La relation pauvreté-microfinance dans la littérature. Concepts, approches et théories


Etude Scientifique, 2020

178 Pages


Extrait


Sommaire

Introduction générale

Chapitre 1. Pauvreté : concept, historique et théorie
1.1. Le concept de pauvreté
1.2. Evolution des idées sur la pauvreté
1.3. Les grandes théories de la pauvreté

Chapitre 2. L'essor de la microfinance
2.1. La recherche en microfinance des années 50 aux années 70
2.2. L’évolution de la microfinance au cours des années 80 et 90
2.3. La transformation de la microfinance au 21ème siècle

Chapitre 3. Les approches dominantes en microfinance
3.1. L'approche du « credit first
3.2. L'approche des « financial services »

Chapitre 4. Les modèles types de microfinance
4.1. Les institutions de microfinance appartenant aux membres
4.2. Les références à la pauvreté dans la microfinance
4.3. Vers une théorie de la microfinance et de la pauvreté

Conclusion générale

L’auteur

Mathurin TCHAKOUNTE NJODA est un économiste camerounais. Il a reçu la Licence et la Maîtrise en Sciences Economiques à l’ancienne Université de Yaoundé, le DEA à l’Université de Yaoundé II et le Doctorat PhD à l'Université de Douala. Il a ensuite rejoint l'Université de Ngaoundéré, où il travaille encore actuellement. Il a également travaillé en tant qu’enseignant invité dans des institutions universitaires du Cameroun. Il est l’auteur de plusieurs articles et ouvrages.

Remerciements

C'est un grand honneur pour moi de publier un second livre sur la microfinance. Le fait d’étudier ce système financier révolutionnaire en compagnie de la pauvreté a été un défi, et je me sens heureux d'avoir accompli cette tâche.

En plus de ma satisfaction et de mon intérêt concernant le sujet de la recherche, peu de personnes m’ont vraiment assisté au moment de faire de cette entreprise une réussite.

Dans un premier temps, je voudrais transmettre ma gratitude et mes remerciements à des collègues de travail qui m’ont souvent donné de précieux conseils afin de mieux aborder les questions soulevées.

Je suis très reconnaissant envers mes amis, qui ont également beaucoup contribué à l'accomplissement et au couronnement de ma recherche. Surtout, quelques amis qui m’ont aidé à dénicher la documentation anglaise, si nécessaire.

Enfin, je tiens à dire que sans l'engagement et le soutien de toutes ces personnes, le projet d’ouvrage ne serait jamais réalisé. Pour ces raisons, je suis vraiment redevable envers ces personnes.

Résumé

La microfinance a gagné en importance en tant qu'option économique, politique et sociale pour la lutte contre la pauvreté. Bien que la mise en place des institutions de microfinance ait une longue histoire, leur attrait croissant est généralement associé à l'attention accordée à la « Grameen Bank » au Bangladesh, qui a été la première microfinance à accorder des prêts collectifs aux femmes pauvres. À la suite du « succès » de Grameen Bank et de la promotion des institutions dites « clonées » de par le monde, le plaidoyer pour la microfinance s'est concentré principalement sur le microcrédit. En conséquence, un plus grand ancrage de la microfinance dans la société en tant qu'épargne, assurance et autres formes d'intermédiation financière a reçu beaucoup moins d'attention. On pensait que le microcrédit représentait un moyen très fiable et très rapide pour réduire la pauvreté, notamment en soutenant l'esprit d'entreprise des pauvres. Le microcrédit est alors devenu une sorte de « talon d’Achille » du secteur de la microfinance, de plus en plus identifié comme sa « raison d’être » et la justification des investissements évalués en milliards de dollars à travers le monde.

Cet ouvrage se propose d’étudier la relation entre la pauvreté et la microfinance. L’argumentaire développé considère le lien affirmé entre ces deux grands concepts des temps moderne à partir d'une interrogation principalement théorique. L’étude remet en question l'engagement limité que la littérature sur la microfinance a eu avec les diverses théories sur la pauvreté, et tente de formuler une compréhension plus nuancée des relations entre la pauvreté et la microfinance.

La recherche entreprise soutient qu'un modèle de microfinance, fondé sur l'épargne, a la capacité de contribuer aux défis de la réduction de la pauvreté plus qu'on ne le reconnaît actuellement. Lorsqu'elles bénéficient du soutien nécessaire, les institutions financières appartenant à leurs membres, telles que les banques villageoises, offrent une solution potentielle pour relever les défis inhérents à la fourniture de services bancaires à faible coût dans les zones rurales.

Mots clés: Pauvreté, microfinance, crédit, épargne, services financiers.

Acronymes et abréviations

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Introduction générale

« La pauvreté, partout, constitue un danger pour la prospérité partout ».

Déclaration de Philadelphie de 1944 (ILO, 1944).

La pauvreté1 au milieu de l’abondance est le plus grand défi du monde. Le problème de la pauvreté, et les nombreuses approches d’étude correspondantes, reste l'une des épreuves les plus difficiles à aborder dans la littérature sur le développement local et international. La recherche académique et les politiques publiques concernées par le développement ont été consacrées à la meilleure manière de définir, comprendre et réduire la pauvreté.

Au début du 21ème siècle, la pauvreté représentait toujours un problème mondial aux proportions énormes. Sur les 6 milliards d’habitants du monde, 2,8 milliards vivent avec moins de 2 dollars américains par jour et 1,2 milliard avec moins de 1 dollar par jour (Nogler et Pertile, 2016). Malgré les progrès économiques dans le monde, qui ont permis de réduire le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté, près de la moitié de la population mondiale en 2018 – c’est-à-dire 3,4 milliards de personnes – a encore du mal à subvenir à ses besoins fondamentaux

Il y a de cela une quinzaine d’années, plus de 3 milliards de pauvres de par le monde cherchaient à accéder aux services financiers de base essentiels à la gestion de leur vie précaire (Helms, 2006) et près d'un tiers des adultes – évalué à 1,7 milliard – n’étaient toujours pas bancarisés. Plus de 90 % n'avaient pas accès aux services financiers modernes. A l’heure actuelle, très peu ont accès à un compte d'épargne, à des prêts, à une assurance ou à un moyen pratique de transférer de l'argent. Environ la moitié des personnes non bancarisées sont des femmes pauvres des ménages dans les zones rurales ou sans emploi2.

Les services financiers en général, et bancaires en particulier, jouent un rôle essentiel dans la réduction de la pauvreté. Un accès permanent aux services financiers peut aider les pauvres à prendre le contrôle de leur vie. Une bonne gestion de très petits actifs peut être cruciale pour la survie des pauvres qui vivent dans des conditions précaires, menacés par le manque de revenus, d'abris et de nourriture. Pour surmonter la pauvreté, ils doivent pouvoir emprunter, épargner, investir et protéger leur famille contre les risques. L'accès direct aux services financiers peut permettre aux personnes très pauvres de passer de la survie au jour le jour à la planification de l'avenir, d'acquérir des actifs physiques et financiers, d'investir dans une meilleure nutrition, santé et éducation.

Grâce aux institutions de microfinance3 telles que les coopératives de crédit et certaines Organisations Non Gouvernementales (ONG), les pauvres peuvent obtenir de petits prêts, recevoir des fonds de parents travaillant à l'étranger et sauvegarder leur épargne. Avec l'accès à de petits montants de crédit à des taux d'intérêt raisonnables4, les pauvres peuvent créer de petites entreprises.

Il est donc clair que la microfinance fait référence à la fourniture de services financiers aux pauvres. Elle est considérée comme un segment innovant du secteur bancaire. La microfinance comble le fossé que la banque commerciale n'a pas été capable de compléter et où la philanthropie n'est pas en mesure d'aller au-delà des approches pilotes pour atteindre une échelle significative. La microfinance est un outil générateur de revenus plutôt qu'une aide à la consommation5 (Ledgerwood, 1998 ; Ledgerwood, Earne et Nelson, 2013 ; Durrer, 2017).

L'accès au capital des personnes pauvres a révolutionné le monde du développement, prouvant que des prêts aussi faibles que 50 ou 100 dollars dans les pays les plus pauvres et un peu plus importants dans les pays en développement à revenu intermédiaire peuvent transformer la vie des pauvres. Il existe des exemples où, si les pauvres ont la possibilité de créer leur propre entreprise, ils peuvent subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille et générer des revenus durables. S'ils peuvent maintenir ce revenu, cela peut améliorer le niveau de vie et les sortir de la pauvreté. Si les individus parviennent à la liberté économique, cela peut conduire à une série d'améliorations telles que le bien-être des familles, des communautés et de la société (CGAP, 2002 ; Dhakal, 2013).

Les avantages exacts que la microfinance apporte aux individus et à la société peuvent être difficiles à mesurer d'un point de vue technique. Il existe relativement peu d'études rigoureuses sur l'impact des services de microfinance. Cependant, diverses recherches / études ont révélé que la microfinance était un catalyseur important pour la réduction de la pauvreté, la création d'emplois indépendants, l'amélioration des revenus globaux et l'augmentation du pouvoir de décision (Bauchet et al., 2011 ; Cameron et Ananga, 2013 ; Cull, Ehrbeck et Holle, 2014).

