Les chefferies traditionnelles entre tradition et modernité au Cameroun. Le cas du royaume bamou


Thèse de Master, 2017

137 Pages, Note: 16.5


Extrait


SQMMAIRE

AVERTISSEMENT

DEDICACE

REMERCIEMENTS

ABREVIATIONS, ACRONYMES, SIGLES

RESUME

ABSTRACT

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE

I. CONSTRUCTION DEL’OBJET D’ETUDE
A. PRESENTATIONDU SUJET
B. DELIMITATIONDU SUJET
1- Cadre spatio-temporel de l’etude
2- Cadre materiel de l’etude
C. LIMITATION DANS LE SUJET

II. DEFINITIONS DES CONCEPTS
A. LES CHEFFERIES TRADITIONNELLES
B. LA TRADITION
C. LAMODERNITE

III. REVUE DE LITTERATURE

IV. PROBLEMATIQUE

V. HYPOTHESES

VI. INTERET DE L’ETUDE

VII. CONSIDERATIONS METHODODLOGIQUES
A. LES METHODES D’ANALYSE
1- La methode historique
2- L’interactionnisme
B. TECHNIQUES DE COLLECTE DES DONNEES DE L’ETUDE

VIII. ARTICULATIONS DU TRAVAIL

PREMIERE PARTIE : UN ROYAUME ADOSSE A LA SURVIVANCE DES TRADITIONS

CHAPITRE I : L’IMPORTANCE DES TRADITIONS DANS LA STRUCTURATION DU ROYAUME BAMOUN

SECTION I : L’INFLUENCE INDENIABLE DE ROIS PRECURSEURS DANS LA VALORISATION DU ROYAUME BAMOUN

SECTION II : LES STRUCTURES HIERARCHIQUES DU ROYAUME BAMOUN

CHAPITRE II : LA TRADITION COMME LEVIER DE LA CONSTRUCTION SOCIALE DANS LE ROYAUME

SECTION I : LA FETE DU NGUON, UNE FETE PLURISECULAIRE AUX FINS DE SOLIDARITE ET D’ENTRAIDE AU SEIN DU ROYAUME BAMOUN

SECTION II : L’ECOLE DU PALAIS, LIEU DE SOCIALISATION PAR EXCELLENCE EN PAYS BAMOUN

DEUXIEME PART IE : UN ROYAUME STRATEGIQUEMENT RECEPTIF AU MODERNISME

CHAPITRE III : L’ADAPTATION STRATEGIQUE DU ROYAUME BAMOUN AUX MUTATIONS SOCIO-ECONOMIQUES

SECTION I : LES FETES CULTURELLES DU «NGUON» FACE AU MODERNISME

SECTION II : LA TRANSFORMATION DE L’ECOLE DU PALAIS, UNE EVOLUTION PLURISECULAIRE

CHAPITRE IV : L’ADAPTATION SOCIALE ET POLITIQUE DU SULTANAT A LA MODERNITE POLITIQUE

SECTION I : LA LIBERALISATION POLITIQUE DES ANNEES 1990 EN TANT QUE MISE EN ORBITE DES CHEFFERIES TRADITIONNELLES

SECTION II : LES REALISATIONS SIGNIFICATIVES DU ROI DES BAMOUN POUR LES POPULATIONS LOCALES

CONCLUSION GENERALE

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX

TABLE DES MATIERES

AVERTISSEMENT

L’Universite de Yaounde II n’entend donner ni approbation, ni improbation aux opinions emises dans ce memoire. Celles-ci doivent etre considerees comme propres a son auteur.

DEDICACE

A ma mere ETONDE TABLEY Eva, et a mon pere NJAYOU MOUNJOHOU, Et a ma sreur NGOUGOURE NJAYOU Sandra Stephanie qui symbolise la volonte de toujours accomplir le meilleur dans la vie.

REMERCIEMENTS

Avant d’investir l’auguste domaine de la science afin de souscrire modestement au foisonnement de la connaissance, qu’il nous soit permis de nous acquitter d’une dette morale de gratitude a l’endroit du Professeur KAPTCHOUANG TCHEJIP Celestin qui a rendu ce travail possible, du fait de sa volonte et de sa disponibilite a nous encadrer. Ses orientations et ses conseils nous ont ete d’un apport inestimable pour mener a bien cette etude.

