La régulation de la vie politique en Droit constitutionnel congolais. Attribution du Chef de l’Etat ou de la Cour constitutionnelle


Etude Scientifique, 2019

20 Pages


Extrait


Introduction:

I. La régulation de la vie politique
a. Approche lexicale
b. Fondement juridique

II. La régulation de la vie politique comme attribution du Chef de l’Etat

III. La régulation de la vie politique comme attribution de la Cour constitutionnelle

Conclusion

Résumé :

Cet article a pour objectif toute équivoque au de l’attribution de la régulation de la vie politique qu’exerce le Chef de l’Etat et celle qu’exerce la Cour constitutionnelle. Ainsi donc, il y a une différence entre l’attribution de la régulation du Chef de l’Etat et celle de la Cour constitutionnelle. Le Chef de l’Etat exerce alors une régulation politique tandis que la Cour constitutionnelle exerce la régulation juridique. C’est parce que l’article 69 de la Constitution expressément cette compétence au Chef de l’Etat, ce qui laisserait aux autres que pour la Cour constitutionnelle, cette compétence ne lui est pas reconnue. Cependant, même si cette compétence n’est pas expressément prévue par la Constitution mais elle est considérée comme inhérente à toute juridiction constitutionnelle.

Abstract :

The purpose of this article is unequivocal in that of the attribution of the regulation of political life exercised by the Head of State and that exercised by the Constitutional Court. Thus, there is a difference between the attribution of the regulation of the Head of State and that of the Constitutional Court. The Head of State then exercises political regulation while the Constitutional Court exercises legal regulation. It is because Article 69 of the Constitution expressly confers this power on the Head of State, which would leave to the others only for the Constitutional Court, this competence is not recognized to him. However, even though this jurisdiction is not expressly provided for by the Constitution, it is considered to be inherent in any constitutional jurisdiction.

Mots-clés: régulation de la vie politique, Droit constitutionnel congolais, Chef de l’Etat, Cour constitutionnelle

INTRODUCTION

L’instauration d’une paix dans un pays sous certaines circonstances nécessite l’intervention de certains mécanismes juridiques pour palier à la crise entre les acteurs politiques. La présente étude se propose de faire une analyse autour de la fonction de régulation de la vie politique en Droit constitutionnel congolais, c’est-à-dire comprendre si cette fonction est une attribution du chef de l’Etat ou de la Cour constitutionnel.

Il faut noter que c’est depuis l’histoire politique et juridique de la République démocratique du Congo, la régulation de la vie politique a été toujours considérée comme celle du chef de l’Etat, on peut faire même mention à sa deuxième Constitution1 parce que sa première2 étant considérée comme provisoire3. Au moins dans toutes les différentes constitutions de la République Démocratique du Congo, sauf exception il existe une ou plusieurs dispositions conférant au chef de l’Etat le pouvoir de la régulation de la vie politique. Pour ce qui est de la Cour constitutionnelle aucune disposition n’a conféré cette compétence à celle-ci. C’est ce qui nous a plongé dans ce débat.

Notons cependant que depuis l’institution de la justice constitutionnelle en Afrique issue du constitutionnalisme africain au début des années 90, il y a eu des transitions démocratiques. Ces transitions ont été, d’après son argument, « l’élément fondateur d’un nouvel ordre […] juridique en Afrique francophone »4. Ainsi, les années 1990 ont fait renouer les États africains avec une évolution constitutionnelle digne de ce nom. L’aspiration des peuples en Afrique francophone a marqué un tournant dans le rapport avec la Constitution5. C’est avec cette révolution constitutionnelle que la justice constitutionnelle a pris une certaine ampleur dans certains Etats africains.