La microfinance en tant qu'industrie a pris de l'ampleur et a étendu sa portée et sa cible depuis les deux dernières décennies. Le secteur s'est élargi au cours des années passées pour inclure une variété de produits financiers tels que l'épargne, l'assurance, les paiements de transfert et les micro-pensions en plus du crédit. Lorsque la réglementation le permet, l'épargne – pour ne prendre que ce cas – peut être un outil très puissant, car elle permet aux pauvres d'amasser des actifs liquides qui peuvent être utilisés pour autofinancer l'éducation, les soins de santé, les secours en cas de catastrophe tout en donnant à l'institution de microfinance une source de capital pour rétrocession (Ledgerwood, Earne et Nelson, 2013 ; Massele et Fengju, 2016).

La microfinance tente de répondre à la multitude des besoins financiers des pauvres. Avec cet élargissement de l'objectif, le domaine lui-même a accru sa portée. La campagne au sommet sur le microcrédit dans son rapport annuel de 2014 a donné l’estimation selon laquelle, en fin 2012, l'accès au financement a atteint plus de 203 millions de personnes dans le monde, tandis que le nombre total d'institutions microfinancières en activité était de 3718 établissements. Ces institutions ont alloué des prêts courants de l’ordre de 115 584 445 dollars. Parmi les clients, certains ont été classés comme les plus pauvres (c'est-à-dire gagnant moins de 1 dollar par jour) lors de leur adhésion initiale aux programmes de microfinance (Mader, 2017).

Les institutions de microfinance sont progressivement devenues professionnelles avec une amélioration des méthodes de décaissement et de recouvrement des prêts pour atteindre plus de clients plus rapidement et efficacement. Elles sont mieux constituées et mieux gérées pour répondre à la demande croissante de leurs services. La croissance rapide de la microfinance a suscité de plus en plus d'appels à la réglementation. La réglementation permet aux institutions de microfinance d'évoluer plus pleinement vers les banques, en particulier pour les institutions qui souhaitent accepter des dépôts. Mais il existe des compromis potentiels, car se conformer à la réglementation et à la supervision peut être coûteux.

La supervision est associée à un prêt moyen beaucoup plus important et à des prêts aux femmes moins importants parmi les institutions de microfinance à but lucratif qui absorbent le coût de la supervision en limitant la sensibilisation aux segments de marché qui ont tendance à encourir des coûts plus élevés par dollar prêté, tandis que les institutions de microfinance moins axées sur le profit n'ajustent pas la taille des prêts ou prêtent plus aux femmes lorsqu'elles sont supervisées et quand leur rentabilité est considérablement réduite (Cull, Demirgue-Kunt et Morduch, 2009, 2011 ; Javid et Abrar, 2015).

L’intérêt pour le développement socioéconomique a toujours été encadré par le contexte de la pauvreté; pour cela, il est devient important de comprendre parfaitement ce que l’on entend par « pauvreté », terme qui est largement utilisé tout au long du discours sur le développement. La manière dont la pauvreté est définie, interprétée, et mesurée, est nécessaire pour notre compréhension de la pauvreté, et guide éventuellement des choix politiques particuliers. En plus, il est nécessaire de justifier pourquoi le terme signifie différentes choses pour différentes personnes. Entre autres interrogations importantes:

-quelle a été l'évolution historique de la réflexion sur la pauvreté et comment cela s'est-elle reflétée dans la littérature sur la microfinance ?
-Ceux qui étudient la pauvreté en profondeur identifient-ils indépendamment un rôle pour la microfinance ?
-Dans quelle mesure la gestion financière, et plus particulièrement sous la forme de microfinance, est-elle au cœur de leur réflexion ?
-Existe-t-il une théorie explicite de la pauvreté et de la microfinance ? Sinon, à quoi pourrait-il ressembler ?

Ces questions et bien d’autres sont examinées tout au long de ce travail.

La recherche entreprise vise aussi à répondre aux questions sur l'importance des services bancaires à bas prix pour les pauvres et sur le rôle que l'épargne peut jouer dans l'atténuation des effets négatifs de la pauvreté. En effet, le mouvement de la microfinance elle-même a longtemps embrassé sa contribution en tant qu’instrument de « lutte contre la pauvreté ». Compte tenu de la domination écrasante du crédit sur les autres formes de microfinance (épargne et assurance), la conclusion que l'on pourrait tirer de la littérature est que : « accès au crédit = réduction de la pauvreté ». Mais qu'en est-il de l’épargne ? L'accès à l'épargne réduit-il également la pauvreté ? Pourquoi la microfinance privilégie-t-elle le crédit ? Comment le secteur de la microfinance pour sa part définit-il la pauvreté et comment établit-il des liens de causalité avec le crédit ? L'accès à l'épargne pourrait-il avoir un impact plus important sur la réduction de la pauvreté par rapport au crédit, car il n'inclut pas le risque et le fardeau supplémentaires associés à la dette ?

Dans cette perspective, la motivation de l’ouvrage est de remettre en question le biais perçu vers le crédit dans la prestation de services microfinanciers et de plaider pour une plus grande insistance sur l'épargne. Il est possible qu'une meilleure compréhension de la relation entre l'épargne et la pauvreté soit nécessaire. La recherche explore comment l'épargne peut théoriquement réduire la pauvreté et les moyens et la mesure dans lesquels cette capacité demande à être soutenue.

Depuis longtemps, les décideurs politiques et les planificateurs du développement étaient convaincus que les pauvres n'ont pas une capacité d'épargne importante (Johnson et Widdows, 1985 ; Sherraden, 1991). La négligence de la mobilisation de l'épargne dans les segments pauvres de la population des pays en développement s'expliquait par un faible revenu entraînant une faible capacité d'épargne des ménages ruraux et une forte propension à dépenser l'excédent économique pour des activités sociales ou religieuses ou pour la consommation (Adams, 1978). Auparavant, la perception d'une faible capacité d'épargne reposait sur les fonds limités déposés par les pauvres dans les institutions financières formelles. Au cours des dernières années, cependant, les praticiens ont réalisé que cela était attribuable à des installations de dépôt et à des structures institutionnelles inappropriées (Von Pischke, 1984; Robinson, 1994).

L’ouvrage commence par une analyse qui se penche sur le discours sur la pauvreté, du point de vue des théoriciens de la pauvreté. Sept théories contemporaines sur la pauvreté sont présentées, chaque théorie étant interrogée sur la façon dont, le cas échéant, elle s'engage avec la littérature sur la microfinance. La littérature sur la microfinance est ensuite refondue au sein de ce discours sur la pauvreté et une réflexion est menée sur la manière et l'endroit où ces deux domaines coïncident. Les thèmes du risque et de la vulnérabilité, de la gestion des chocs, de la constitution de portefeuilles d'actifs et de la stabilisation de la consommation au sein des ménages, sont considérés avec un intérêt particulier pour la manière dont les instruments financiers peuvent aider. Le développement de la recherche se poursuit ensuite par une revue de la littérature sur la microfinance, à partir des années 1950, bien avant la création de la Grameen Bank au Bangladesh. Les thèmes pertinents de la pauvreté, de l'épargne, du crédit, du genre et des institutions sont étudiés en fonction de la façon dont ils sont traités par deux grandes approches de la microfinance qui ont été identifiées. L’étude observe les principaux arguments de chaque approche afin de présenter la façon dont ils émettent des hypothèses sous-jacentes sur la relation entre la microfinance et la pauvreté, qui à son tour influence les politiques et les pratiques. L’étude fournit également une discussion détaillée sur les institutions appartenant aux membres et examine le rôle que la gouvernance, l’égalité et l'appropriation jouent dans la création d'institutions durables.

Bibliographie

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Chapitre 1. Pauvreté : concept, historique et théorie

Ce premier chapitre de l’ouvrage analyse la pauvreté de manière de manière simple mais fouillée, du point de vue des théoriciens de la pauvreté, tandis que les autres chapitres considèrent la littérature sur la microfinance et ses références nombreuses et variées par rapport à la pauvreté. Dans ce chapitre, le point de départ indiqué pour examiner la relation entre la pauvreté et la microfinance est évidemment axé sur la théorie de la pauvreté, et non sur le discours sur la microfinance. Parce que l’histoire de la pauvreté est plus ancienne et plus controversée, une brève discussion sur le concept de pauvreté est engagée, suivie de la présentation de l'évolution des idées sur la pauvreté, retraçant les principaux changements historiques de pensée. Cela fournit une toile de fond pour comprendre le contexte des théories contemporaines de la pauvreté, qui sont ensuite discutées. Le débat concernant cette importante relation est mis en relief par ceux qui se consacrent à l'étude, à l'examen et à la théorisation de la pauvreté, dont l’action devrait ensuite être prise en compte par les partisans de la fourniture de services financiers aux pauvres.

