser leur exegèse, s'est dissolu . En considérant ce paragraphe, il est à retenir qu'au moment où Pascal écrit la sixième Provinciale, la décision finale sur culpabilité d'Arnauld dépend encore de Rome. Pascal suggère alors que dans ce monde où à l'aide des opinions probables on arrive à manipuler toutes les décisions, même la perte du procès serait une victoire - celle de la vérité23. Les thèmes de la sixième lettre servent à illustrer le résultat de la doctrine jésuite aboutissant à l'absolution de l'assassinat, du refus d'aumône, de la simonie et de divers crimes des religieux.

La lettre suivante sert à mettre en évidence le décalage de l'attitude envers la vengeance entre la maxime chrétienne24 et celle des Jésuites. Ceux-ci affirment le duel qui fût condamné en 1630 par Richelieu sous peine de mort. Les Jésuites apparaissent alors non seulement comme des adversaires de l'Evangile, mais aussi comme des frondeurs qui bouleversent la loi. Graduellement, le dialogue s'éloigne de l'homicide par honneur et s'engage à l'absolution de l'homicide pour des raisons inférieures telles que le profit personnel - même pour des sommes minimes. (.P. 123.) Ils remettent également en cause la justification de tuer des hommes qui ne partagent pas les mêmes convictions (i.e. les Jansénistes) (P. 125). De cette facon, les Jansénistes deviennent des victimes potentielles des Jésuites25. A la fin de la septième Provinciale, Montalte révèle au Père que leurs conversations lui servent de base pour des lettres qu'il envoie à un ami. Cet aveu ne met pas mal à l'aise le Père qui ne voit même pas la monstruosité des doctrines qu'il a répandues. Bien au contraire, il encourage Montalte à continuer la conversation.

Dans la huitième lettre, Pascal vise à dénoncer le support des "professions" qui nuisent à toute societé . Quand, dans la septième Provinciale, il a détruit la confiance dans l'incorruptibilité de la loi, dans la huitième, il dénonce l'attitude jésuite envers le pouvoir judiciaire: Pascal cite un exemple de Castro Palao (P. 128) qui retire aux juges le bien fondé de leur décision en s'adaptant à la fameuse doctrine des opinions probables26.

Le fondament éthique qui défend l'usure est également bouleversé : celle-ci est acceptée quand [on] n'a pas l'intention de profiter de l'argent prêtéimmédiatement, mais [quand on] prétend par l'entremise de la bienveillance, mediâbenevolentiâ, ce n'est point usure. P. 131. L'absolution de la possession illégitime de biens issus de voies honteuses est poussée jusqu'aux crimes qui incluent le meurtre, la sentence injuste, l'action déshonnête, l'arrêt injuste et le pêchéinfâme. ( P. 135). Dans la suite de la conversation, le lecteur est même confronté aux idées sur l'art du diable. L'espace consacré à ces réflexions suggère au lecteur que les Jésuites disposent d'une "clientèle" importante dont les biens sont issus d'une action malhonnête. La normalité avec laquelle ces thèmes sont abordées démontre l'approche matérialiste des Jésuites qui sont aveugles face à leur mission éthique et ne voient que l'argent apporté par les actions immorales. Le manque de contenu de leur doctrine est poursuivi dans la neuvième Provinciale. La dévotion chrétienne se limite à des prières creuses qui sont présentées comme des clés au paradis. La sainte Vierge est réduite à une garantie du paradis. Tout ce qu'il faut pour mériter la paix céleste c'est saluer la sainte Vierge au rencontre des images; dire le petit chapelet des dix plaisirs de la Vierge , prononcer souvent le nom de Marie; donner commission aux Anges de lui faire la révérence de notre part; souhaiter de lui bâtir plus d'églises que n'ont fait tous les monarques ensemble ; lui donner tous les matins le bonjour, et le tard le bonsoir; dire tous les jours l'Ave Maria en l'honneur du coeur de Marie. ( P. 143.)

Après la description de la corruption de la vie terrestre par les doctrines des Jésuites, Pascal dépeint les conséquences sur le salut de l'âme de l'individu: Les Jésuites abusent de leur devoir saint de montrer aux âmes un chemin substantiel pour mériter une place auprès de Dieu. Par conséquence, ce ne sont pas seulement les règles terrestres dont ils se moquent, mais c'est surtout la spiritualité de chaque individu qu'ils risquent de souiller27 en pratiquant la foi selon leurs maximes hypocrites. Les saints qui servent de modèle pour une vie modeste, menée dans la succession de Jésus, sont ridiculisés ( P. 146). Dans le même contexte, le principe de la vanité de la vie terrestre est aboli par la suite. ( P. 153). En conclusion, la communion entre Dieu et les hommes devient un spectacle : dans la Messe, il est suffisant d'être présent par son corps . De plus, le caractère de la communauté de la fête religieuse a complètement disparu: on peut fréquenter plusieurs parties de plusieurs Messes, si cela convient au croyant. (P.154. ) La notion de la religion au service pratique des hommes est poursuivie dans la dixième Provinciale. Le sacrement de la confession, une autre "incommodité" dans la vie chrétienne, est adapté aux normes superficielles de Jésuites. Ce qui compte , ce n'est plus la purification du coeur, mais le moment embarrassant où il faut avouer ses péchés au confesseur. C'est le "croyant" qui a le droit de se taire sur quelques sujets ( P. 158), qui peut parfaitement refuser la pénitence et l'absolution ( P. 159), et dont les mots suffisent pour prouver son regret ( P. 161). Même les péchés mortels ( tels que l'inceste et l'adultère P. 163) doivent être absolus . D'un autre côté, la prédisposition pour l'absolution, l'amour de Dieu, n'est plus nécessaire. ( P. 167) La réponse de Montalte à ces opinions blasphémiques est violente (P. 170) : il accuse le Père de ne plus voir les sacrifices de Dieu qui a donné au monde son fils unique. A l'opposition de son adversaire jésuite, Montalte se sert uniquement de citations issues de la Bible. Après cette conversation, l'expéditeur annonce à son ami provincial qu'il ne retournera plus chez le Père. De cette facon, Pascal nous fait part de l'altération de sa stratégie: Désormais, il renoncera au dialogue :