Nous pensons par la meme occasion au Pr. Jean NJOYA, Chef du departement de science politique et a tous les enseignants, qui n’ont pas lesine sur leurs moyens, pour nous offrir tout le savoir et savoir-faire necessaire pour parvenir a une formation reussie. Nous pensons ainsi au Pr. MOLUH YACOUBA ainsi qu’au Pr. Nadine MACHIKOU qui ont contribue de maniere remarquable a l’approfondissement de nos connaissances en science politique.

Nous ne manquerons pas d’adresser notre profonde gratitude a notre mere Mme ETONDE TABLEY Eva sans oublier notre pere NJAYOU MOUNJOHOU pour toute l’attention, les conseils et les soins portes a notre endroit. Merci egalement a ma sreur Mile NGOUGOURE NJAYOU Sandra Stephanie pour tous ses encouragements.

Nous ne manquerons pas aussi de remercier les families Tabley et Mounjohou ainsi que la communaute chretienne de l’Union des Eglises Baptistes du Cameroun (U.E.B.C) de Biyem-Assi et plus particulierement la chorale Mey-U.E.B.C, Merci enfin a tous nos camarades de promotion.

ABREVIATIONS. ACRONYMES. SIGLES

BEDOC : Bureau d’Etude et de Documentation

BNTED : Bureau National d’etudes et de Developpement CAPLANOUN : Cooperative agricole des planteurs du Noun CCIUMN : Conseil islamique de l’union des mosquees du Noun CECD : Caisse d’epargne pour le commerce et le developpement CENER : Centre d’Etudes National et de Recherche CENO : ComiteNational d’Organisation

CERDEN : Cercle de Reflexion pour le Developpement du Noun

CPAC : Caisse populaire pour l’agriculture et le commerce

ENS : EcoleNormale Superieure

ENSP : EcoleNationale Superieure Polytechnique

FADENOUN : Federation des Associations de Developpement du Noun

GIGB : Commission internationale des Grands Barrages

IRIC : Institut des Relations Internationales du Cameroun

ISMATAR : Institut Superieur du Management des Technologies Appliquees de la Reunification

JMN : Jeunesse Medicale du Noun

LCC : Departement des Langues et cultures Camerounaises

ONECCA : Ordre National des Experts Comptables du Cameroun

ONG : Organisation Non Gouvemementale

PCI: Patrimoine Culturel Immateriel

PDRM : Projet de Developpement Rural du Mont Mbappit

PPTE : Initiative Pays pauvres tres endettes

RCN : Radio Communautaire du Noun

RDPC : Rassemblement Democratique du Peuple Camerounais

SVT : Science de la Vie et de la Terre

TCS : Tribunal Criminel Special

UC : Union Camerounaise

UCAC : Universite Catholique d’Afrique Centrale

UCOOPAN : Union des cooperatives des producteurs agricoles du Noun

UDC : Union Democratique du Cameroun

UNC : Union Nationale Camerounaise

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour Teducation, la science et la culture

UPC : Union des Populations du Cameroun

RESUME

Les chefferies traditionnelles peuvent etre apprehendees en tant qu’outil de transmission entre le pouvoir central et les populations locales car elles ont du faire face a la modernite et developper des strategies de survivance des la periode de la colonisation jusqu'a nos jours, en passant par la periode de la democratisation en Afrique depuis 1990. Dans cette perspective, le royaume bamoun est de nos jours considere comme l’une des plus authentiques structures traditionnelles a avoir perdure et conserve ses traditions et coutumes tout en s’adaptant a la modernite. Aussi, nous nous sommes interesses a ce phenomene sociopolitique sous le theme : « Les chefferies traditionnelles au Cameroun entre tradition et modernite : le cas du royaume bamoun ».

L’interet de notre travail exige que l’on montre au fur et a mesure les transformations subies par le royaume bamoun tant du point de vue politique, economique et social durant la periode de la colonisation et celle de l’arrivee de la democratie en Afrique dans les annees 1990. Ce travail propose d’analyser les obstacles et les changements encourus par le royaume bamoun et de mettre en lumiere comment la societe bamoun est devenue prismatique a l’instar de la societe camerounaise elle-meme. Ceci s’explique par la prise en compte des besoins des populations qui se trouvaient unifiees au sein du royaume bamoun et qui tiraient aussi benefice de 1’administration.