I.LA REGULATION DE LA VIE POLITIQUE

a. Approche lexicale

Il sied de noter que la définition de ce concept n’est pas aisée. Il est important d’abord de découper le mot pour simplifier la définition. Il faut entendre par « vie » l’ensemble des activités et occupations d’une personne6, cette vie peut être politique c’est-à-dire manière de conduire les affaires de l’Etat, l’ensemble de ces affaires7. Quant au concept « régulation » il est aujourd’hui polysémique8 puisqu’il y autant de définitions de la régulation qu’il existe de manuels…9, cette expression de régulation vient de la science économique10, des sciences exactes11 puis largement des sciences sociales12 en dehors des sciences juridiques13 traduisant de manière générale l’idée d’équilibre14 ou équilibrage d’un ensemble mouvant d’initiatives, naturellement désordonnées par des interventions normatives15.

Sur le plan économique le concept signifie créer un marché compétitif pour la prestation des services publics ou garantir la couverture appropriée des besoins sociaux16, ce n’est pas ça le sens qui nous intéresse, nous allons rester dans le cadre de la présente étude, c’est ainsi que KAZADI MPIANA17 souligne selon le vocabulaire juridique, la fonction régulatrice est celle qui a pour fin de « normaliser », de régulariser le cours d’activités ou d’opérations diverses, notamment de faire respecter, dans ses application multiples, la cohérence d’une règle. C’est aussi une prérogative additionnelle, un étage supplémentaire de l’architecture de superposition des compétences des Cours constitutionnelles africaines francophones18.

b. Types de régulation

Gilles BADET19 en analysant la réalité jurisprudentielle de la fonction de régulation distingue deux manières, pour la Cour constitutionnelle, de réguler le fonctionnement des institutions des pouvoirs : la régulation « lubrifiant institutionnel » et la régulation « discipline des acteurs publics » duquel on peut rapprocher une régulation mixte associant des éléments de régulation « lubrifiant institutionnel » et ceux de régulation « discipline des acteurs politiques ».

i. La régulation « lubrifiant institutionnel »

La régulation lubrifiant institutionnel consiste pour la Cour constitutionnelle, à intervenir, sur demande, pour, par sa décision et les injonctions qu’elle comporte, faire échec à une situation de paralysie imminente ou réelle d’une ou de plusieurs institutions de la République20.

ii. La régulation « discipline des acteurs politiques »

La régulation « discipline des acteurs politiques » a un caractère « disciplinaire » et consiste, pour la Cour constitutionnelle, sur demande, et alors même qu’aucune paralysie effective ou imminente n’est à déplorer dans le fonctionnement d’une institution de la République, à sanctionner, si elle l’estime nécessaire, par déclaration d’inconstitutionnalité, le comportement d’acteur public considéré contraire aux prescriptions de la Constitution ou du bloc de constitutionnalité, et à faire, en cas de besoin des injonctions correctives qui paraissent devoir s’imposer en vue d’un nouveau comportement conforme aux prescriptions constitutionnelles.21

iii. La régulation mixte

Cette régulation associe des éléments de régulation lubrifiant institutionnel et ceux de régulation discipline des acteurs politiques22 et l’auteur23 explique cette régulation en donnant un cas illustratif dans le cadre de la désignation des membres de l’Assemblée Nationale au sein de la Haute Cour de justice en 2009, illustre à merveille un cas de « régulation mixte », car autant l’Assemblée Nationale dont les décisions ou les comportements sont appréciés et sanctionnés par la Cour constitutionnelle, n’était ni paralysée ni menacée de l’être dans l’immédiat, autant la Haute Cour de justice qui attendait ses membres députés pour fonctionner normalement, se retrouvait paralysée à cause du retard mis pour les désigner.

b. Fondement juridique

Le fondement juridique de la régulation de la vie politique pour le chef de l’Etat, c’est l’article 69 de la Constitution24 de la République Démocratique du Congo, cela ne pose aucunement pas de problème parce que prévue expressément par la Constitution.

Il importe à ce stade, faire d’abord une esquisse sur le fondement juridique de la régulation de la vie politique du juge constitutionnel en Droit constitutionnel comparé (africain) avant de revenir en Droit constitutionnel congolais

- Fondement en Droit constitutionnel comparé (africain)

La difficile admission du Droit en politique : la vie politique, sous les IIIème Républiques s’étant assez largement déroulée en dehors de la Constitution et son Droit25, il était donc difficile pour le juge constitutionnel de jour un rôle politique.