S'ilétait nécessaire de vous entretenir encore de leurs maximes, j'ai assez lu leurs livres pour pouvoir vous en direàpeu près autant de leur morale, et peut-être plus de leur politique, qu'il n'eût fait lui-même. ( P.171)

La lettre suivante est alors plus que la réponse aux reproches des Jésuites d'avoir tournéles choses saintes en raillerie, ( P. 172) nous comprenons par la dernière remarque que c'était aussi le dessein de Pascal d'adopter une autre démarche. En outre, nous en déduisons le développement du caractère de Montalte qui, en honnête homme va voir le Père pour se faire instruire et qui, après cinq visites éclairantes, a appris à se méfier des doctrines jésuites: Après son désenchantement, il a maintenant suffisamment confiance pour s'opposer et pour étudier lui-même leurs oeuvres. Comme il est le représentant de tout citoyen confronté aux querelles théologiennes, le lecteur des Provinciales a participé personnellement à la désillusion et n'acceptera plus les maximes des Jésuites.

Dans le chapitre suivant, nous allons essayer d'expliquer en quoi ce phénomène de l'identification est dû aux formes littéraires des lettres cinq à dix.

3.2.2. Lettres cinq à dix: Remarques sur la forme

La popularité de la lettre (ouverte) au XVIIe siècle est remarquable. La brièveté du genre, l'actualité de son contenu et l'accessibilité à un grand public contribuent à son succès. A la même époque, nous connaissons un immense essor des formes parlées: Les conversations de salon deviennent de plus en plus raffinées et par conséquent, les formes théâtrales telles que la Comédie, ont le devoir de persuader par leur esprit. La Comédie reflétait alors en partie la parfaite réalisation publique d'une conversation de salon.

Par conséquent, quand en comparant les contextes de la production d'une pièce de théâtre et des lettres ouvertes de Pasacal, on se trouve face à une ressemblance: Les deux genres sont des genres publics, à savoir des productions déstinées à un grand nombre de personnes. La combinaison de ces deux genres, comme nous allons prouver par la suite, n'est pas qu'une stratégie originale pour augmenter le nombre de lecteurs.

Dans ce chapitre, nous allons essayer de discuter les traits caractéristiques du Théâtre et ceux de la Lettre.

Ce qui caractérise le Théâtre, c'est l'absence du narrateur28 qui a pour effet la communication des personnages sans intermédiaire . L'absence du narrateur rend la situation plus immédiate. Pascal se sert de ce phénomène pour démasquer le Père jésuite car pour démontrer la corruption de la Compagnie de Jésus, il suffit de la faire parler. Ainsi, Pascal peut échapper à toute accusation de calomnie.

Certes, la grande différence entre un dialogue de roman et une pièce théâtrale est la représentation du texte sur scène. L'expérience plus ou moins privée de la lecture est échangée par celle du spectacle. L'illusion que nous traduit le théâtre est de nature visuelle et auditive.

Évidemment, le texte de Pascal n'est pas concu pour être joué sur scène: La forme des Provinciales est celle des lettres. L'expéditeur même utilise les termes du genre narratif quand il se refère à son texte ( Comparez : 6e Provinciale:récit P. 98). Néanmoins, il est essentiel de renvoyer à la tradition orale contenue dans la lettre. Enfin, une lettre n'est qu'une conversation écrite faute de pouvoir être orale. La manifestation explicite d'un destinataire crée des ressemblances entre la Lettre et le Théâtre. Leur structures sont visibles dès la première Provinciale:.L'emploi du pronom personnel nous (étions bien abusés) dans les deux premières lignes, crée l'impression de la conversation immédiate, l'annexe (Je ne suis détrompéque d'hier) assure le partage de la vérité aussitôt que possible. L'impression de l'immédiadeté et de la simultanéité se traduisent aussi dans le Théâtre. Par l'utilisation du pronom personnel "nous", Pascal accentue cet effet et suggère au lecteur qu'il se trouve sur le même niveau que le destinataire de sa lettre - à la seule différence que Montalte se trouve à Paris . Cette démarche assure l'identification immédiate du lecteur.