Dans la littérature, il n'y a pas toujours de compréhension ou d'accord particulier sur ce qui constitue la pauvreté (voir par exemple Hanmer, Pyatt et White, 1999 ; Mowafi, 2004 ; Daly et Kelly, 2015 ; Ezeilo, 2016 ; Bach et Morgan, 2019). Le chapitre commence par quelques définitions du concept proprement dit (première section), puis le point suivant considère un bref historique des idées ayant émaillé les études de la pauvreté, avant qu’une analyse plus théorique des représentations de la pauvreté soit opérée à la dernière et troisième section. Ainsi, les caractéristiques déterminantes de chacune des représentations sont expliquées afin de s’interroger sur les causes de la doctrine de la pauvreté ? Et comment elles ont été conceptualisées ? Sont aussi examinés les moyens pour lutter contre la pauvreté et l’identification du rôle que doit jouer la microfinance. Cet examen est nécessaire, si l’on souhaite interroger la relation entre l'épargne et la pauvreté, qui exige une appréciation de la conceptualisation spécifique de la pauvreté.

Ayant acquis cette appréciation, la littérature sur la microfinance est utilisée sous un angle de pauvreté spécifique. La documentation est questionnée pour savoir dans quelle mesure elle s'est officiellement engagée dans la théorie de la pauvreté. Comme la relation est très souvent jugée faible et manquante (Robinson, 2001 ; Morduch et Haley, 2002 ; Hulme et Arun, 2009 ; Duvendack et al., 2011 ; Bangoura et al., 2016 ; Banerjee et Jackson, 2017 ; Abdallah Ali et Mughal, 2019 ; Banerjee et al., 2019 ; Wang et Ran, 2019 ; Zaby, 2019), les fondements d'une véritable théorie de la pauvreté et de la microfinance sont proposés.

1.1. Le concept de pauvreté

La définition de la pauvreté détermine la mesure utilisée pour évaluer sa présence et son existence, lesquelles déterminent à leur tour l'application ainsi que le choix des politiques et les programmes de réduction de la pauvreté (Coudouel, Hentschel et Wodon, 2002 ; Sanchez-Martinez et Davis, 2014). Pourtant, il n'y a pas de définition unique de la pauvreté, comme en témoigne la littérature sur le sujet.

Townsend (1979a) définit la pauvreté comme « le manque de ressources nécessaires pour permettre la participation aux activités, coutumes et régimes alimentaires généralement approuvés par la société » (Scott, 1994, p. 78), qui est une pure mesure relative. De cette définition, il s'ensuit que différents types de ressources, et pas seulement les revenus, doivent être examinés (par exemple, la richesse héritée ainsi que la richesse accumulée sont également d'une importance clé).

Selon Lipton et Ravallion (1995), «… la pauvreté existe lorsqu'une ou plusieurs personnes n'atteignent pas un niveau de bien-être économique réputé constituer un minimum raisonnable, soit dans un sens absolu, soit selon les normes d'une société spécifique » (p. 2553).

La Banque Mondiale (2000) a défini la pauvreté comme « l’incapacité d’atteindre un niveau de vie minimal » (p. 26) ; le « niveau de vie » étant une mesure basée sur les revenus et les dépenses des ménages.

Quelques années plus tard, cependant, la Banque Mondiale revoyait son point de vue et proposait une définition plus large et plus nuancée selon laquelle « La pauvreté est une privation prononcée de bien-être. ... englobant non seulement la privation matérielle mais aussi les faibles résultats en matière d'éducation et de santé. […] comprennent la vulnérabilité et l'exposition aux risques – ainsi que l'absence de voix et l'impuissance » (Banque Mondiale, 2000, p. 15). Présentant des éléments à la fois absolus et relatifs, cela constitue une définition très large qui inclut le caractère multidimensionnel de la pauvreté et le concept quelque peu insaisissable de « dignité », tout en soulignant, plus que toute autre définition fournie, l'importance des libertés politiques et individuelles.

Cette version révisée est plus conforme à la définition de longue date appliquée par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD, 1997): «… La pauvreté signifie que les opportunités et les choix les plus fondamentaux pour le développement humain sont refusés – pour mener une vie longue, saine et créative et pour jouir d'un niveau de vie décent, de la liberté, de la dignité, du respect de soi et du respect des autres » (p. 15).

Bien que les nombreuses agences des Nations Unies ne tiennent pas à une seule définition (United Nations, 2009), la plupart sont conscientes que l'engagement de vivre une vie sans pauvreté est un droit humain et l'une des libertés fondamentales de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (Costa, 2008 ; Stephen, 2017).

Afin d'interroger de manière appropriée la littérature, il est important d'avoir une délimitation claire entre les concepts de pauvreté, les classes de mesure et les théories idéologiques dominantes sur la pauvreté. Un schéma détaillé et utile est fourni par Lok-Dessallien (2000) et De (2015) qui proposent trois concepts de pauvreté:

-pauvreté absolue et relative ;
-perspective objective et subjective ;
-privation physiologique et sociologique.

La vision absolutiste de la pauvreté se concentre sur la privation matérielle et le minimum absolu requis pour la survie, à savoir la nutrition, les vêtements, le logement, etc. (Wagle, 2018). La pauvreté absolue se traduit généralement par un niveau de revenu équivalent nécessaire pour obtenir ce minimum et est exprimé comme un seuil de pauvreté. Les positions autour de cette ligne, la composition des privations et les contraintes qui les provoquent s'expriment par des mesures relatives de la pauvreté.

En revanche, la perspective objective nécessite des jugements normatifs sur ce qui constitue la pauvreté et adopte une description plus « universelle » et « large » de la pauvreté (Laderchi, Saith et Stewart, 2003), tandis que la perspective subjective appelle les pauvres eux-mêmes à définir ce que la pauvreté signifie pour eux (Papuchon et Duvoux, 2019).

Enfin, la privation physiologique est palpable, les préoccupations étant centrées sur les questions de nourriture, de vêtements, de logement, ainsi que sur l’état de santé et d’éducation (Hossain, 2010).

Alors qu'une perspective sociologique de la pauvreté ouvre une conceptualisation beaucoup plus large, cette approche soutient en outre que les formes existantes d'inégalités structurelles et les formes d'exclusion sociale sont les causes profondes de la pauvreté (Shildrick et Rucell, 2015). L’exclusion étant comprise en fonction de la position d’un individu ou d’un groupe d’individus par rapport à un autre ou à la société dans son ensemble, il s’agit d’une approche relative de la compréhension de la pauvreté. Contrairement à d'autres concepts, l'attention est attirée sur les groupes qui commettent l'exclusion ainsi que sur ceux qui sont exclus (Levitas et al., 2007 ; Khan, 2012).

Lok-Dessallien (2000) décrit deux types de catégories de base qui différencient les familles d'indicateurs de pauvreté.

La première catégorisation, une dichotomie moyens / fins, crée une importante fracture conceptuelle qui est un axe pour séparer les différentes classes d'indicateurs de pauvreté.

- Les mesures et les indicateurs basés sur les moyens se concentrent sur les intrants nécessaires pour atteindre un résultat final, tandis que les mesures fondées sur les « fins » concernent le résultat final. Traditionnellement, les mesures fondées sur les moyens telles que les mesures du revenu et de la consommation ont été privilégiées, car elles sont plus faciles à collecter et il en existe de nombreux types (Meyer et Sullivan, 2003).
- Les mesures fondés sur les fins sont basées sur l'approche conceptuelle de Sen (1984) concernant les capacités humaines et les droits, et comme la notion le suggère sont établies sur les résultats, une mesure de ce qu'un individu est capable d'obtenir, comme la capacité de vivre une vie longue et saine, d'être alphabétisé et d’être productif. Ces types de mesures sont de plus en plus répandus dans les études et les rapports sur la pauvreté au niveau national (Hutto et al., 2011 ; Meyer et Sullivan, 2012).

La deuxième catégorisation se situe entre les mesures qualitatives et quantitatives. Les mesures qualitatives sont celles qui sont de nature descriptive et ne sont généralement pas agrégées, alors que les mesures quantitatives peuvent l'être6. De plus, les mesures peuvent être présentées dans un format unique ou composite. La pondération (le cas échéant) impliquée dans la formation d'indicateurs composites est une question litigieuse et difficile, l'allocation étant généralement arbitraire (Kanbur et Squire, 2001 ; Mourji, Dacaluwé et Plane, 2006).

Il est clair qu'il n'y a pas une seule définition ou conceptualisation de la pauvreté (Engberg-Pedersen et Munk Ravnborg, 2010 ; Dos Santos, 2017), bien que beaucoup utilisent des descripteurs qui récapitulent des significations similaires. Les deux principales différences sont celles qui font allusion à un état matériel, et utilisent des expressions telles que niveau de vie, bien-être et privation, par rapport à celles qui font appel à l'état de soi, en utilisant des descripteurs tels que liberté, dignité et respect de soi.

