Management des insitutions culturelles publiques en Algérie

Cas du théâtre régional d’Oran


Thèse de Master, 2019

79 Pages


Extrait


Introduction générale

Élément vital d’une société dynamique, la culture s’exprime dans la manière de raconter nos histoires, de fêter, de nous rappeler le passé, de nous divertir et d’imaginer l’avenir. Notre expression créative nous aide à nous définir et à voir le monde au travers des yeux des autres. Les êtres humains prennent part à la culture de diverses manières, en tant que public, professionnels, amateurs, bénévoles, donateurs ou investisseurs.

Depuis toujours, l’art et la culture servent les sociétés, en leur laissant un patrimoine grandiose. La culture c’est en effet notre identité commune, la capacité à penser par soi-même, la capacité à créer du lien social et à développer le dialogue.

A l’heure où les secteurs économiques classiques commencent à battre des ailes, de nombreux pays ont pris conscience du potentiel économique des activités liées à la culture. A la recherche d’innovation et de progrès, les pays veulent investir de plus en plus dans des secteurs d’avenir.

L’économie de la culture représente aujourd’hui une part importante dans l’économie mondiale, apparue très récemment, cette économie créative ne connait pas la crise, souvent subventionnée, quand le secteur marchand va mal, le secteur de la culture lui résiste.

En ce temps de baisse de la ressource publique, pour suivre le convoi du changement et mener à bien la mission qui leurs est confiée, les institutions culturelles publiques sont devant la nécessité de revoir leur fonctionnement et leur gestion, pour la plupart rigide, archaïque et inadaptée au contexte actuel et aux mutations continuelles de la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Pour ce faire ils ont besoins de dirigeants culturels inspirés et charismatiques qui doivent travailler à faire pallier le manque d’appui des institutions financière, pour faire prospérer leurs entreprises et contribuer à l’essor de ce secteur. Ces buts ne pourraient être atteints sans la mise en place de méthodes de gestion moderne et adaptée à l’environnement complexe dans lequel évoluent ces institutions, autrement dit l’introduction d’un management culturel performant.

L’institution culturelle que nous avons choisie d’étudier dans cette étude le Théâtre, plus qu’un instrument didactique, il devient un pôle essentiel de la culture nationale. C’est le combiné d’une bâtisse et d’un phénomène socio culturel. Le Théâtre dans le contexte algérien est un élément essentiel dans l’affirmation de l’identité, agissant dans les domaines récréatifs et éducatifs au début, il ne tardera pas à glisser au plan politique et représente dans la situation particulière vécue par la société algérienne aujourd’hui, une arme qui s’attaque aux puissants en faisant écho aux revendications populaires. Mais l’institution représente aussi une possibilité de sortie de crise, économiquement sous-estimé, le théâtre peut être plus que jamais source de rayonnement et d’attraction pour les territoires.

C’est qui explique la raison pour laquelle nous avons voulu, à travers le choix du Théâtre régional d’Oran Abdelkader Alloula, imaginer et analyser l’application du ‘’management orienté vers l’économique marchande’’ au niveau d’une institution culturelle, qui était régie jusque-là par la logique et les principes de l’administration du service public.

Restée longtemps inactive, cette institution renait de ces cendres et fait preuves depuis ces dernières années, d’un dynamisme créatif qui étonne et surprend dans la sphère culturel algérienne. Nous avons voulu comprendre les raisons de cette ascension soudaine. Partant d’une expérience de comédienne et fidèle spectatrice de ses productions, et de par nos connaissances en matière de management public et d’administration publique nous avons pensé que c’était probablement l’œuvre d’une compétence managériale qui est à l’origine de ce changement. Sinon comment expliquer le bouleversement qu’a connu dernièrement ce théâtre.

Supposons que le théâtre ne soit pas une institution figée, régie par un mode de fonctionnement et de gouvernance du type administratif contrainte par sa mission de service public, mais au contraire, capable d’évoluer vers un nouveau mode de gouvernance qui lui permettrait de pratiquer ses activités culturelles selon une approche commerciale. Vous allez rétorquer : De fil en aiguille !