Pourtant, c'est surtout l'emploi stylistique du Dialogue auquel on rattache la qualité dramatique du texte. Les conversations entre Monalte et le Père jésuite sont les passages clés des Provinciales cinq à dix. C'est dans ces épisodes que Pascal débusque les apparences hypocrites des Jésuites. Ces passages consistent uniquement des paroles de Montalte et celles de son adversaire. L'usage des formules déclaratives ( "me dit-il") est le seul élément qui rappelle le narratif. L'abondance des points d'exclamation et d'interrogation indiquent la conversation engagée et la vivacité du dialogue. En accentuant les caractéristiques du discours, Pascal dépasse le niveau uniquement communicatif de la langue . Enfin, les dialogues ne se lisent plus comme des réflexions sur la casusistique. L'insertion d'une intrigue étaye la fluidité de la lecture: Dans chaque Provinciale que nous traiterons, Montalte arrive chez le Père jésuite en lui posant une question concernant un détail d'un problème qui, dans le cours de la conversation, prend des conséquences gigantesques . Montalte dénonce ses conclusions en utilisant son bon sens. A la fin du dialogue , la question de la Provinciale suivante est abordée: Ainsi , le lecteur est invité à continuer à poursuivre le débat. Ce qui renforce le caractère dramatique de l'intrigue, c'est le rôle de Montalte: Celui-ci prend des rendez-vous avec le Père jésuite, parce qu'il ne s'est pas fiéàce que notre ami [ le Janséniste] m'en [ des Jésuites] avait appris. ( P.84). De cette facon, il va retrouver le Jésuite en tant qu' une des anciennes connaissances ( P. 88). C'est par l'introduction du masque dans sa lettre que Pascal fait allusion au Théâtre . Au moyen de son recours au dramatique, Pascal enrichit le Dialogue qui, depuis Platon, avait servi d'échapper aux rigides formes universitaires.

Les aspects que nous avons illluminés en rapprochant le genre narratif de la lettre au drame va nous servir de point de départ pour le développement de notre question initale: Les éléments de la comédie dans les Provinciales.

Pour faciliter l'orientation, nous avons prévu une démarche traitant les aspects de la Comédie dans l'ordre suivant: La création du comique par l'inattendu, l'exagération et l'absurdité.

4.Les Provinciales: Analyse du texte

4.1. La création du comique par l'inattendu

A propos des romans et du théâtre (voir Introduction), Nicole complète sa réflexion en traitant le problème de la vraisemblance. Selon lui, la base de la raison est constituée par le principe qu'une oeuvre d'art est belle si elle correspond à sa nature et à l'idée que nous nous en faisons. Par conséquent, toute illusion est laide29.

Le moteur de la comédie sont souvent les caractères dont le comportement diffère de celui que leurs positions sociales leur permettraient. Ainsi, nous rions de la fille qui se bat avec son fiancé dans la comédie shakesperienne The Taming of the Shrew 1592et nous nous amusons d'Aené et Dido dans Virgile Travestie [1648-1652] de Paul Scarron [1610-1660] qui parlent comme un matelot respectivement comme une marchande.

Comme la patience et la douceur sont les attributs de la jeune fille, et le trait caractéristique des personnages de l' Illiade est celui de l'héroisme, le religieux est considéré comme partageux de l'étincelle divine30. Le religieux était chargé du devoir le plus important: Les croyants lui avaient confiés leur âme pour les mener auprès de Dieu. La confiance et le respect étaient naturellement accordés à un organisme reconnu par l'Etat et dont la doctrine avait conquis une grande partie du monde.

A l'aide de quelques extraits de texte qui ne sont qu'exemplaires pour tant d'autres, nous allons essayer de dégager la stratégie de l'auteur . Notamment, nous allons nous consacrer à mettre en relief les différents procédés d'humour touchant au bon mot ainsi qu'à l'humour noir. Nous constatons que Pascal insère les citations des Pères jésuites de telle facon qu'elles augmentent et créent le comique. Il emploie plusieurs structures dont le dénouement comique se base sur la surprise.Une forme évidente est celle du bon mot. La structure de l'histoire drôle est souvent dramatique: Souvent, son narrateur pose une question à un auditeur dont la réponse coule de sources. Pourtant, la pointe consiste en la création d'un contexte inattendu. Un exemple classique pour un début d'un bon mot drôle serait la question suivante: Un prêtre qui a recu de l'argent pour dire une messe peut-il recevoir de nouvel argent sur la même messe? ( 6e Provinciale, P. 105) La réponse logique serait "non". Pourtant, la réponse est positive31 - et l'explication que donne Filutius est surprenante - surtout en considérant que la notion de l'office de Dieu n'est pas de maximaliser l'exploitation de ses possibilités financières. Par l'humour, Pascal arrive aussi à détruire la confiance dans le sérieux des analyses théologiques des Jésuites. Parmi les sujets de recherches qu'il présente, il y en a dignes des formes d'humour les plus bas: Dans la neuvième Provinciale ( P. 150) , le traitement du père sur la consommation de nourriture aboutit en l'évocation des mécanismes de la (non-) digestion : Mais elle serait péchévéniel selon Escobar, n. 56, "si sans aucune nécessitéon se gorgeait de boire et de manger jusqu'àvomir; si quis se usque ad vomitum ingurgitet." Cela suffit sur ce sujet; [...]