Étant donné l'utilisation répandue du terme « pauvreté », à la fois dans les discussions populaires, politiques et universitaires, et les significations assimilées qui lui sont souvent attachées, le cadrage des concepts précédemment établi permet d’indiquer où les différentes classes de pauvreté7 sont placées le long de ces différentes composantes (c’est-à-dire, moyens / fins, qualitatif / quantitatif, subjectif / objectif, etc.).

1.2. Evolution des idées sur la pauvreté

Trois principales « révolutions » ont été répertoriées dans l'histoire des idées sur la pauvreté et la situation précaire des pauvres. En discutant de celles-ci, Ravallion (2011, 2016a, 2016b) fait référence à une première et une deuxième transition, la première a lieu au milieu du 18ème siècle et la deuxième a émergé après la Seconde Guerre mondiale8. La première transition a donc correspondu à la révolution industrielle intervenue au Royaume-Uni, période avant laquelle il était largement admis qu'une amélioration de la situation des pauvres ne pouvait se produire que par la redistribution9.

L’économiste classique Adam Smith a été le premier à préconiser un impératif pour aborder la situation des pauvres quand il a déclaré qu’« aucune société ne peut sûrement être florissante et heureuse, lorsque la plus grande partie des membres sont pauvres et misérables » (Cf. Smith, 1776/1985, p. 80). Ce qui permet de marquer les deux transitions, c'est leur caractérisation d'un investissement accéléré dans le capital humain et physique, les augmentations technologiques dans la production de nourriture et la limitation de la propagation des maladies. Les transitions démographiques10 et certaines émancipations politiques des pauvres constituent également des caractéristiques communes.

Selon les informations livrées par Ravallion (2010), les études qui faisaient référence à la pauvreté au cours de ces deux périodes phares avaient tendance à amplifier et à culminer. Malgré tout, au cours du 18ème siècle, l'intérêt accru pour le sujet ne s'est pas traduit par un ton favorable au sort des pauvres ou par une perspective selon laquelle le statu quo devrait ou pourrait être remis en question, ni que le capitalisme faisait figure de mécanisme pour y faire face. En fait, la pauvreté était regardée comme une condition nécessaire au capitalisme (Odekon, 2006; Harriss-White, 2006).

Au moment de la deuxième transition, qui est intervenue non seulement dans le monde développé, mais avait son siège un peu partout (en Asie, en Amérique latine et dans une moindre mesure en Afrique) dans les années 50 et 60, l'objectif était bien différent. L’orthodoxie en vigueur penchait pour un modèle d’économie fermée qui extrayait le capital et la main-d’œuvre de l’agriculture dans le but de développer l’industrie, et l’espoir que les gains économiques de l’industrialisation devaient se répercuter sur les pauvres de la société.

L'accent mis sur la croissance économique comme moyen de réduire la pauvreté correspondait à la compréhension que la pauvreté était déterminée par le niveau de revenu requis pour maintenir un niveau de consommation minimum socialement acceptable, les personnes vivant en dessous de ce niveau, appelé « seuil de pauvreté »11, étant considérées comme des êtres pauvres (O'hare, 1985). Les critiques ont bien sûr souligné l'inégalité des revenus et la nécessité d'une redistribution basée sur la croissance (Saint Paul et Verdier, 1996 ; Bourguignon et Verdier, 2000 ; Bourguignon, 2015).

En réponse à l'incapacité de l'industrialisation planifiée à réduire la pauvreté, un certain nombre d'opinions divergentes ont émergé entre le milieu des années 60 et le début des années 70 (Lipton et Ravallion, 1995 ; Anríquez et Stamoulis, 2007). En partie sous l'impulsion de ce qu’on a appelé la révolution verte12, les priorités des bailleurs de fonds ont commencé à se déplacer du prêt d'infrastructures vers le développement rural et les petits agriculteurs.

Une autre critique du biais d'industrialisation concerne sa négligence des secteurs sociaux, et le rôle du développement général des ressources humaines, en particulier dans l'éducation et la santé, ainsi que dans l'amélioration de la productivité (De, 1992 ; United Nations, 2013). Couplée à une focalisation croissante sur les enquêtes auprès des ménages13, cette situation a conduit à une transition d'une macro-vue de l'économie à une micro-vue centrée sur les ménages et leur fonctionnement. L'accent mis sur la productivité des pauvres – et les niveaux de revenus associés – n'a pas permis de convenir que de nombreux pauvres ne gagnent pas de revenu, en particulier les personnes âgées, les enfants et les handicapés, qui sont souvent surreprésentés dans ce groupe (IILS, Figueiredo et Shaheed, 1995 ; Lavallée et al., 2010).

Au cours de la seconde moitié des années 1970, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) a proposé d’adjoindre les « besoins fondamentaux »14 ou besoins de base en tant qu’approche conceptuelle et stratégique de l’aide et du développement (Paolillo, 1976). Cet objectif d’élargissement comprenait :

-des normes minimales de consommation des ménages (telles que : nourriture, abri, vêtements et meubles) ;
-la fourniture publique de services essentiels (eau, assainissement, transports publics, éducation et santé) ;
-la liberté de choisir un emploi ;
-la participation à la prise de décisions ;
-la dignité des individus et des personnes ;
-la liberté de déterminer son avenir.

L'adoption rapide de la théorie des besoins fondamentaux15 par la communauté internationale des donateurs a provoqué une modification des relations de gouvernement à gouvernement, vers des relations de peuple à peuple, et de peuple à gouvernement (Mujumdar, 2001). Quelques-uns des principaux défenseurs de l'adoption des besoins de base (Streeten et Burki, 1978 ; Streeten, 1981), ont fait valoir que, de préférence à l'accent précédemment mis sur la croissance, l'emploi et la redistribution des revenus16: « L'évolution, de la croissance comme principal critère de performance, via l'emploi et la redistribution, vers les besoins de base est une évolution de l'abstrait vers des objectifs concrets, d'une préoccupation des moyens à une prise de conscience renouvelée des fins, et d'un double négatif (réduction du chômage et la pauvreté) à un positif (répondre aux besoins fondamentaux). La stratégie des besoins de base s'appuie sur l'expérience acquise dans le passé et va plus loin » (p. 412).

Il est possible de retracer l’influence de la théorie des besoins fondamentaux sur les changements ultérieurs ; par exemple en faisant allusion à la « théorie des capacités » ou « théorie des capabilités » ou encore « liberté substantielle » promue par Sen (1980, 1984). Une « capabilité » est la possibilité effective qu’un individu a de choisir diverses combinaisons de « mode de fonctionnements »17. Sen (1993) définit les capacités comme les libertés que les gens doivent disposer pour mener une vie qu'ils apprécient ; ce qui peut englober des aspects du fonctionnement social, de l'éducation, des soins de santé et de la longévité. La théorie d’Amartya Sen se penche sur les « moyens » des biens sociaux ou biens de base plutôt que sur les « fins » et crée un changement de paradigme de l’accent mis sur la croissance économique vers la promotion du bien-être humain. L’auteur a également mis fortement l'accent sur les questions de genre qui, selon lui, devraient être au centre du développement. Son travail a donc influencé non seulement la manière de conceptualiser la pauvreté, mais aussi la manière de la mesurer.

Amartya Sen a contribué, en compagnie de l'économiste pakistanais Mahbub ul Haq, directement au lancement du premier Rapport sur le Développement Humain18 en 1990, une publication du PNUD, et à la création de l'Indice de Développement Humain (IDH), un indice composite qui classe les pays selon l'espérance de vie moyenne, l'alphabétisation et les revenus moyens.

Le but de cette orientation nouvelle était de créer une référence alternative pour suivre les progrès de la réduction de la pauvreté, et en guise de contre-réponse aux Rapports sur le Développement dans le Monde, et leur focalisation sur la croissance économique en tant que principal indicateur du développement. La thèse centrale du premier Rapport sur le Développement Humain était que « les gens sont la véritable richesse d'une nation », dans le but d’élargir le concept de « développement humain »19, afin de donner un aperçu de la façon dont les êtres humains dans chaque société vivent, et des libertés substantielles dont ils bénéficient (Deneulin et Shahani, 2009).

Bien que les deux théories – capabilité et croissance – aient leurs défauts, le consensus était de reconnaitre qu'une conceptualisation de la pauvreté axée sur les ressources/produits était trop restrictive. Bien que le contrôle d'un individu sur les produits soit important, il s’agit une idée insuffisante (Anand et Ravallion, 1993 ; Burchi et Muro, 2016).

Au tournant du siècle, une autre organisation financière internationale, en l’occurrence la Banque Mondiale, a proposé qu'une stratégie de lutte contre la pauvreté soit mise en œuvre sur trois fronts importants.

o Premièrement, il fallait promouvoir les opportunités économiques grâce à un meilleur accès aux marchés des emplois, du crédit et des produits, et un accès élargi aux services publics tels que l'électricité, la scolarité, l'eau, l'assainissement et les services de santé (Haughton et Khandker, 2009).

o Deuxièmement, les gouvernants devaient faciliter « l'autonomisation » en rendant les institutions publiques plus réactives et en éliminant les barrières sociales pour les femmes, les minorités défavorisées, ethniques et raciales (Kabeer, 2005).

o Troisièmement, il importait de renforcer la sécurité en réduisant la vulnérabilité aux chocs économiques, aux catastrophes naturelles, à la mauvaise santé, au handicap et à la violence personnelle (Banque Mondiale, 2000).