-B ‘’ l’art n’est pas un produit qui pourrait être acheté et vendu comme n’importe quel autre produit matériel à consommation définitive ‘

A-‘’ Mais qu’est ce qui nous empêcherait de le faire, sachant par ailleurs les enjeux financiers liés directement à la pérennité de l’institution, après tout l’institution culturelle n’est-elle pas une organisation comme les autres’’ ?

-B’’ d’accord, c’est une organisation culturelle, mais à but non lucratif.

A-Alors pourquoi devrais - je payer mon ticket d’entrée au théâtre ?

B- Je dois te faire tout un cours sur la gestion d’une organisation, et sa gestion financière pour que tu comprennes, au fait d’après toi qui dois financer les artistes ?

En extrapolant nous pouvons résumer le sens de notre raisonnement dans la problématique suivante : Dans quelle mesure peut-on appliquer le management orienté vers la performance économique dans une institution culturelle publique, en l’occurrence le théâtre, sans remettre en cause sa mission culturelle orientée vers le public ?

Deux questions se déclinent :

1- Le management orienté vers la performance économique peut-il cohabiter avec la gestion l’Art ?

2- Quelles sont les limites et les contraintes qui peuvent s’opposer à cette cohabitation ?

Afin de répondre à ces questions nous proposons les hypothèses suivantes :

H1- Le management orienté vers la performance économique peut cohabiter avec la gestion de l’Art, moyennant des modalités spécifiques.

H2. Les limites et les contraintes qui peuvent affecter la cohabitation sont liées à la perception qu’ont les artistes des managers et des managers des artistes .

Afin de confirmé ou d’infirmer nos hypothèses, nous sommes allez découvrir les pratiques managériales appliquées au niveau du Théâtre régional d’Oran et leurs impacts sur les performances de celui-ci. Pour répondre à toutes ces interrogations, nous avons programmé une série d’entretiens avec le directeur général. Le déroulement des entretiens s’était effectué à l’intérieur du théâtre.

Méthodologie de recherche :

Afin de vérifier l’acceptabilité de nos hypothèses, nous avons choisi de les tester en les confrontant à la réalité offerte par le théâtre régionale d’Oran, que nous avons cernée par quelques indicateurs clés. Au regard de notre démarche qualitative, nous avons élaboré un mécanisme de récolte de données de première main, d’où les entretiens, les observations, l’analyse documents, conformément à l’approche qualitative de cette étude.

Notre étude s’inscrit dans une posture positiviste, puisque l’objectif recherché dans cette étude consiste à analyser les possibilités d’application du management de type économique qui ne remettrait en cause la nature même de l’activité théâtrale. Inspirée par les écrits sur le théâtre, subjuguée par les pièces théâtrales, intriguée par le mode de gouvernance actuel du théâtre d’Oran, nous ne pouvant éviter la question pertinente, qui renvoie à l’introduction éventuelle du management sur ce nouveau terrain, en l’occurrence le théâtre, où les valeurs et les pratiques lui sont naturellement hostiles. Notre approche descriptive-analytique pourrait nous permettre d’appréhender comment la gestion de l’Art appliquée au niveau d’un espace défini : le théâtre, peut s’accommoder d’un management orienté vers la performance économique, sans nuire à son orientation publique et sociétale.

La recherche de données de réponse à nos questions, nous les avons structurées en trois chapitres. Le premier chapitre intitulé ‘’le théâtre régionale d’Oran, institution culturelle rayonnante ?’’, sera un chapitre pratique, qui sera réparti en trois sections. La première sera consacrée à l’historique et à la présentation de l’institution culturelle entre hier et aujourd’hui mais aussi les rôles majeurs de cette dernière et ses impacts sur différents plans. La deuxième section sera réservée à l’étude et à l’analyse de l’organisation générale du théâtre d’Oran, de sa structure administrative. Nous traiterons aussi du financement public et de ses limites, au niveau de la troisième section nous aborderons les choix organisationnels et ce qu’ils impliquent comme changements, notamment l’introduction de la notion de rentabilité ou du management comme nouveau mode de gestion.

Le deuxième chapitre intitulé ‘’économie de la culture et gestion des activités culturelle ‘’sera une chapitre théorique, structuré en trois sections, au niveau desquelles nous aborderons les notions comme l’économie de la culture et les différentes théories qui se sont penchées sur le sujet, et cela dans la première section.