En considérant que le postulat de la bienséance, qui n'était avancé que dix ans plus tard32, contenait la condamnation de toute représentation du besoin physique sur scène, nous comprenons l'incompabilité des études théologiques avec une telle bassesse. Même l'usage du latin sert à démasquer la gravité apparente des Jésuites: Le contenu des formules dans la langue morte dont la connaissance n'était partagée que par l'élite intellectuelle du pays est nul. L'emploi du latin dans Les Provinciales devient métaphorique pour les Jésuites: Leurs facades sont éblouissantes mais elles sont si trompeuses qu'elles cachent le manque de substance. Une autre offense entre le fond et la forme est créée par l'usage de l'humour noir: Quant à l'argent acquis par des voies honteuses, le père déclare: Les biens acquis par des voies honteuses, comme par un meurtre, une sentence injuste, une action déshonnête etc., sont légitimement possédés, et on n'est point obligéàles restituer. (8e Provinciale, P. 135 ) L'humour qui est évoqué dans cette citation puise son effet dans un thème tabou du rire: Les crimes sérieux tels que l'homicide. L'humour n'accomplit plus la fonction de ridiculiser des maux. Au contraire, face à l'horreur la tension devient trop grande, donc le rire est une réponse à une atrocité dont on n'arrive pas à saisir la portée. C'est le contexte établi entre le ridicule et l'horreur qui est à la base du rire. L'usage de l'humour noir dans une comédie concue pour un vaste public peut poser des problèmes car les limites entre le saugrenu et le comique sont minces et variables selon les goûts. Pour les lecteurs des Provinciales, il était sans doute difficile à comprendre que les Jésuites, face aux plus grands tragédies ne trouvaient pas de meilleure réponse que la tolérance des atrocités et le rire.

Par l'analyse de trois extraits de texte, nous avons démontré que la déception de l'attente des lecteurs ne servait pas seulement comme base du comique. Pascal se sert de cette stratégie pour en faire un programme: La doctrine des Jésuites est un spectacle unique qui, comme une comédie à grand public doit plaire à tout le monde. Pourtant, l'esprit qui en ressort n'est ni profond ni instructif. Par l' allusion à la farce, à l'historie drôle et à l'humour noir, Pascal fait ressortir le manque de substance sérieuse qui est visible même dans la comédie involontaire des Provinciales. Le recours aux éléments comiques aide Pascal à démontrer que les Jésuites sont incapables d'accomplir leur devoir - celui qui leur fait confiance sera toujours désillusionné et trompé. En considérant le postulat de la vraisemblance d'après Nicole, le comportement des Jésuites pousse Pascal à contredire les règles de l'esthétique: Pascal suggère que tout ce qu'il fait c'est de représenter la réalité telle qu'elle est. Ceux qui rendent laide sa peinture, ce sont les Jésuites qui n'accomplissent ni leur devoir spirituel ni leur obligation sociale. Avec son accusation, Pascal fait allusion au sermon des faux prophètes ( Matthieu 7, 14-16)

Méfiez -vous des faux prophètes qui viennentàvous déguisés en brebis mais au-dedans sont des loups rapaces. C'estàleurs fruits que vous les reconnaîtrez. L'usage de l'humour dans les Provinciales qui est constitué par les citations des Jésuites, serait alors une présentation des fruits jésuites et une aide au lecteur pour reconnaître les fruits empoisonnés33. Nous continuerons à examiner l'aspect de l'illusion en nous appuyant sur le procédé comique de l'exagération - tout en sachant que le rire peut être provoqué par une combinaison de l'exagération et de l'illusion "decue". Toutefois, l'orientation et la présentation des résultats nous semble plus facile si la discussion est d'un ordre consécutif.

4.2. L'Exagération

La citation que Pascal met au début de sa cinquième Provinciale, met en évidence qu'avec les Jésuites nous nous situons aux antipodes de l'art classique et intellectualisé: La présentation des Jésuites faite par eux-mêmes n'a rien de la modestie réclamée pour ceux qui vivent dans la succession de Jésus:

C'est une societéd'hommes ou plutôt d'anges , qui aétéprédite par Isaie en ces paroles: Allez , anges, prompts et légers. [...] Ce sont des esprits d'aigles; c'est une troupe de phénix, un auteur ayant montrédepuis peu qu'il y en a plusieurs. Ils ont changéla face de la Chrétienté. ( 5e Provinciale, P. 84)

Cette caractérisation fait ressortir l'exubérance du style de la troupe de phénix. Les contemporains de Pascal n'ont qu'à regarder les églises et les collèges que la Compagnie de Jésus fait construire pour voir la traduction visuelle de leurs conceptions : Les oeuvres atteignent la pensée en agissant sur l'oeil avec la brutalité qu'ont aujourd'hui certains artifices publicitaires. Personne ne niera que pour mieux vendre un produit, il est indispensable de peindre la valeur de la marchandise dans les couleurs les plus brillantes. Si les couleurs sont trop criardes, l'exagération devient trop évidente et au lieu d'intéresser les clients potentiels, elle les amuse.