Pour illustrer ce travail, le recours a une triple approche methodologique a ete imperatif : l’approche culturaliste et historique, tente une description de la societe sous les points de vue conjugues de l’anthropologie et de la psychanalyse. L’interactionnisme, a ete aussi mobilisee dans sa mise en exergue des relations interindividuelles. La troisieme et derniere methode qui est le constructivisme se fonde sur le postulat selon lequel le monde d’objets est investi de sens et de significations. C’est sur cette base que notre travail a ete construit en deux parties : la premiere partie est titree : « Un royaume adosse a la survivance des traditions » et la seconde partie quant a elle est intitulee « Un royaume strategiquement receptif au modemisme ».

Mots Cles : Chefferies traditionnelles, Tradition, Modernite, Royaume Bamoun.

ABSTRACT

The traditional chieftainships can be considered as a tool of transmission between the central power and the local populations. Thus they were obliged to adapt itself to the modernity and to develop strategies of survival from the period of the colonization until our days, via the period of democratization in Africa in 1990. Thus, the Bamoun kingdom is today considered one of the most authentic traditional structures to have continued and preserved its traditions and customs while adapting to modernity. We are also interested in this sociopolitical phenomenon under the theme: "The traditional chiefdoms in Cameroon between tradition and modernity: the case of the Bamoun kingdom".

The interest of our work demands that the transformations undergone by the Bamoun kingdom be demonstrated from a political, economic and social point of view during the period of colonization and that of the arrival of democracy in Africa in the 1990s. This work proposes to analyze the obstacles and the changes incurred by the kingdom of Bamoun and to highlight how the Bamoun society has become prismatic like the Cameroonian society itself. This is explained by taking into account the needs of the people who were united within the Bamoun kingdom and who also benefited from the administration.

To illustrate this work, the use of a triple methodological approach was imperative: the culturalist and historical approach, attempts to describe society under the combined points of view of anthropology and psychoanalysis. Interactionism has also been mobilized in its emphasis on inter-individual relations. The third and last method which is constructivism is based on the premise that the world of objects is invested with meaning and meaning. It is on this basis that our work has been built in two parts: the first part is titled: "A kingdom backed by the survival of traditions" and the second part is titled: "A kingdom strategically receptive to modernism".

Key Words: Chieftainships, Tradition, Modernity, Bamoun Kingdom.

INTRODUCTION GENERALE

L’etymologie du mot Foumban vient de deux mots de la linguistique Bamoun a savoir : le mot « Fen » qui signifie « ruine » et le terme « Mbe » qui veut dire « peuple qui vient d’etre ruine », transforme par les allemands, pour une meilleure linguistique, en « Foumban ». Le peuple « Mbe », est done le premier peuple que Nchare Yen a soumis. De plus, le terme « Bamoun » veut dire « les gens qui marmonnent les mots » ou « Pa Mon » a l’origine, donne par les autochtones de Foumban, appeles « Njimon ». Partant de la, il est question d’etablir une chronologie de l’historicite du peuple bamoun et de demontrer sa singularity par rapport aux autres peuples. Le peuple Bamoun a evolue dans le temps et dans l’espace en mettant en reuvre une strategic de survivance qui contribue a sa renommee jusqu’a nos jours. L’ouverture democratique des annees 1990 s’est accompagnee d’une expression identitaire a caractere ethnique et regional qui pendant longtemps avait ete interdite (Mouiche, 1999 : 3). En effet, les premieres annees d'independance du Cameroun ont ete marquees par une affirmation tres prononcee du refus de la difference (Abe, 2004 :12). La politique officielle du regime d’Ahmadou Ahidjo pronait l’unite nationale pour federer les diverses forces centrifuges qui constituaient autant de risques de desagregation du jeune Etat camerounais (Saibou, 2005 ; Mouiche, 1999 : 5).