L'attention portée à la compréhension multidimensionnelle de la pauvreté, qui requérait de mettre l'accent sur les restrictions des opportunités, la vulnérabilité aux chocs20 et l'exclusion sociale, a suscité un large intérêt (Prowse, 2003 ; Hoogeveen et al., 2004 ; Kirsten, 2011 ; Dallimore, 2013). Ce dernier virage a bien sûr ouvert un espace de réflexion sur le développement de la pensée concernant le rôle de la microfinance en matière de lutte contre la pauvreté.

1.3. Les grandes théories de la pauvreté

Dans la littérature, il est possible d'identifier plusieurs théories qui se sont penchées sur la mesure de la pauvreté, à savoir le revenu, les besoins de base, la capacité humaine, la pauvreté chronique, et la pauvreté subjective. A cela s’ajoutent deux concepts proches : les moyens de subsistance durables et la vulnérabilité. Ces analyses théoriques sont complétées à chaque fois par un rapprochement du débat avec le concept de microfinance.

1.3.1. Le revenu

1.3.1.1. L’approche de la pauvreté par le revenu

Les mesures fondées sur le revenu ont longtemps dominé la conception traditionnelle de la pauvreté (Davidson, 1985 ; MacPherson et Silburn, 1998; Coudouel, Hentschel et Wodon, 2002 ; Wagle, 2018). La pauvreté monétaire se concentre sur le bien-être matériel qui est quantifié à l'aide d'une expression monétaire. Le statut de « pauvre » est alors généralement attribué aux ménages et aux individus dont le revenu est inférieur à un niveau jugé acceptable (Haughton et Khandker, 2009 ; Rank et Hirschl, 2015). Les seuils de pauvreté et les défis associés sont le pilier de la classe de revenu des indicateurs de pauvreté. Il s'agit d'une mesure quantitative objective et fondée sur les moyens. Malgré ses multiples lacunes, car il est conceptuellement et analytiquement facile à comprendre et à mettre en œuvre les politiques correspondantes, elle reste l'une des méthodes les plus fréquemment utilisées pour mesurer la pauvreté (Ruggles, 1992 ; Coudouel, Hentschel et Wodon, 2002 ; United Nations, 2011; Arndt et Tarp, 2016).

Dans la plupart des analyses, d'autres classes d'indicateurs de la pauvreté ont évolué comme réponse critique aux lacunes inhérentes à cette théorie. L'une des principales préoccupations est la dépendance du marché dans la détermination des valeurs, et donc l'omission des biens non marchands, y compris les biens fournis par le public et les productions de subsistance ; bien que de nombreuses enquêtes tentent de les inclure dans leur mesure. Les problèmes de différences de prix régionales et d'inflation compliquent encore l'utilisation des mesures monétaires.

Selon la perspective des revenus, la pauvreté est le résultat d'un certain nombre de facteurs, notamment la faible productivité du travail, la faible production agricole, le manque d'investissement en capital, la faiblesse de la demande et d'autres influences qui entravent la capacité de revenu des individus (Cox, Farrington et Gilling, 1998 ; Vandenberg et Creation, 2004). En se basant sur la théorie du revenu, la clé de la lutte contre la pauvreté est la croissance économique (Banque Mondiale, 1978 ; Schmidt, 2005 ; Angelsen et Wunder, 2006; Sanchez-Martinez et Davis, 2014).

D’après le Rapport sur le Développement dans le Monde publié en 2000 sur le thème « Combattre la pauvreté », « la pauvreté est le résultat de processus économiques, politiques et sociaux qui interagissent les uns avec les autres et se renforcent fréquemment les uns les autres de manière à exacerber les privations dans lesquelles vivent les pauvres. Les maigres actifs, les marchés inaccessibles et les rares possibilités d'emploi enferment les gens dans la pauvreté matérielle. C'est pourquoi la promotion des opportunités – en stimulant la croissance économique, en améliorant le fonctionnement des marchés pour les pauvres et en renforçant leurs actifs – est essentielle pour réduire la pauvreté » (Banque Mondiale, 2000, p. 1).

Bien que la Banque Mondiale ait souvent reconnu le rôle important que peut jouer le capital humain21, le rôle des services de santé publique, l'amélioration de l'assainissement et de la nutrition, l'éducation, les filets de sécurité et la protection sociale, l'amélioration de la participation et de la voix des pauvres, le développement des infrastructures et de nombreuses autres options politiques, la citation suivante, fruit d'un examen de plusieurs Rapports sur le Développement dans le Monde résume le mieux sa conception: « … La pauvreté a le plus de chances de reculer et de se maintenir lorsque les économies croissent rapidement. Si la croissance est lente, les services et les filets de sécurité ne sont pas un substitut et deviennent difficiles à financer » (Yusuf, 2008, p. 78). Cette orientation confirme ainsi sa position apparemment fondamentale de « la croissance économique est primordiale », toutes les autres alternatives semblant secondaires.

1.3.1.2. La microfinance dans l’approche par le revenu

Étant donné que la Banque Mondiale (2000) est restée l'un des principaux artisans / partisans de la théorie du revenu, elle fournit un cas de test intéressant pour interroger le lien entre cette théorie et la microfinance. On pourrait supposer qu'étant donné leur concentration sur les dimensions du revenu de la pauvreté, dont la cause est attribuée au taux et à la qualité de la croissance économique, cela reviendrait à incorporer une discussion sur la microfinance, au moins en parallèle avec la position de son agenda ancrée sur le rôle du marché dans la croissante et le développement. Pourtant, la microfinance n’est pas répertoriée en tant que « sujet d’intérêt en exploitation sur 200 000 documents et rapports en accès public et plus figurant sur le site Web de la Banque Mondiale22.

Une recherche documentaire avec pour mot clé « microfinance » produit de nombreuses fenêtres, mais dirigés pour les plus importants vers le site Web du CGAP (« Consultative Group to Assist the Poor »23 ) qui est hébergé par la Banque Mondiale. La microfinance figure dans de nombreux Rapports sur le Développement dans le Monde. Par exemple, le Rapport de 1998 a manifesté son soutien à la méthodologie de prêt de groupe en tant que mécanisme pour remédier aux asymétries d'information24, ce qui avait traditionnellement rendu difficile de prêter aux pauvres (Banque Mondiale, 1998).

Par la suite, l'accent a été mis en grande partie sur le rôle des marchés financiers dans l'aide au développement et sur la contribution que la microfinance peut apporter. Selon le Rapport de la Banque Mondiale de 2000/01, l'accès aux marchés financiers pour les pauvres est crucial, les pauvres pouvant bénéficier du crédit, de l'épargne et de l'assurance ; ce qui peut les aider à gérer les risques, à lisser la consommation et à profiter d'opportunités commerciales rentables25. Dans le chapitre huit intitulé : « Aider les pauvres à gérer les risques » (Banque Mondiale, 2000), la microfinance est répertoriée aux côtés de l'assurance maladie, de l'aide à la vieillesse et des pensions, de l'assurance chômage, des programmes de « workfare »26, des fonds sociaux et des transferts monétaires27, comme une forme de filet de sécurité pour répondre aux besoins de consommation immédiats et protéger l'accumulation d'actifs.

Le thème de la microfinance figure également dans le Rapport de 2005 sous le titre « un meilleur climat de l'investissement pour tout le monde » (Banque Mondiale, 2005), et celui de 2006, « équité et développement28 » (Banque Mondiale, 2006). Ce thème est de nouveau revenu en 2008, avec la promotion de « l'agriculture au service du développement » (Banque Mondiale, 2008).

§ Dans le premier cas, la Banque préconisait une augmentation de la portée, de la profondeur, de l'impact et de la gamme de produits, qui, selon elle, pouvait être mieux réalisée grâce à la commercialisation. Elle réitérait qu'il existe une forte relation entre le développement du système financier et la croissance économique, et une relation causale entre des systèmes financiers solides et le revenu par habitant ; mais que les gouvernements ne devraient pas tenter de développer l'expansion du crédit, et devraient plutôt se concentrer sur le développement d'un environnement des affaires sain (Banque Mondiale, 2005).

§ Dans le second cas, le document est le résultat d’un processus qui, depuis le début des années 1990 et l’influence croissante d’Amartya Sen, a favorisé un renouveau des dialogues entre philosophie et économie du développement. En quelques mots, une fois mises en place des institutions équitables, les pauvres sont censés être renforcés dans leur poids politique et social ; une fois activées des ressources économiques et financières via la microfinance, les pauvres pourraient enfin devenir autonomes et responsables (Banque Mondiale, 2006).

§ Dans le Rapport de 2008, l'accent est mis sur le crédit rural29. A cet effet, le Rapport appelle à l'innovation dans le secteur de la microfinance pour fournir des formes de prêt plus flexibles. Par ailleurs, le Rapport fait valoir que la capacité des ménages ruraux et des entreprises agricoles à effectuer des investissements à long terme et à prendre des décisions calculées sur les flux de revenus risqués et temporels, est déterminée par le système financier de l'économie (Banque Mondiale, 2008).