Aujourd’hui principalement en Afrique francophone, les juridictionnelles constitutionnelles africaines francophones sont l’objet d’un regain certain d’intérêt. Cet intérêt de la doctrine porte, cependant et, principalement sur la place des Cours constitutionnelles dans l’architecture institutionnelle des Etats, l’ascendant nouveau et la crédibilité nouvelle qu’elles ont acquis comme « éléments incontournables des Etats de Droit à construire »26

Pour Médé NICAISE27 la régulation trouve son fondement juridique dans la rédaction même des textes constitutionnels en Afrique noire francophone, notamment au Gabon (art. 83 de la Constitution du 26 mars 1991), à Djibouti (art.75 de la Const. du 4 septembre 1992) au Bénin (art.75 de la Const. du 11 décembre 1990) au Congo (art.142 de la Constitution du 15 mars 1992 mais la nouvelle Constitution du 20 janvier 2002 ne reprend pas cette disposition)28, au Tchad (art. 166 de la Constitution du 31 mars 1996) ou encore au Togo (art. 99 de la Constitution du 27 septembre 1992). Dans une formulation presqu’identique les textes font de la juridiction constitutionnelle « organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ».

En effet, la compétence de régulation de la vie politique est reconnue expressément à certaines juridictions constitutionnelles de l’Afrique francophone. Il y a des pays comme la Guinée29, le Bénin30, la Cote d’Ivoire31, le Mali32, le Cameroun33, le Togo34, le Niger35 … cette compétence est expressément prévue dans leurs Constitutions.

Pour ce qui est du fondement juridique de la fonction de régulation de la vie politique en Droit constitutionnel comparé principalement africain, ça ne pose pas de problème pour les juridictions constitutionnelles de certains Etats africains surtout francophones. Plusieurs décisions ont été rendues par quelques juridictions constitutionnelles africaines francophones allant dans ce sens.

Les juridictions constitutionnelles africaines se sont vues confier des attributions ambitieuses incluant le contrôle de constitutionnalité des lois, la régulation du fonctionnement des institutions de la République, la garantie des libertés et des droits fondamentaux et le contrôle de la régularité des élections présidentielles, législatives ou référendaires, ainsi que la proclamation des résultats définitifs de ces élections.36

Dans le cadre de ses attributions appréciées, les Cours constitutionnelles africaines ont rendu des décisions diversement appréciées. Si le sentiment général se fait de plus en plus jour qu’elles contribuent, par leurs décisions, à asseoir un Etat de Droit en mouvement, faisant preuve d’audace et soumettant le pouvoir au respect de la Constitution, elles font l’objet de critiques, surtout en matière électorale, où elles sont perçues comme des institutions au service du pouvoir et non pas du Droit.37

[...]


1 Voir les articles 54, 59, 62 et autres de la Constitution 1èr aout 1964

2 Il s’agit de la Constitution du 19 mai 1960

3 P.F. GONIDEC, Les systèmes politiques africains, les nouvelles démocraties, 3ème éd., Paris, p.177, voir aussi E. BOSHAB, « Les dispositions constitutionnelles transitoires à la Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo », dans Fédéralisme régionalisme, vol. 7, 2007/n°1 sur http://popups.vliege.be/1374 consulté le 17/03/2019

4 YUHNIWO NGENGE, « La justice constitutionnelle en Afrique de l’Ouest : origines historiques et traditionnelles », dans Les juridictions constitutionnelles de l’Afrique de l’Ouest, analyse comparée, p. 33

5 M. NDIAYE, « La stabilité constitutionnelle, nouveau défi démocratique du juge africain », dans Annuaire international de justice constitutionnelle, XXXIII-2017, p. 668