Ainsi l'exagération d'un trait particulier paraît facilement comique - même la simple répétition de phrases, de situations ou d'actions sont employés pour évoquer le rire. De cette facon, les questions ( en soi non-comiques) d'Orgon ( "Et Tartuffe?"- "Le pauvre homme!"34 ) dans Tartuffe 1664 amusent les spectateurs car elles démontrent jusqu'à quel dégré le protagoniste est fixé sur l'homme pieux. C'est par cette exagération même des traits de caractère35 que Molière rend ses caractères des personnages comiques.

Dans les Provinciales, Pascal ne renonce pas à renforcer quelques traits de caractère du père jésuite: Comme nous avons déjà constaté en 3.3., l'usage fréquent du latin ne sert pas seulement de moyen pour prouver l'insuffisance académique des Jésuites, il est aussi signe du caractère prétentieux du mouvement. La technique bibliographique exacte des passages employés n'a pas uniquement la fonction d'une arme contre des attaques sur une falsification suspectée des textes jésuites; la démarche utilisée est si précise36 qu'elle semble obscure et trop détaillée. De plus, si toutes les notes sont lues à voix haute, cela a pour effet de démontrer les facons circonstanciées du Pére. Comme celui-ci base toutes ses propositions sur les auteurs graves, il ressemble à un comédien qui ne déclame pas plus que les phrases qu'il a apprises par coeur.Ces traits de caractère certes exagérés, contribuent Pascal à créer une sorte de Don Quijote qui n'a pas été empoisonné par des romans chevaleresques, mais par les doctrines de sa compagnie. Il est prisonnier du système des opinions probables.Toute réflexion hors de son système lui est inaccessible. Dans Montalte, nous découvrons l'antagoniste du Père. Son caractère correspond à celui d'un homme intelligent qui est toujours supérieur à son partenaire. A la grande différence du partenaire de Don Quijote, Sancho Panza, Montalte n'est jamais tourné en ridicule. Ses traits de caractère ne sont pas exagérés, il n'est pas un personnage de comédie.

L'exagération n'est pas seulement le moyen de peindre le caractère du Père, elle se trouve aussi dans l'oeuvre des auteurs graves: Par le Pére jésuite nous apprenons que l'absence spirituelle à la messe n'est point un péché. Cet aveu en soi contient déjà assez de substance blasphématoire. Le Père continue pourtant à excuser les comportements les plus incroyables:

Qu'une méchante intention, comme de regarder des femmes avec un désir impur, jointeàcelle d'ouir la Messe comme il faut, n'empêche pas qu'on n'y satisfasse, nec obest alia prava intentio, ut aspiciendi libidinose feminas. (P.154)

Cette gradation de l'absence spirituelle à la messe au péché dans la messe nous montre le manque de principes de la Compagnie de Jésus. Nous voyons aussi qu'il ne s'agit plus d'une adaptation de l'Evangile , mais d'une distortion parfaite et d'une exagération d'engagement. A l'aide de cette démarche, les Jésuites tentent d'intégrer même les hommes qui n'ont pas pour dessein de se transformer pour vivre d'après l'Ecriture37. Enfin, ils juxtaposent l'idée baroque de l'homme qui tente de s'approcher au ciel - c'est eux, qui se nomment successeurs de Jésus qui tirent les valeurs éternelles vers les basses nécessités de l'homme. Souvent Pascal surmonte le principe de l'exagération. Le rapprochement du céleste vers le mondain pâlit de tout sens et devient absurde. Dans le chapitre prochain, nous allons démontrer comment Pascal se sert de l'humour basé sur l'absurde pour démasquer la doctrine des Jésuites.

3.5. L'absurdité

Dans le genre dramatique, le sommet de l'absurdité est constitué par le théâtre des auteurs tels que Beckett ( 1906-1989) et Ionesco (1912-1994) qui célèbrent le non sens et l'illogique. Les racines de l'absurde se trouvent pourtant dans la Commedia dell'Arte , forme théâtrale basée sur l'improvisation. Dans le XVIIe siècle, Paul Scarron s'amuse à mettre en lumière les contradictions désopilantes des héros et tourne en ridicule les prétentions épiques de Don Japhet d'Arménie ( 1653)38 . Pascal se sert de l'absurdité pour démasquer que les propositions des Jésuites ne sont pas seulement impies, mais absurdes: Comment s'imaginer qu'on pourra tromper Dieu par un chuchotement si l'on croit vraiment en lui?