Plus récemment, dans son Rapport de 2017, la Banque Mondiale (2017) attire l’attention sur la nécessité de faire face aux inégalités de revenus30 par le biais de services financiers. Certains projets mis en place visent à aider les ménages pauvres à améliorer leurs conditions de vie en leur fournissant du bétail ainsi que des formations qui leur permettent de générer suffisamment de revenus pour subvenir à leurs besoins fondamentaux. Les participants aux projets sont dès lors affranchis « des programmes de protection sociale parce qu’ils poursuivent des activités rémunératrices, en leur permettant de participer à des programmes de microfinance » (p. 24).

Par conséquent, même si, de toute évidence, c’est du « bout des lèvres » qu’un rôle est conféré à la microfinance, dans le cadre des travaux précédents énumérés – tel que compris par ceux qui défendent une approche de la pauvreté fondée sur le revenu, son rôle est quelque peu limité, et certainement pas central de nos jours.

1.3.2. Les besoins fondamentaux

Il a été largement reconnu au cours des années 70 qu’une focalisation étroite sur les mesures monétaires, telles que les revenus et les dépenses, est inadéquate à de nombreux niveaux et qu’une vision plus large de la pauvreté était nécessaire (Zimmerman, 1975 ; Townsend, 1979b). Bien que la nécessité d'améliorer les soins de santé et l'éducation ait été reconnue comme un facteur important dans l'amélioration de la productivité du travail, avec le passage du développement économique au développement humain, le rôle de la santé et de l'éducation est désormais devenu une fin en soi, et pas seulement un moyen pour une fin. La perspective d’une approche de développement plus large annonçait donc un intérêt croissant pour la fourniture publique de services et la consommation de biens et services non monétaires.

Conçu à l'origine dans une perspective de « besoin vital » de la pauvreté, le besoin fondamental ne se centralisait pas seulement sur la lutte contre la privation matérielle, mais était également décrit comme un « droit humain » et une « absence de besoin » (Streeten, 1981, p. 26). Bien que la théorie des besoins fondamentaux ait été facilement adoptée par la communauté internationale des bailleurs de fonds, et qu’elle soit rapidement devenue une partie de la rhétorique du développement, en termes de soutien financier sérieux, Hoadley (1981) suggère qu'un véritable engagement envers la théorie n'a pas duré longtemps, et qu’au début des années 80, l'attention s'est tournée vers la construction du « nouvel ordre économique international »31. La courte durée de vie de cette théorie signifiait que très peu de discussions ou de débats se concentraient sur ce que ses partisans croyaient être les causes sous-jacentes de la pauvreté, l'intention semblait plutôt se canaliser vers l'enrichissement de la définition et l'élargissement de la focalisation des diverses manifestations de la pauvreté.

Néanmoins, les théoriciens des besoins fondamentaux estimaient que les problèmes de production, de productivité et de revenu, étaient une conception trop étroite des causes de la pauvreté. Dans la lancée, les pauvres devaient identiquement être considérés comme des consommateurs. Pour lutter contre la pauvreté, il fallait également envisager d'aider les pauvres à répondre à leurs besoins de consommation en matière de santé, d'éducation, de nutrition, d'approvisionnement en eau, de logement et d'assainissement (Streeten, 1981). L'objectif affiché de la théorie des besoins fondamentaux est donc d'aider les plus pauvres parmi les pauvres à atteindre leur potentiel en tant qu'êtres humains, en répondant surtout à leurs besoins immatériels – ce qui prend en considération le but du travail dans la vie, l'autonomie, l'accès au pouvoir, la liberté politique, l'identité nationale et culturelle, ainsi que leurs besoins matériels (Streeten et Burki, 1978).

Les défenseurs des besoins fondamentaux identifient-ils alors la microfinance, ou l'accès aux services financiers, comme un « besoin fondamental » et une partie intégrante de la lutte contre la pauvreté ? Ou bien y a-t-il une référence à cela dans leurs écrits ? Pour être clair, aucune mention directe de l'accès au crédit, à l'assurance ou à l'épargne n'est fournie comme besoin de base. Alors que toute mention de l'épargne par les auteurs principaux à l’instar de Streeten (1981) ou Hoadly (1981) est généralement faite en référence à l'épargne nationale, ils ne font presque pas référence au crédit. En réalité, l'octroi de crédit fait l'objet de critiques, car il est conçu principalement comme moyen de doper la productivité. En même temps, peu d'importance est accordée à la contribution de la nutrition, la santé et l'éducation, à l'augmentation de la productivité. La conclusion tirée de cette brève prospection est que les promoteurs des besoins fondamentaux n'ont identifié aucun rôle évident ou explicite pour la microfinance.

1.3.3. La capacité humaine

1.3.3.1. Sen- Dreze et la capacité humaine

Fusionnant les travaux de Streeten (1981) et la théorie des besoins fondamentaux, Sen et Dreze (1989) ont introduit une nouvelle terminologie dans le discours sur la pauvreté. Les deux auteurs décrivent la capacité d'un individu à « gérer » un ensemble de produits alternatifs comme un « droit », qui est déterminé par ce qui est détenue – au sens d’une « dotation » (Dreze et Sen, 1989). Un échec de droit chez l’individu, qui peut être le résultat de la perte d'une dotation ou d'un changement défavorable dans un échange, est ce qui conduit à l'incapacité de survivre.

Sen (1983) considère que ce qui est important chez les gens, c’est ce qu’ils sont capables de « faire » plutôt que ce qu’ils peuvent « acheter » avec leurs revenus, et que l’accent devrait être mis sur la valeur intrinsèque de la vie, plutôt que sur la valeur et l’utilité des biens. À partir de cette vision, il a conceptualisé l'idée de « capacités », c'est-à-dire la capacité d'être bien nourri, d'être capable d'éviter la morbidité ou la mortalité prématurée, de pouvoir communiquer, lire et écrire et contribuer à la vie communautaire (Sen, 1990 ; Alkire et Deneulin, 2009 ; Robeyns, 2011). Une telle approche fait valoir que l'économie devait avant tout viser à élargir les options disponibles pour les personnes et donc à accroître leurs capacités.

Les travaux d’Amartya Sen et la théorie des capacités humaines ont fortement influencé les positions politiques des Nations Unies, et en particulier du PNUD (Anand, Santos et Smith, 2007). Ainsi, le Rapport sur le Développement Humain de 1997 mentionnait déjà trois perspectives sur la pauvreté: perspective du revenu, perspective des besoins de base, et perspective des capacités. En plus, il note que la conceptualisation de la pauvreté par les Nations Unies sur le développement humain s'est appuyée le plus sur la perspective des capacités, qu'elle appréhendait comme représentant « l'absence de certaines capacités de base pour fonctionner – une personne n'ayant pas la possibilité d'atteindre certains niveaux minimalement acceptables de ces fonctionnements. … (Qui) peuvent varier de celles physiques comme étant bien nourries, convenablement vêtues et abritées et évitant la morbidité évitable, à des réalisations sociales plus complexes telles que participer à la vie de la communauté » (PNUD, 1997, p. 16).

En substance, la théorie de la capacité considère que les causes de la pauvreté sont :

-celles qui minent la capacité des individus à vivre une vie longue, saine et active, ainsi que l'accès à l'éducation ou aux services de santé;
-les processus antidémocratiques qui empêchent les gens de participer à la vie en société et aux structures qui influencent leur bien-être;
-des disparités entre les sexes qui raccourcissent l'espérance de vie des femmes, leur refusent l'accès aux ressources et les empêchent de quitter leur domicile.

La solution pour y remédier réside dans la fourniture publique de services sociaux comme la santé, l’éducation, l’eau potable, etc. (Duflo, Galiani et Mobarak, 2012); et s'attaquer aux problèmes d'inégalité entre les sexes et d'autres formes d'exclusion sociale et de discrimination.

1.3.3.2. Capacité humaine et microfinance

Quel est l’avis d’Armatya Sen et des principales organisations Nations Unies à propos de la microfinance ? Le manque d'accès aux services financiers est-il considéré comme une défaillance des capacités ou l'accès à ces services est-il un droit? La disponibilité de versions électroniques des œuvres publiées d’Armatya Sen, qui sont assez élargies, permet une recherche rapide de l'utilisation de mots clés pour identifier à quel niveau dans ses publications cette question peut avoir été discutée.