Dans la deuxième section nous nous intéresserons de plus près aux institutions culturelles publiques, à leurs caractéristiques et spécificités , pour enfin présenter quelques-uns des plus importants éléments de gestion dans ces institutions , et ceci dans la troisième et dernière section de ce chapitre .

Dans le troisième chapitre intitulé ‘ ’Les institutions culturelles et management des entreprises, le combo gagnant ? ‘’sera divisé en trois sections. Dans la première section nous nous questionneront sur la légitimité et la pertinence de la notion d’entreprise culturelle, du produit culturel, les particularités et les similitudes, entre un produit de grande consommation et ce dernier. Au niveau de la deuxième section, nous évoquerons les conditions d’introduction d’un management culturel adapté à ces institutions culturelles. La troisième section sera consacrée à l’apport de la culture dans le développement local et national.

Chapitre 1 : I. Cas Pratique : le théâtre régional d’Oran entreprise culturelle ?

Introduction

Art combiné de l'écrit et de la parole, le théâtre, plus qu'aucune autre forme d'expression, a contribué à la reconstruction de l'identité algérienne fortement altérée par la politique de colonisation.

Les théâtres régionaux et nationaux joueront un rôle majeur dans la quête de la liberté et la mise en place d’un Etat libre et démocratique.

Mais l’entreprise théâtrale Algérienne d’aujourd’hui a connu des jours sombres, considéré comme administration trop rigide et bureaucratique , les théâtres décentralisés n’arrivent plus à produire un travail de qualité , faute de moyens et de bonne gestion , ils sont pour la plupart fermé , sans dynamisme , et prenant rarement des initiatives .

Les dirigeants du TRO l’ont bien compris, les théâtres publics ne pourront s’en sortir qu’en reconsidérant sérieusement leur fonctionnement, aller vers de nouvelles méthodes de gestion et en s’ouvrant au monde culturel extérieur, nous allons dans ce chapitre aller à la découverte du modèle de gestion ‘’théâtre régional d’Oran‘’, le théâtre algérien le plus performant de ces cinq dernières années, qui produit et diffuse des pièces de qualité, et qui surtout vise à s’imposer comme un véritable centre de rayonnement culturel sur le plan régional et national. Notre stage au sein de l’institution qui durera dix-huit jours se fera dans de bonnes conditions, avec des employés agréables, et prêts à nous fournir les informations nécessaires à notre recherche, nous emmétrerons quand même une remarque concernant la centralisation de l’information et le non-respect des horaires de travail par la majorité des salariés du TRO. C’est donc avec une démarche constructiviste, et une méthode d’observation participante que nous allons essayer de montrer l’impact de ces méthodes de gestion qui puise leur origine dans le management des entreprises , analyser aussi les mesures , les changements effectués par le nouveau directeur et leur impactes sur le rendements culturel , sociale , politique et économique de l’entreprise théâtrale .

Section 1

Présentation d’une organisation culturelle Algérienne : cas du théâtre régional d’Oran Abdelkader Alloula.

1.1 L’évolution historique du théâtre d’Oran :

L’opéra d’Oran fut construit début du vingtième siècle par l’architecte INEZ , c’est avec un style ‘‘ Baroque ’‘ et une sculpture unique de la déesse des arts ‘‘ Athéna ’‘ qui surplombe une façade aux allures de temple romain que ce dernier pose les pierres d’un édifice devenu le principal lieu de culture de la ville d’Oran , il est inauguré le 10 décembre 1907, partageant la place Foch avec l’hôtel de ville bâti 20 ans plutôt ( place 1er novembre actuellement ).

Doté d’une scène au style ‘‘ italien ’‘ et pouvant accueillir jusqu’à 602 spectateurs, l’opéra sera considéré comme un bien de la ville d’Oran jusqu’à 1963 et après l’indépendance où il fut nationalisé1

Le théâtre d’Oran connaîtra plusieurs appellations, en 1967, l'opéra d'Oran se transforme en Théâtre national de l’ouest algérien sous la tutelle du théâtre national algérien (Alger) et cela aussi bien administrativement qu’artistiquement ce qui entrainera des difficultés monstres sur le plan de la gestion financière.