C'est qu'après avoir dir tout haut: Je jure que je n'ai pas fait cela , on ajoute tout bas, aujourd'hui; ou qu'après avoir dit tout haut: Je jure, on dise tout bas, que je dis, et que l'on continue ensuite tout haut, que je n'ai point fait cela. Vous voyez bien que c'est dire la vérité. (Neuvième Provinciale, P. 150)

De cette facon , Pascal met en évidence que l'approche théologique des Jésuites ne manque pas seulement de sérieux, il témoigne d'une incapacité de raisonner. Pour Pascal, qui aurait sans doute signé la phrase si simple de la Lettre sur l'Imposteur 1667: La religion n'est que la perfection de la raison, le raisonnement des Jésuites était sûrement une trahison de la nouvelle philosophie dont les représentants les plus éminents étaient René Descartes [1596- 1650] et lui- même. Pascal et Descartes considérèrent la foi comme le produit de leurs réflexions. Pour Pascal, Dieu est la force qui surmonte le paradoxe39 auquel l'homme est soumis. En faisant ressortir l'absurdité dans le raisonnement des Jésuites, Pascal ne se contente pas de démontrer leur insuffisance académique, du plan philosophique, il fait comprendre à ses lecteurs que les Jésuites n'offrent pas de secours face à la situation paradoxale de la vie humaine. En continuant sur l'absurdité, la proposition de Gero von Wilpert40 sur le grotesque comme résultat d'une attitude envers le monde, peut nous aider à développer la discussion.

Selon lui, les époques dans lesquelles le grotesque est une forme d'humour préférentielle se distinguent par leur perte de foi dans un monde parfait. Les lois logiques semblent sans effet et évoquent une dillusion démoniaque de l'ordre naturel. Ceci dit, Pascal utilise l'absurdité pour inciter de la peur à ses lecteurs: En effet, le sujet duquel on s'amusait devient très sérieux quand on constate que dire la vérité n'est plus du tout une norme à laquelle on peut faire confiance.

5. Conclusion

Les deux voies

Entrez par la porteétroite. Large, en effet, et spacieux est le chemin qui mèneàla perdition et il en est beaucoup qui s'y engagent; maisétroite est la porte et resserrée le chemin qui mèneàla Vie et il en est peu qui le trouvent. Matthieu, 7,13-14

Dans la fameuse le sermon de la montagne, le dualisme entre le royaume des ténèbres et celui de la Vie est établi. Il n'y a pas de chemin suffisamment large pour qu'on puisse passer sans incommodités. Même dans nos societés séculières, nous connaissons le problème des deux voies. Les grands partis politiques qui de droit ou de gauche, ne sont plus identifiables parce qu'ils ont abandonné leurs idéologies aux dépens des majorités parlementaires. Si nous lecteurs, du XXIe siècle, lisons Les Provinciales à part l'intérêt historique, nous observons une querelle du XVIIe siècle entre la doctrine pure et les compromis . En démasquant les Jésuites, Pascal démontre le danger de l'effacement total de la doctrine originale par l'essai d'intégrer le plus de monde possible. Par son talent et son humour, Pascal nous replonge dans ce qui fût le grand débat intellectuel du XVIIe siècle Dans ce mémoire, nous avons mis en rapport le contenu des Provinciales avec son élaboration et nous avons établi que le gouffre qui existe entre la doctrine janséniste et jésuite est perpétué dans son traitement. Pascal attaque les Jésuites sur tous les fronts: Il remet en question la valeur de leur travail académique, il les accuse de trahison de leur devoir de prêtre et dénonce leur infidelité à l'Evangile. Son arme la plus efficace, c'est le rire: Comme nous l'avons démontré, il se sert de toutes les facettes de l'humour pour dénoncer la fausseté de la Compagnie de Jésus: Dans l'analyse, nous avons tenu à faire ressortir trois éléments de comédie qui, tous ensemble, font le tableau réel des Jésuites: Le lecteur dont la première réaction sur les Provinciales est celle de rire, découvra au second degré la sérieux derrière la déception des attentes, l'exagération et l'absurdité. Même si Pascal se sert de beaucoup d'éléments de comédie, l'humour qui en ressort est souvent de nature grotesque et farceuse. Voulait -il suggérer que le théâtre de la Sorbonne était équivalent au seul théâtre permanent de la France, à l'hôtel de Bourgogne à Paris, où fréquemment des farces étaient jouées? Sans doute, l'analyse des Provinciales dans la tradition de la farce serait un autre sujet complémentaire à cette recherche. Comme nous avons suggéré au début de l'analyse, les Provinciales [ 1653/54 ] n'appartienent pas encore formellement à l'époque "classique". Pourtant, l'esprit classique était en train de se constituer. Quand nous considérons le mépris du baroque par la nouvelle période classique, il serait intéressant de développer une problématique spécifique au style de l'époque: Pascal avait-il l'intention de démontrer l'esprit baroque41 et par conséquent de démoder la Compagnie de Jésus?

Sans doute, un grand avantage de la forme facilement accessible était le nombre de lecteurs non théologiens à qui Pascal pouvait s'adresser. De cette facon, Pascal ôte à la Sorbonne l'exclusivité du jugement et intègre tout homme qui sait lire le francais dans la discussion. Grâce à la clarté et à l'accessibilité du style, les Provinciales peuvent être considérées comme un des premiers appels à une grande couche de la société à réagir face à une arrogance qui les dirige. Loin de seulement observer le postulat horacien du prodesse et delectare, Pascal se rend compte de la fonction que tout intellectuel devrait exercer dans la societé: Il réclame la compréhensibilité des sujets qui concernent tout le monde et qui sont traités par des spécialistes.