6 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 10ème éd., 2014, p.1072

7 Dictionnaire-sensagent.Leparisien.fr/vie/20politique/fr-fr/ consulté le 11/022019 à 16h

8 CALANDRIL, cité par R. RAMBAUD, l’institution juridique de régulation, recherches sur les rapports entre Droit administratif et théorie économique, Paris, L’Harmattan, 2012, p.24

9 Romain Rambaud, Ibidem, p.24

10 M. MIAILE, La régulation et le pouvoir politique, Barcelona, working paper 31, 1991, p.1

11 R. RAMBAUD, op.cit., p.24

12 M. MIAILLE , op.cit., p.1

13 R. RAMBAUD, op.cit., p.24

14 Ibidem

15 G. CORNU, op.cit., p. 884

16 G. DELLIS, « Régulation et Droit public continental. Essai d’une approche synthétique » dans Revue du Droit public, n°4, 2010, p. 966

17 G. CORNU cité par KAZADI J. MPIANA, « Cour constitutionnelle, motion de censure et garantie des libertés et droits fondamentaux à l’une de l’arrêt Jean-Claude KAZEMBE », dans Annuaire congolais de justice constitutionnelle (CCJC/CYCJ), vol. 2, 2017, p.556

18 M. NICAISE, « La fonction de régulation des juridictions constitutionnelles en Afrique francophone », dans Annuaire international de justice constitutionnelle, n° XXIII, 2007, p.47

19 G. BADET, op.cit., p. 243

20 G. BADET, « Contrôle intra normatif et contrôle ultra normatif de constitutionnalité, contribution à l’identification des sous catégories du modèle Kelsenien de justice constitutionnelle à partir des systèmes belge et béninois », Thèse de doctorat en Droit, faculté de Droit et de Criminologie, Université de Catholique de Louvain, 2011-2012, p. 193 (inédit)

21 Ibidem, p. 207

22 Ibidem, p. 243

23 Ibidem, p. 284

24 Il s’agit de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la RDC.

25 L. FAVOREU et al., Droit constitutionnel, 16ème édition, Dalloz, Paris, p.374

26 M. NICAISE, op.cit., p.43

27 Ibidem, p.46

28 L’article 175 al. 3 de la Constitution du Congo-Brazzaville adoptée par voie référendaire le 25 octobre 2015 s’inscrit dans la même perspective : « (…). La Cour constitutionnelle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et des activités des pouvoirs publics ». Voir J. KAZADI MPIANA, « Notes de cours d’institutions politiques de l’Afrique contemporaine », Troisième graduat Droit public, faculté de Droit, UNILU, 2018-2019, p.160 (Inédit)

29 C’est l’article 93 al. 2 de la Constitution du 7 mai 2010 de la Guinée

30 L’article 114 al. 2 de la Loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin

31 L’article 126 de la Loi n°2016-886 portant Constitution de la République de Côte d’Ivoire du 9 novembre 2016

32 L’article 85 de la Constitution du 26 mars 2012 de la République du Mali

33 L’article 46 de la Constitution du Cameroun du 18 janvier 1996

34 L’article 90 de la Constitution du Togo du 27 septembre 1992 révisée par la Loi n°2002-029 du 31 décembre 2002

35 L’article 126 de la Constitution du Niger du 25 décembre 2010

36 P. MASSINA, « Le juge constitutionnel africain francophone : entre politique et Droit », Revue de Droit Constitutionnel, n°111) 2017/3 (pp. 642-643

37 Ibidem, p.643

Fin de l'extrait de 20 pages

Résumé des informations

Titre
La régulation de la vie politique en Droit constitutionnel congolais. Attribution du Chef de l’Etat ou de la Cour constitutionnelle
Cours
Droit constitutionnel congolais
Auteur
Année
2019
Pages
20
N° de catalogue
V500070
ISBN (ebook)
9783346021564
ISBN (Livre)
9783346021571
Langue
français
Mots clés
droit, attribution, chef, cour
Citation du texte
Celestin Luange (Auteur), 2019, La régulation de la vie politique en Droit constitutionnel congolais. Attribution du Chef de l’Etat ou de la Cour constitutionnelle, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/500070

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