En 1971 il portera le nom de théâtre national algérien de l’ouest, c’est seulement en 1972 que le théâtre pourra jouir de son indépendance financière et artistique.

Depuis, le Théâtre Régional d’Oran qui sera rebaptisé ‘‘ Abdelkader Alloula ’‘ en hommage au grand dramaturge assassiné en 1994, n’a cessé d’être une roue motrice de la création artistique en Algérie.

Figure 1.1 : Salle principale, Théâtre régional d’Oran. Figure 1.2 : entrée principale du Théâtre régional d’Oran

Note de la rédaction: Les images furent enlevées á cause du copyright

1.1.1 Le théâtre régional d’Oran à présent : étude de cas

Le fonctionnement et la production artistique : Le Théâtre Régional d’Oran Abdelkader Alloula ouvre ses portes tous les jours de la semaine et à toutes les tranches qui composent la société, petit et grand, les vendredis et mardi sont réservés au jeune public, le reste de la semaine le programme est orienté pour les adultes, pièce de théâtre, concert et après-midi littéraire et poétique2, lieu de prédilection pour les amoureux des arts vivants, il connaît un renouveau depuis notamment les nombreux changements apportés par le staff et le nouveau directeur, désigné à la tête du TRO en fin 2016, principale salle de spectacle de la région Oranie, l’établissement a glorieusement repris sa place de lieu de culture, incontournable pour les habitants de la ville, et les touristes étrangers et ceci après une période de vide qui durera plus de 10 ans, on détaillera dans ce travail les principales raisons de cette résurrection.

Figure 1.3 : salle principale, Théâtre régional d’Oran .

Note de la rédaction: L'image fut enlevée á cause du copyright

1.2 la mission sociétale du théâtre

Depuis l'antiquité les hommes et les femmes assistent à des représentations théâtrales. Le théâtre a pour but principal de divertir le public, de le détourner momentanément de ce qui l'occupe. Il arrive à cela tout d'abord en suscitant des sentiments de joie ou de peine chez le spectateur. En effet, dans les comédies ou dans les drames, on représente souvent la folie des hommes, de la société, les défauts des humains, avec beaucoup d'humour et d'ironie. On y dramatise, on y ridiculise (les pièces de Molière), on s’y amuse, on y éveille les consciences on y détrône les souverains, on y dévoile la cupidité des assoiffés d’argent, le théâtre devient donc un espace de reproduction de la vie sociale dans toute sa complexité, sa richesse, et son dynamisme.

Le rôle du théâtre : est-il simplement de raconter une histoire ou doit-il faire réfléchir le spectateur ?

1.2.1 L’impact socioculturel du théâtre :

Le théâtre, est un divertissement mais aussi un moyen d'éducation morale, il cherche ainsi à créer un miroir social, un reflet plus ou moins caricatural de la société, qui permet de mieux la comprendre, et de mieux dénoncer ses failles. Le théâtre apporte également une visée moralisatrice de deux façons. La comédie apporte sa morale par le rire, tandis que la tragédie apporte sa morale par la terreur et la pitié.

La comédie vise à améliorer la nature humaine en dénonçant, par le rire, par la moquerie, les travers des personnages. Ce faisant, le spectateur peut se remettre en question et corriger ses défauts.

La tragédie elle, vise à éliminer les mauvais sentiments que l’on peut ressentir, la rancœur, la violence, l’agressivité, la frustration, et le dégout. Le spectateur en voyant des mauvaises actions, des mauvais sentiments sur scène peut vivre par procuration ses passions mauvaises et ne plus avoir besoin de les réaliser dans la vie réelle. Le spectateur est par ailleurs tellement impressionné par la violence de la scène qu’il ne veut plus reproduire ces actions dans la vie réelle.

Le théâtre peut également faire réfléchir, instruire. Victor Hugo disait que ‘‘ le théâtre est une chair ‘‘, autrement dit, que le théâtre serait comme une salle de classe dans laquelle les spectateurs apprendraient toujours quelque chose.