Bibliographie:

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Prang, Helmut: Die Geschichte des Lustspiels. Von der Antike zur Gegenwart. Stuttgart: Kröner 1968.

Wilpert, Gero von, Sachwörterbuch der Literatur. Stuttgart: Kröner , 1989.

[...]


1 Les Jésuites croient que la grâce est garanti à tous les hommes ( grâce suffisante). Si la vie que mène l'homme cette grâce devient efficace. La doctrine des Jansénistes, par contre, incorpore la conviction que le coeur humain est corrompu. L'homme ne peut pas contribuer à son salut. Pourtant, il faut agir comme si la grâce se méritait.

2 Comparez: Descotes, Dominique: Pascal. Biographie.Étude de l'oeuvre. Paris: Albin Michel [Classiques] 1994.S. 126

3 Comparez:: Duchene, Roger: "Rire avec Pascal" dans L'Imposture littéraire dans les Provinciales de Pascal. Université de Provence, 2e é. augmentée, 1955. P. 144-158.

4 Prang, Helmut: Die Geschichte des Lustspiels. Von der Antike zur Gegenwart. Stuttgart: Kröner 1968. S.1

5 Pourtant, l'identification aux caractères n'est pas essentielle comme le demontre Bertold Brecht (1898- 1956). La conception didactique de ses caractères comprendrait le postulat de la non-identification.

6 grec: La purification. Notion de la purification morale du spectateur qui partage le sort du héros tragique. L'idée de la catharsis se trouve surtout dans l'oeuvre de Corneille, Lessing Herder et Goethe. Compare: Wilpert, Gero von, Sachwörterbuch der Literatur. Stuttgart: Kröner , 1989. S.445.

7 Compare : comédies de Molière ( p. ex. L'Avare 1668)

8 Compare: comédies de Marivaux ( p. ex. Le Jeu de l'Amour et du Hasard 1730)

9 Si par exemple, Arlequin dans le Jeu de l'Amour et du Hasard appelle négligemment "beau- père" M. Orgon et " sa femme" Sylvia bien qu'ils n'aient pas encore fait connaissance, ce comportement trop familier provoque le rire car il ne correspond pas aux conventions sociales.

10 Ces comédies font parti de la littérature engagée et , par cette nature, ressemblent aux oeuvres de G. B Shaw (1856-1950) et Friedrich Dürrrenmatt.

11 Quand nous parlons de la comédie, nous employons le terme dans le sens du théâtre comique, tout en sachant qu'au 17e siècle, le terme était approprié à toute sorte de drame.

12 Köhler, Erich, Vorklassik: Vorlesungen zur Geschichte der Französischen Literatur. Stuttgart: Kohlhammer, 1983. S.102

13 Bürger, Peter, Die französische Komödie um 1630. dans: Romanische Stil-und Literaturstudien. Marburg: Elwertsche Verlagsbuchhandlung, 1975. S. 57

14 Conesa, Gabriel , La Comédie de l'ÂgeClassique ( 1630-1715). Paris: Seuil 1995. P. 35

15 La métaphore théâtre/monde est une des plus courantes du 17e siècle- dans toute la littérature européene: Comparez: Calderón El gran teatro del mundo [avant 1635]

16 Compare: Les fameux mots du premier passage de l'oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre 1670de Jacques Bossuet [1627-1704] Vanitédes vanités et tout est vanitédes vanités.

17 Le lieu d'élection en France fut l'abbaye de Port- Royal où, en 1608, la jeune abbesse, Angélique Arnauld entreprend de ramener son couvent à la stricte observation de la règle.

18 ( Compare 1.: Citation du Père Nicole1dans laquelle il condamne le Théâtre et le Roman.

19 Cette attitude est traduite dans la phrase suivante: Je ne me contente pas du probable, lui dis-je, je cherche le sûr. (Cinquième Lettre, P. 91) et est basé sur Matthieu, 7 13-14. ( Les deux voies)

20 La dixième Provinciale fait encore partie des lettres désignées pour l'ami provincial. Pourtant, dans cette lettre , Pascal abandonne sa technique de dialogue et traite le sujet en moraliste sérieux. Dans le cadre de notre sujet, nous renoncons à l'analyse de cette lettre.

21 Il déclencha le mouvement qui aboutit en 1679 à la condamnation par le Pape Innocent XI des soixante-cinq propositions dites "laxistes" contenues dans l'enseignement casuistique des Jésuites. Dans son oeuvre sur les Jésuites, Alain Guchard continue cette réflexion en observant que cette condamnation prépara le terrain sur lequel pouvait s'opérer cent ans plus tard la dissolution et la dispersion des Jésuites. Guichard, Alain: Les Jésuites. Paris : Grasset 1974. P. 64

22 Sachez donc que leur objet n'est pas de corrompre les moeurs: ce n'est pas leur dessein. Mais ils n'ont pas aussi pour unique but celui de les réformer. Ce serait une mauvaise politique. Voici quelle est leur pensée. Ils ont asssez bonne opinion d'eux-mêmes pour croire qu'il est utile et comme nécessaire au bien de la religion que leur crédit s'étende partout, et qu'ils gouvernent toutes les consciences. P. 85.