Une telle entreprise semblait d’ailleurs pertinente lorsqu’on sait que la composition socio-ethnique du Cameroun est fondamentalement marquee d’un sceau de pluralite des identites[1]. Et que si la richesse culturelle dont elle est porteuse pouvait s'apprehender comme un vecteur d'edification d'une virtuelle nation plurielle, elle pouvait tout aussi bien, et au contraire, en secreter les principales bifurcations refractaires a la construction d’une unite nationale (Zambo Belinga, 2002 : 175). Ce qui fait done qu’au nom de l'unite nationale, les Camerounais ont ete contraints de taire leurs particularismes (Abe, 2005 : 12). Ainsi, pour eviter toute revendication identitaire, le president Ahidjo va user de la technologie ethnocratique des« macro-equilibres geopolitiques » et « microdosages intra-provinciaux ou departementaux » de l’equilibre regional[2] qui ne favorisaient que les groupes majoritaires (Mouiche, 2012: 89). A cote, Ton prevoyait pour certains minoritaires, une sorte de replatrage local ou il leur etait reserve exclusivement des positions de pouvoir comme maires dans les arenes communales (Mouiche, 2012 : 90).

La conclusion de Michel Prouzet qui est encore valable de nosjours, est qu’on assiste a un regain de tribalisme : «la preeminence du facteur ethnique sur le facteur ideologique apparait clairement dans la vie politique camerounaise au stade politique de l’engagement politique des citoyens. C’est ce qui ressort en premier lieu d’un examen portant sur la situation des partis politiques au Cameroun, avant la disparition de ces derniers ou avant leur fusion dans l’U.N.C (l’Union Nationale Camerounaise) le ler Septembre 1966 ». (Prouzet: op Cit, P 41). L’ambition de cette etude, intitulee «Les chefferies traditionnelles entre tradition et modernite au Cameroun : Le cas du royaume bamoun », est de saisir, a partir de l’etude de cas du royaume bamoun, les multiples bouleversements qu’ont connus les chefferies traditionnelles par le biais de la colonisation, de la periode des independances et de la periode de democratisation des annees 1990. II s’agit de relever le caractere prismatique qui existe dans cette societe, c’est-a-dire qui decoule a la fois du modeme et du traditionnel en presentant tour a tour les aspects traditionnels et modernes que Ton rencontre au sein de la societe bamoun. De ces differentes manifestations, les traditions africaines doivent s’inserer dans le processus global de la modernite.

Notre introduction generale passera par la construction de l’objet d’etude (I), de la definition des concepts (II), de la revue de litterature (III), de la problematique (IV), de la formulation de plusieurs hypotheses de travail (V), de l’etablissement de l’interet de l’etude (VI) et des considerations methodologiques (VII), et enfin, par 1’articulation du travail (VIII).

I. Construction de l’obiet d’etude :

D’apres Pierre Bourdieu, « construire un objet scientifique, c’est, d’abord et avant tout, rompre avec le sens commun, c’est-a-dire des representations partagees par tous, qu’il s’agisse des simples lieux communs de l’existence ordinaire ou des representations officielles, souvent inscrites dans des institutions, done a la fois dans l’objectivite des representations sociales et dans les cerveaux. Le preconstruit est partout »[3]. L’objet scientifique est le fait a observer, pour saisir et rendre visibles les aspects imperceptibles de sa nature a l’reil nu. Cela suppose aussi dans une certaine mesure, soit de rompre avec certains fondements anciens, soit encore de les revisiter pour en faire une nouvelle structure. C’est dire autrement qu’il faut apprehender son essence, situer son interet, definir ses limites et sa forme, identifier ses problemes et les solutions y afferentes, pour mieux situer sa valeur.

A. Presentation du suiet:

Les institutions politiques africaines a savoir les chefferies traditionnelles ont su se perenniser et survivre face aux bouleversements de la colonisation et de l’Etat moderne africain par le biais d’un ensemble de transformations et d’adaptations. Elies font partie des institutions de l’ere coloniale et postcoloniale et sont animees aujourd’hui d’un dynamisme qui les integre a la vie politique nationale. Par ailleurs, il est clair de noter la necessite d’etablir un juste equilibre entre les traditions et coutumes locales et les mecanismes de l’Etat moderne. En d’autres termes, comme toute societe prismatique a l’instar des societes sud- americaines et asiatiques, les societes africaines ont un imperatif a tirer le meilleur a la fois de ses traditions et de la modernite. En somme, de trouver lejuste milieu entre les deux.