‘’Le théâtre c ’est le père des arts et c’est le véhicule de la culture de son peuple ‘ ’

Mokrane NEDDAF

1.3.2 L’impact économique du théâtre :

Beaucoup de recherches se sont intéressées à l’impact culturel et social du théâtre sur une région, en oubliant l’impact économique de ce dernier. Le théâtre comme toute autre entreprise, contribue directement et indirectement à créer de la valeur ajoutée et ce, à travers la création d’emplois, participe à la renommée d’un pays, d’une région, d’une ville à l’international. Il devient aussi à la fois, un facteur d’attractivité de la ville, en terme de visites des touristes, ou d’attractivité des investissements locaux et étrangers.

1.2.3 L’impact politique du théâtre :

L’institution théâtrale a aussi un impact politique directe et non négligeable c’est aussi ça la magie du spectacle vivant, il arrive à interroger les convictions établies, à déstabiliser des représentations, à avoir un impact politique en profondeur et abordant les problèmes de société.3

Le théâtre est la représentation de l’état démocratique. La démocratie est basée sur les mêmes principes que le théâtre, à savoir le dialogue et le débat d’idées. Le théâtre apparaît dans certains pays pour exprimer la contestation et la révolte, c’est le cas de l’Algérie lors de la guerre de libération, la décennie noire ou encore au Temps du Hirak4 populaire.. Le théâtre participe à l’éveil politique des populations, à travers des pièces et des monologues d’auteurs engagés qui traitent de manière continuelle ce qui préoccupe la société en question.

1.3 Rôles et missions du théâtre en Algérie :

Parmi les arts les plus influents et les plus importants pour la société algérienne, on cite le théâtre. C’est un moyen de communication et d’expression artistique qui transmet des messages importants pour l’équilibre de cette dernière.

Tout au début de son apparition, le théâtre algérien était un théâtre éducatif et indirectement politique, mais peu à peu, il a subi, par la suite, les mêmes épreuves que les partis politiques du pays puisqu’il s’adresse au peuple algérien et aux masses. Il avait donc des relations directes et indirectes avec la politique et la société.

Le théâtre algérien est considéré comme un miroir reflétant la réalité sociale et les préoccupations de l’individu dans la société. Ainsi, depuis son apparition jusqu’à nos jours, le 4e art a su traduire les différentes questions et conditions sociales, politiques et économiques que nous vivons au quotidien.

1.4 Le statut juridique du théâtre d’Oran :

Le statut juridique du théâtre régionale d’Oran comme tous les théâtres régionaux et nationaux est liée à la notion de service public.

Cette notion regroupe deux éléments distincts, d’une part, elle désigne une activité ou une mission d’intérêt général, d’autre part, la notion de service public désigne l’ensemble des organismes, qu’ils soient publics ou privés, chargés de ces missions d’intérêt général.

Mais pour comprendre le positionnement exact de ces institutions sur le plan juridique, on va tout d’abord commencer par définir le statut d’E.P.I.C. Un Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial (E.P.I.C.) est une personne publique disposant d’une autonomie administrative et financière. Qui a pour but la gestion d’une activité de service public sous le contrôle de l’Etat auquel il est rattaché. Il est soumis au droit privé malgré le fait qu’il bénéficie de par sa qualification des privilèges de droit public. Il ne peut activer dans un domaine autre que celui correspondant à sa vocation première.

Le statut d’E.P.I.C. est censé protéger l’entreprise publique de la ‘‘ concurrence ‘‘. C’est pour cette raison qu’il est utilisé surtout dans des secteurs vulnérables aux règles du marché libre, à l’instar du secteur culturel. Il est établi aussi comme permettant une meilleure gestion et un contrôle efficace de l’établissement car empruntant au secteur à but lucratif son caractère commercial5

En Algérie, le statut E.P.I.C est le résultat d’une création (ordonnances 70.38 et 70.39) et non pas d’une nationalisation6.

C’est en 1970 que seront publiés les deux décrets essentiels relatifs à l’organisation des théâtres publics :

-le décret 70.38 du 12 juin 1970 portant organisation du TNA -le décret 70.39 de la même date, relatif au statut général des TR.