23 De plus, dans ce paragraphe, Pascal met en évidence la faiblesse du Pape qui, apparemment, n'arrive pas à contrôler le parti subversif des Jésuites. Peut-être fait-il même appel au Pape de décider en faveur du Janséniste afin de faire sentir son authorité.

24 L'Evangile réserve à Dieu le droit de vengeance.

25 L'identification du lecteur avec Montalte qui, lui, sympathise avec les Jansénistes fait que le lecteur même se voit menacé par les idées criminelles des Jésuites.

26 Un juge peut-il dans une question de droit juger selon une opinion probable, en quittant l'opinion la plus probable? Oui, et même contre son propre sentiment: imo contra propriam opinionem. P. 128.

27 Ce crime valait plus grave qu'un crime mondain car la vie dans après la mort était, d'après la tradition chrétienne, le centre de la vie sur terre.

28 On trouve des dramaturges qui intègrent le personnage du narrateur dans leurs drames. ( Comparez: les pièces grècques où la chorale a le devoir de commentateur . Berthold Brecht a recours à cette idée quand il utilise le personnage du narrateur dans son théâtre épique.)

29 Compare: Köhler: P. 103.

30 Il faut quand même se rendre compte du fait que l'histoire drôle ayant pour sujet les nécessités charnelles des moines augustiniens était très répandue depuis le Moyen-Age. Il est pourtant remarquable que l'emploi du personnage religieux dans une comédie est rare et était toujours problématique. ( Compare: La "cabale des dévots" fait interdire le Tartuffe 1664de Molière.

31 Oui, dit Filutius, en appliquant la partie du sacrifice qui lui appartient comme prêtreà celui qui le paie de nouver, pourvu qu'il n'en recoive pas autant que pour une messe entière, mais seulement pour une partie, comme pour un tiers de messe. ( 6e Provinciale, P. 105)

32 Vers 1660, les principes de la doctrine classique ont déjà été définis par Chapelain, d'Aubignac et Corneille.

33 Comme la base de la querelle est constituée par le problème de la grâce qui a pour origine le pêché originel, il serait intéressant de continuer la metaphore biblique du fruit fatal. L'acceptation des fruits serait-il égal à une expulsion éternelle du paradis?

34 Compare: Molière: Le Tartuffe ou l'Imposteur. Paris: Le Livre de Poche 1999.1664. P. 64/65

35 Compare: Les Précieuses Ridicules 1659, Le Misantrophe 1666, L'Avare 1668, Le Malade Imaginaire 1672.

36 La bibliographie est constituée par des détails comme : t.1, tr2, disp 88, n.6. ( Compare : Les Provinciales, P. 129.

37 Compare: Les hommes sont aujourd'hui tellement corrompus que, ne pouvant les faire venirànous, il faut bien que nous allionsàeux. (Sixième Lettre, P. 103)

38 Landry, Jean Pierre et Morlin, Isabelle: La Littérature francaise du XVIIe Siècle. Paris: Armand Comin 1993. P. 13

39 Pascal comprend l'homme comme une créature entre le nánt et l'infinie de l'univers. Face à l'univers il est un rien, en comparaison avec le néant il est un univers. Ces conceptions ne peuvent être comprises ; L'homme est le centre desextrèmes tels que le bien et le mal, l'ange et la bête etc. L'union de ces deux extrèmes n'est possible qu'en Dieu. Comparez: Schwendemann, Irene, Éditeur.: Hauptwerke der französischen Literatur. Einzeldarstellungen und Interpretationen. München: Kindler, 1976. S. 152

40 Wilpert, Gero von, Sachwörterbuch der Literatur. Stuttgart: Kröner , 1989. P. 353

41 Cette approche semble d'autant plus promettant que le baroque était considéré comme un style exubérant ayant ses origines en Espagne et en Italie. La préférance des Jésuites pour ce style pourrait suggérer des tendances francophobes.

Ende der Leseprobe aus 26 Seiten

Details

Titel
Les Provinciales de Pascal - Une Comédie?
Note
1
Autor
Jahr
2000
Seiten
26
Katalognummer
V97718
ISBN (eBook)
9783638961691
Dateigröße
523 KB
Sprache
Deutsch
Anmerkungen
In dieser Arbeit wird die Vorgehensweise des Autors beleuchtet, die darin besteht , seine Gegener mit den subtilen Mitteln der Komödie, lächerlich zu machen. Nach der (kurzen) Darstellung der Geschichte der französischen Komödie folgt die Auswertung am Text.
Schlagworte
Provinciales, Pascal, Comédie
Arbeit zitieren
Carlota Casajemas (Autor:in), 2000, Les Provinciales de Pascal - Une Comédie?, München, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/97718

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