Pour ce faire, les mots clés « microfinance, « crédit » et « épargne » ont été appliqués comme éléments de recherche dans les livres électroniques disponibles. Dans la douzaine de livres regardés, seuls trois ont fait référence à ces termes; et deux d'entre eux seulement de manière succincte ou éphémère :

- Dans le livre intitulé « Beyond the Crisis: Development Strategies in Asia », Sen (1999, p. 7) signale le fait que la disponibilité du crédit constitue un « droit économique de base » en compagnie de l'éducation, la formation et la réforme agraire, et dans « India: Development and Participation », la non-disponibilité du crédit est qualifiée de « handicap économique » (Dreze et Sen, 2002, p. 199).
- Dans « Development as Freedom », Sen (2014) développe la question plus en détail. L’auteur fait référence aux « libertés instrumentales » au deuxième chapitre qui sont celles contribuant soit indirectement, soit directement aux libertés globales. Il s'agit des libertés politiques, des facilités économiques, des opportunités sociales, des garanties de transparence et des garanties tout court.

En ce qui concerne les facilités économiques, Sen (1999) déclare: « la disponibilité et l'accès au financement peuvent avoir une influence cruciale sur les droits économiques que les agents économiques sont pratiquement en mesure de garantir » (p. 39).

En ce qui concerne l'égalité des sexes et la capacité des femmes à être des agents économiques, l’auteur note à deux reprises le rôle important que la Grameen Bank au Bangladesh a joué pour aider les femmes à trouver un emploi en dehors du domicile et à supprimer le traitement discriminatoire évident sur les marchés du crédit rural32.

Qu’en est-il du PNUD ? Le fait de qualifier l’année 2005 d’« année internationale du microcrédit » et les affirmations associées sont une preuve solide du soutien de l’institution à la microfinance. Dans un Rapport intitulé « repenser la pauvreté » de l’UN DESA33 (2009), la microfinance, ainsi que les transferts monétaires et les programmes de garantie d’emploi34, ont été identifiés comme faisant partie d’un ensemble de programmes de réduction de la pauvreté disponibles dans la plupart des pays en développement. Cependant, dans un bref examen de son impact, le Rapport a noté qu'en raison de recherches insuffisantes, la capacité de la microfinance, en particulier le microcrédit35, à atteindre les plus pauvres parmi les pauvres et à avoir un impact à long terme sur la réduction de la pauvreté, reste à établir. Il signale cependant l’existence d’un consensus croissant sur le rôle que la microfinance peut jouer pour aider les pauvres à maintenir leur niveau de consommation pendant les ralentissements cycliques et les crises inattendues. Cela sert donc de filet de sécurité raisonnable dans les pays qui n'ont pas de parrainage public pour le système de sécurité sociale.

1.3.4. La pauvreté chronique

1.3.4.1. Aperçu sur la pauvreté chronique

L’analyse de la pauvreté à partir de l’état « statique » traditionnel tend à fournir peu d’informations sur les expériences à plus long terme de la pauvreté, souvent caractérisée par des cycles, voire des fluctuations. Les données agrégées sur la pauvreté ne permettent pas de distinguer entre ceux qui sont constamment pauvres et ceux qui sont transitoirement pauvres (McCulloch et Baulch, 1999 ; McKay et Perge, 2013). Hulme et Shepherd (2003) proposent une définition « de travail » de la pauvreté chronique qui « se produit lorsqu'un individu subit des privations importantes de capacités pendant une période de cinq ans ou plus » (p. 405). Les pauvres chroniques sont identifiés comme ceux qui ont peu ou pas de mobilité et connaissent souvent simultanément plusieurs formes de handicapes.

Le premier Rapport sur la pauvreté chronique qui date de 2004-05 (CPRC, 2005) décrit les pauvres chroniques comme : « …. Les personnes qui restent pauvres pendant une grande partie de leur vie, qui peuvent transmettre leur pauvreté à leurs enfants et qui peuvent mourir de causes facilement évitables en raison de la pauvreté qu’ils vivent » (p. 3). Ce Rapport établit également une distinction entre les personnes qui sont maintenues dans la pauvreté chronique – à cause par exemple de la faible croissance économique, l’exclusion sociale, les régions géographiques défavorisées, la privation de capacité élevée, et les états fragiles ou défaillants, avec des facteurs de pauvreté chronique – du fait de chocs ou séries de chocs, et de la capacité des gens à faire face auxdits chocs.

Sur la base de l'examen d'un certain nombre d'études de panel, McKay et Lawson (2003) reconnaissent cinq causes ou caractéristiques principales des pauvres chroniques:

- les faibles niveaux de capital humain – c'est-à-dire le faible niveau d'instruction et l'analphabétisme;
- les facteurs démographiques, à savoir la taille des ménages, les ratios de dépendance accrus et les ménages à trois générations;
- l'emplacement – étant donné que la pauvreté chronique est plus répandue dans les zones rurales ;
- le manque d'actifs physiques: les personnes concernées ne peuvent ou ne veulent pas exercer une activité rémunérée ;
- le statut professionnel: certaines activités économiques étant plus susceptibles d'être corrélées à la pauvreté chronique (bien que la nature réelle de l'activité varie d'un pays à l'autre).

Dans une micro-étude appliquée sur un ménage, Hulme (2004) a cité les principaux chocs sanitaires, le manque d'actifs et l'exclusion sociale fonction de l'âge, du sexe et du handicap comme étant l'un des principaux facteurs de maintien du ménage dans un état de pauvreté chronique. Étant donné les perspectives limitées de mobilité sociale et économique, maintenues par une structure rigide d'interactions sociales, Green et Hulme (2005) soutiennent que la transmission intergénérationnelle de la pauvreté36 devrait plutôt être considérée comme le résultat de relations sociales non égalitaires.

Quelles mesures sont donc préconisées pour lutter contre la pauvreté chronique ? Shepherd (2007) proposent que dans les pays où une proportion importante de la population est chroniquement pauvre, les actions indispensables impliquent la nécessité de redistribuer les actifs, d'investir dans les infrastructures physiques de base, de réduire l'exclusion sociale (dans l'emploi, les marchés et les institutions publiques) et de fournir une sécurité sociale à long terme. De plus, la croissance économique qui augmente la demande de main-d'œuvre, des soins de santé adéquats et une réglementation du marché privé des soins de santé, et la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe, sont des mesures qui auraient un impact, en particulier dans le contexte susmentionné (Hulme, 2004).

[...]


1 Le terme « pauvreté » vient de l'ancien mot français (normand) poverté (français moderne: pauvreté), du latin paupertās de pauper (pauvres). Cf. S. Skeat (2005). An Etymological Dictionary of the English Language. Dover Publications. On admet souvent que la pauvreté est la rareté ou le manque d'une certaine (variante) quantité de biens matériels ou d'argent. Mais en réalité, la pauvreté n'est pas d'avoir suffisamment de biens matériels ou de revenus pour les besoins d'une personne. La pauvreté peut inclure des éléments sociaux, économiques et politiques. Par conséquent, Il existe plusieurs définitions de la pauvreté en fonction du contexte de la situation dans laquelle elle se trouve et des opinions de la personne qui donne la définition. En plus, la pauvreté est un problème complexe avec de nombreux aspects, visages et causes.

2 Voir https://www.worldbank.org/en/topic/financialinclusion/overview

3 La terminologie « microfinance » a été inventée pour la première fois en 1990 par Seibel (2005) qui l'a définie comme la sphère de la finance qui comprenait le microcrédit, la micro-économie et d'autres services microfinanciers. Il y voyait un synonyme d'intermédiation entre micro-épargnants, micro-emprunteurs et micro-investisseurs. Il considérait que cela incluait les institutions financières formelles et informelles, grandes et petites.

4 La « révolution de la microfinance » s'est construite sur deux piliers. Premièrement, les pauvres sont généralement disposés et capables de payer des taux d'intérêt élevés pour les petits montants de prêts; et en conséquence, deuxièmement, il est non seulement légitime d'autoriser des taux élevés sur les microcrédits, mais cela est également nécessaire pour la durabilité des institutions de prêt qui se concentrent sur les pauvres.

5 La microfinance, et le microcrédit qui en résulte, n'offrent pas aux consommateurs des prêts pour simplement augmenter leur consommation quotidienne; au lieu de cela, les prêts sont accordés dans le but spécifique de créer un travail indépendant pour les pauvres, permettant ainsi à ces derniers de créer leurs propres microentreprises, et par conséquent de se sortir de la pauvreté.

6 Bien que des mesures quantitatives soient également utilisées en sciences sociales, des mesures qualitatives aident les chercheurs à comprendre les expériences humaines à un niveau plus profond.

7 Lorsque les seuils de pauvreté diffèrents pour différents groupes dans une population socialement hétérogène, le choix des écarts de pauvreté au lieu des revenus comme indicateur pertinent apporte des classes d'indicateurs de pauvreté.

8 Site web : https://voxeu.org/article/poverty-enlightenment-awareness-poverty-over-three-centuries

9 Les pessimistes affirment que l'industrialisation accroit la pauvreté; les optimistes disent que non. Polak et Williamson (1991) soutiennent que le degré d'industrialisation qui éradique la pauvreté dépend de la forme que prend l'industrialisation. Ce n'est pas la croissance économique en soi, mais les processus et politiques associés aux différents régimes de croissance qui appauvrissent les pauvres. Cf. B., Polak et J. G. Williamson (1991). Poverty, policy, and industrialization: lessons from the distant past (No. 645). The World Bank.