Cette intervention par la législation s’effectue au moment où on assiste ‘‘ à une remontée, de la vie culturelle et intellectuel ‘’

Les ordonnances 70.38 et 70.39 confirmeront la mission d’intérêt général confiée au Institutions théâtrales publiques en Algérie : le TNA est chargé de ‘‘ contribuer au développement culturel par la production et la diffusion des spectacles d’art dramatique et Chorégraphique à caractère éducatif et culturel ‘‘.

Or en 1970, l’Algérie est un pays socialiste, et l’économie de marcher était marginalisée, et la décision de transformer les théâtres en E.P.I.C est d’autant plus surprenante et inattendue qu’aucune forme de concurrence n’existe dans le secteur culturel.

Les textes législatifs de 1970 avaient certes au moment de leur promulgation, répondu aux attentes des hommes de théâtre, mais, aujourd’hui, il s’avère que ces textes sont marqués par une certaine obsolescence avec un statut juridique complexe et inadapté à la réalité économique du pays qui va privilégier la dimension administrative occultant sérieusement la fonction artistique et technique.

Les conditions d’exercice du métier devant inévitablement changer, les pouvoirs publics ont le pouvoir de réajuster le statut juridique de l’entreprise théâtrale tout en prenant conscience de la fonction de service public du théâtre qui est une affaire d’état, pour reprendre Kateb Yacine7

1.5 Rayonnement et apports du Théâtre d’Oran sur le développement culturel au niveau local et national :

Nonobstant les difficultés de toutes sortes, inhérentes aux heures troublées qui étaient celles de l'Algérie depuis l’indépendance, en 2019 le théâtre régional d’Oran arrive à briller d'un vif éclat. Beaucoup de grandes villes de la métropole admirent les programmes donnés aux Oranais. On reconnait la sagesse de la gestion en régie directe, et on envi le prestige dont la scène municipale est auréolée. Le directeur nous expliquera que ‘‘ si le public continuait à venir très nombreux au théâtre, c'était la qualité des spectacles qui en était la cause ’‘.

Le théâtre en effet, était l'un des aspects du rayonnement de notre génie national, cents ans après son inauguration, le théâtre d’Oran reste un véritable plateau tournant où se succèdent de grandes manifestations culturelles.

On pourra résumer les apports économiques et marketing du théâtre d’Oran sur le développement culturel local et national comme suit :

-la promotion de la culture locale et nationale.
-la formation et la transmission des savoirs faire.
-la diversification économique.
-l’accroissement de la fréquentation touristique.

Nous mettrons aussi l’accent sur les impacts politiques du théâtre d’Oran, un axe d’autant plus important, qu’il traite d’un sujet d’actualité avec le grand soulèvement populaire que connait l’Algérie depuis le 22 février 2018, le théâtre comme institution et comme art , devenu un instrument de remise en question de l’action du régime politique en Algérie8, jouera un rôle important dans la contestation populaire et ceci à travers des productions osées, engagées et actuelles, le TRO se positionnera donc comme lieu d’expression et d’échange pour l’élite culturelle de la ville d’Oran, mais aussi pour les mélomanes et adeptes du 4ème art, qui se retrouvent chaque semaine pour analyser, disséquer et débattre des dernières nouvelles politiques.

Figure 1.4 : Manifestation du 2 mars 2019

Note de la rédaction: L'image fut enlevée á cause du copyright

Section 02

Gestion et pérennité du TRO

Comme le théâtre est un service public, sa survie a longtemps été liée aux subventions accordées par l’Etat, il connaitra aussi les mêmes fléaux que la pluparts des administrations algérienne, rigidité, bureaucratie et stagnation ont été au rendez-vous pendant plus de vingt ans , nous présenterons ici la structure administrative du théâtre régionale d’Oran mais aussi les efforts fournis par les dirigeants de ce dernier pour aller vers d’autres modes de gestion administrative et la longue et périlleuse quête de nouvelles forme de financement.

2.1 Organisation interne et Structure administratif :

Les théâtres régionaux sont des E.P.I.C bénéficiant de l’autonomie financière. Ils sont directement soumis à l’autorité du ministère de la tutelle. Contrairement au TNA, les TR sont dotés de la personnalité civile, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent pas lester en justice.