10 La transition démographique est un modèle qui décrit l'évolution de la population au fil du temps. Elle est basée sur une interprétation commencée en 1929 par le démographe américain Warren Thompson, des changements ou transitions observés dans les taux de natalité et de mortalité dans les sociétés industrialisées au cours des deux cents dernières années environ. Cf. W. S. Thompson (1929). Danger spots in world population. AA Knopf.

11 D’après Ravallion (1992), le seuil de pauvreté ou ligne de pauvreté est le niveau minimum de revenu jugé adéquat dans un pays particulier. Voir M. Ravallion (1992). Poverty comparisons: a guide to concepts and methods. The World Bank. C’est donc la plus petite somme d'argent dont une personne ou une famille a besoin pour vivre, pour acheter ce qui est nécessaire ; et c'est une ligne qui constitue un fossé entre les riches et les pauvres. On peut aussi la considérer comme la ligne imaginaire tracée par les experts qui fait référence à un montant particulier. Si quelqu'un gagne un revenu inférieur à ce montant, il est considéré comme pauvre ; et ceux qui gagnent plus que ce montant sont connus comme des non pauvres. Le seuil de pauvreté est généralement calculé en trouvant le coût total de toutes les ressources essentielles qu'un adulte humain moyen consomme en un an. Voir M. Ravallion (2008). Poverty lines. The New Palgrave Dictionary of Economics, 2.

12 La Révolution verte, ou troisième révolution agricole, est un ensemble d'initiatives de transfert de technologie de recherche survenues entre 1950 et la fin des années 1960, qui ont augmenté la production agricole dans le monde, en particulier dans les pays en développement. Cependant, il n'a pas créé un développement réellement équitable dans le secteur rural et n'a apporté qu'une solution très partielle au problème de la faim dans le monde. Cf. P. B. Hazell. (2009). The Asian green revolution. International Food Policy Research Institute, 2033, 20006-1002.

13 Les enquêtes auprès des ménages sont des questionnaires qui sont remis à un échantillon de ménages dans une population. Leur principal avantage est de laisser une grande latitude à l'enquêteur quant aux informations demandées aux répondants. Leurs principaux inconvénients sont que les informations fournies par le répondant sont souvent inexactes (erreur de réponse) et, dans de nombreux cas, les informations demandées ne sont pas du tout fournies (problèmes de non-réponse).

14 C’est le terme utilisé par l'OIT et d'autres agences des Nations Unies pour les biens et services de base (nourriture, logement, vêtements, hygiène, éducation, etc.) nécessaires à un niveau de vie minimum.

15 La théorie des besoins fondamentaux est l'une des principales approches de la mesure de la pauvreté absolue dans les pays en développement. Elle tente de définir les ressources minimales absolues nécessaires au bien-être physique à long terme, généralement en termes de biens de consommation.

16 La redistribution des revenus et de la richesse est le transfert de revenus et de richesses (y compris les biens physiques) de certaines personnes à d'autres au moyen d'un mécanisme social tel que la fiscalité, la charité, le bien-être, les services publics, la réforme agraire, les politiques monétaires, la confiscation, le divorce ou la responsabilité délictuelle. Cf. E. N. Zalta et S. Abramsky (2003). Stanford encyclopedia of philosophy: Stanford University. The Metaphysics Research Lab.

17 Les « modes de fonctionnement » étant par exemple se nourrir, se déplacer, avoir une éducation, participer à la vie politique.

18 Son objectif était de placer les personnes au centre du processus de développement en termes de débat économique, de politique et de plaidoyer. Le développement a été caractérisé par la mise à disposition de choix et de libertés aboutissant à des résultats généralisés.

19 Le développement humain est défini comme le processus d'élargissement des libertés et des opportunités des personnes et d'amélioration de leur bien-être. Le développement humain concerne la vraie liberté que les gens ordinaires ont de décider qui être, quoi faire et comment vivre.

20 Un choc peut être naturel / agricole, économique, social ou lié à la santé. L'incapacité d’une personne à éviter une baisse du bien-être lorsqu'elle est frappée par des chocs exogènes est appelée vulnérabilité. L'ampleur de la vulnérabilité dépend du niveau de choc sous-jacent, de la capacité de faire face aux stratégies de gestion des chocs et de la capacité à générer des revenus à long terme.

21 Voir C. A. Mills et R. Nallari (1992). Analytical approaches to stabilization and adjustment programs. The World Bank.

22 Cf. https://www.banquemondiale.org/

23 C’est un groupe de réflexion indépendant dédié à l'inclusion financière, et qui vise à donner aux pauvres, en particulier aux femmes, les moyens de saisir les opportunités d’affaires et de renforcer la résilience grâce aux services financiers.

24 L'asymétrie d'information sur des décisions concernant les transactions, où une partie a plus ou mieux d'informations que l'autre, crée un déséquilibre des pouvoirs dans les transactions, ce qui peut parfois entraîner un dysfonctionnement, c’est-à-dire une sorte de défaillance du marché.

25 Cf. notamment le chapitre 4. Rendre le fonctionnement des marches plus favorable aux pauvres ; et le chapitre 8. Aider les pauvres à gérer les risques .

26 Le workfare (en anglais) que l’on peut traduire littéralement par l’expression « travailler pour le bien-être » est un concept qui désigne une aide sociale aux États-Unis mise en place dans les années 1970, qui prévoit que les bénéficiaires aptes au travail doivent travailler en échange de leur allocation.

27 Un transfert monétaire ou transfert en espèces est un paiement direct par transfert d'argent à une personne éligible. Les transferts en espèces peuvent être inconditionnels ou conditionnels. En outre, ils peuvent être fournis par des organisations financées par des donateurs privés ou par un gouvernement local ou régional. Cf. A. O'sullivan et S. M. Sheffrin (2003). Economics: Principles in action, Pearson Prentice Hall; etA. McCord (2009). Cash transfers and political economy in sub-Saharan Africa. ODI Project Briefing 31.

28 Selon les termes du rédacteur, « parvenir à davantage d’égalité dans l’accès aux marchés est fondamental pour que règne une plus grande équité au sein d’une société » (Banque Mondiale, 2006, p. 215).

29 Le crédit rural est tout type de programme de prêt ou de ligne de crédit visant à avoir un impact sur la population rurale d'une manière ou d'une autre. Il existe des banques et des coopératives qui se spécialisent dans l'octroi de ce type de crédit aux agriculteurs et aux autres personnes engagées dans la tâche agricole.

30 L'inégalité des revenus est une disparité extrême des distributions de revenus, avec une forte concentration de revenus généralement entre les mains d'un petit pourcentage d'une population. Lorsque des inégalités de revenus se produisent, il existe un écart important entre la richesse d'un segment de la population et celle d'un autre. Il peut y avoir différents types de ségrégations de disparités de revenus et d'analyses utilisées pour comprendre l'inégalité des revenus.

31 C’était un ensemble de propositions avancées par certains pays en développement par le biais de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement pour promouvoir leurs intérêts en améliorant leurs termes de l'échange, en augmentant l'aide au développement, en réduisant les tarifs des pays développés et d’autres moyens connexes.

32 La croissance de l'économie rurale dépend généralement des fonds. L'intervalle entre le semis et la réalisation des revenus de post-production agricole est relativement long, par conséquent les agriculteurs prêtent de l'argent sur différents marchés pour investir principalement en engrais, les semences, les outils et effectuer d’autres dépenses personnelles.

33 The United Nations Department of Economic and Social Affairs (UN DESA).

34 Ce sont des programmes qui visent à offrir des jours de travail par an aux populations pauvres et rurales. L’objectif est de transférer des revenus aux populations les plus pauvres, mais également d'améliorer les infrastructures rurales déficientes, les travaux proposés étant essentiellement des travaux de constructions.

35 Le microcrédit est une forme courante de microfinance qui implique un prêt extrêmement faible accordé à une personne pour l'aider à devenir indépendant ou à développer une petite ou très petite entreprise. Ces emprunteurs sont généralement des personnes à faible revenu, en particulier des pays en développement. Le microcrédit est également appelé «micro-emprunt » ou « micro-prêt ».

36 Une caractéristique déterminante des personnes chroniquement pauvres est qu'elles restent dans la pauvreté pendant une longue période. Cela peut signifier que la pauvreté se transmet d'une génération à l'autre, les parents pauvres ayant des enfants pauvres, qui sont plus susceptibles de devenir eux-mêmes des adultes pauvres.

Fin de l'extrait de 178 pages

Résumé des informations

Titre
La relation pauvreté-microfinance dans la littérature. Concepts, approches et théories
Université
University of Ngaoundéré  (Faculty of economic sciences and manegement)
Cours
Economics
Auteur
Année
2020
Pages
178
N° de catalogue
V536545
ISBN (ebook)
9783346133106
ISBN (Livre)
9783346133113
Langue
français
Mots clés
Pauvreté, microfinance, crédit, épargne, services financiers
Citation du texte
Tchakounte Njoda (Auteur), 2020, La relation pauvreté-microfinance dans la littérature. Concepts, approches et théories, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/536545

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