2.1.1 sur le plan fonctionnel

Les attributions sont distribuées comme suit :

- un directeur à la tête de chaque TR qui accomplie les même fonctions que celles attribuées au DG du TNA. Il représente le théâtre régional pour intervenir dans toutes les actions de la vie civile qui concernent l’établissement, il est aidé par un conseil consultatif et un autre artistique.

Le conseil consultatif est composé d’un représentant de la direction de la culture populaire et des loisirs du ministère de l'information, d’un représentant du théâtre national algérien, de deux représentants de l'assemblée populaire communale de la ville où se trouve le siège du théâtre régional, du responsable artistique de la station régionale de la R.T.A., de l'inspecteur d'académie, du président de l'association des parents d'élèves, du directeur du centre de culture et d'information de la ville où se trouve le siège du théâtre régional, du rédacteur en chef du journal régional, du directeur régional de la R.T.A., de deux représentants élus du personnel artistique du théâtre régional concerné.

Quant au comité artistique des TR, il est composé de 2/3 par les représentants élus du personnel artistique. Le tiers restant n’est pas clairement désigné. Le comité donne son avis sur la conception des plans de production et de diffusion, sur le choix des œuvres à réaliser et des réalisateurs ainsi que sur la répartition des tâches, sur le recrutement du personnel artistique et technique, sur le directeur du ballet et de l'ensemble musical. Le directeur de la programmation et de la diffusion.

- Trois membres élus par le personnel artistique du T.N.A. à raison d'un membre pour le ballet, d'un membre pour l'ensemble musical et d'un membre pour la troupe d'art dramatique.
- Trois membres désignés par le ministre de tutelle parmi les metteurs en scène, auteurs, acteurs ou hommes de culture.

Le conseil artistique a pour mission l’étude et la sélection des œuvres, l’étude des programmes de production, de diffusion et de programmation annuelle. Il étudie et propose, éventuellement, l’admission de nouveaux éléments au sein du TNA. Enfin, il est chargé d’établir un rapport trimestriel sur les activités artistiques de l’établissement9

Organigramme :

[...]


1 Passage de la propriété privée à la propriété de l’Etat

2 <https://theatre-oran.com , site du Théâtre régional d’Oran> , consulté le 01 /05 /2019, 23h50

3 < https://www.cairn.info/revue-communications-2008-2-page-37.htm> , consulté le 18/04/2019, 10h25.

4 Hirak est un mot arabe signifiant « mouvement ». Celui-ci peut être politique ou social, il sert à designer ici les manifestations de 2019 en Algérie qui ont débutées le 22 février pour protester dans un premier temps contre la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à un 5e mandat, A noter que ce mot n'avait jamais été utilisé auparavant en Algérie.

5 Kessab A , (2007),’’ Gestion des institutions culturelles publiques : le cas des structures théâtrales en Algérie’’,Mémoire master 2 recherche ^Département de médiation culturelle , Paris Sorbonne, P 52.

6 Nationaliser : Passage de la propriété privée à la propriété de l’Etat

7 Cheniki A, Makhloufi B , ‘’Théâtre en Algérie : états des lieux et proposition de sortie de crise’’ , ( mai 2008) , document disponible en format PDF sur < http://www.alger-culture.com/articles.php?cat_id=54&rowstart=90 > , consulté le 05 /06/2019,22h40.

8 Kabache R , ‘’le théâtre joue un rôle important dans la contestation populaire’ ’, El Watan Etudiant , 19 juin 2019, Disponible sur < https://www.elwatan.com/pages-hebdo/etudiant/le-theatre-algerien-joue-un-role- important-dans-la-contestation-populaire-19-06-2019 >, consulté le 20 juin 2019 , à 20h30.

9 Kessab A ,Op.cit.P. 20 .

Fin de l'extrait de 79 pages

Résumé des informations

Titre
Management des insitutions culturelles publiques en Algérie
Sous-titre
Cas du théâtre régional d’Oran
Auteur
Année
2019
Pages
79
N° de catalogue
V510174
ISBN (ebook)
9783346078988
ISBN (Livre)
9783346078995
Langue
français
Mots clés
management, algérie
Citation du texte
Ibtissem Sarra Boumeslout (Auteur), 2019, Management des insitutions culturelles publiques en Algérie, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/510174

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