B. Delimitation du suiet.

Ce travail examine le royaume bamoun sur une fourchette periodique allant de I960, annee d’independance du Cameroun jusqu’en 2014 qui marque la 545 erne edition du Nguon. Ce travail a un caractere transversal, car il convoque les champs de l’anthropologie politique, de la sociologie politique, des politiques publiques. Il s’interesse aux mecanismes de preservation, de consolidation des us et coutumes face a la modernite et aux bouleversements sociopolitiques de la vie nationale. Pour plus de prudence, il nous revient de delimiter notre travail dans le temps et dans l’espace (1) d’une part et de l’autre de le circonscrire dans un domaine du vaste champ de la science politique (2).

1. Cadre spatio-temporel de l’etude ;

Terminus a quo : Notre etude sera axee sur un intervalle de temps qui va de l’independance du Cameroun en I960 a 2014, ou on assiste a la perennisation du royaume bamoun par les regies coutumieres et son ancrage dans la modernite par la celebration du Nguon. Le choix de cet intervalle chronologique est de montrer les differentes evolutions au sein du sultanat bamoun surtout lors des moments forts de la vie nationale tels que la periode des independances. Ainsi, dans la premiere moitie du XIX erne siecle, les Bamoun, sous le regne de Mbouombouo, repoussent les Fulbe venus de l’Adamaoua, guerroient et portent leurs frontieres au Noun et au Mbam, absorbant un effectif de population plus eleve que le leur. Le royaume s’etendit ainsi, atteignant la taille qu’il conservera dans toute la suite de son histoire[4]. Le royaume bamoun garde les memes frontieres avec le departement du Noun qui le remplace administrativement et couvre une superficie de 7687 km[2]. Sa caracteristique majeure demeure son unite linguistique, fruit d’un long effort d’integration mene par ses differents rois. Pour cette raison, tout Bamoun est considere d’abord comme un Foumbanais, la ville de Foumban ayantjoue un role enorme dans l’unification de ce peuple[5]. L’islam y est la religion dominante ou on retrouve 80°/° de musulmans, 13°/° de chretiens, protestants notamment et 7°/° d’animistes (Njiasse -Njoya : Naissance et evolution de la religion islamique dans le Royaume Bamoun, these de 3e cycle en Histoire, Paris I, 1981, p.467).

Terminus ad quem : Notre etude se fera principalement dans la ville de Foumban, chef-lieu du departement du Noun. Situe dans la region de l’Ouest dont il couvre les 55, 35% du territoire, le Noun est Fun des 58 departements du Cameroun. Dans son organisation interne, le Departement du Noun compte depuis le mois d’Avril 2007, 9 arrondissements : Foumban, Foumbot, Magba, Malantouen, Massangam, Koutaba, Njimom, Kouoptamo et Bangourain. II est vaste de 7 687 Km[2] et partage ses frontieres avec cinq autres departements de la Republique:

- Le Mayo Banyo au Nord ;
- Le Mbui et le Ngoketunja, le Bamboutos, la Mifi et Khoung-khi a l’Ouest;
- Le Mbam et Nkim et le Nde a l’Est et Sud.

La population du Noun est d’origine semi-bantou et est constitute par deux groupes ethniques :
-Les Bamoun installes sur la rive gauche du fleuve Noun representant environ les 80 °/° de la population totale.
-Les Tikar estimes a pres de 15 °/° sont situes sur la rive gauche de la riviere Mvi dans l’arrondissement de Magba.
-Les autres camerounais, africains et europeens represented les 5 °/° restants. (Source : Rapport economique du departement du Noun, exercice 1986 - 1978, p.2).

Du reste, le departement du Noun est aussi une mosai'que de chefferies traditionnelles. L’on y denombre une chefferie de ler degre portee par le sultanat bamoun, 17 chefferies de 2 erne degre dont les territoires constituent des groupements, 166 chefferies de 3eme degre epousant les contours des villages et des multiples chefferies autonomes. Les differents chefs traditionnels sont des auxiliaires de 1’administration[6]. Le choix de cet espace renvoie a la necessite de mieux connaitre l’organisation du royaume bamoun et son interaction avec les autorites politico - administratives.

2. Cadre materiel de l’etude :

Cette recherche s’inscrit dans le champ disciplinaire de l’anthropologie politique et de la sociologie car il est question globalement d’observer les chefferies traditionnelles dans un contexte d’adaptation a la vie modeme. Les chefferies traditionnelles participent a la perennisation des traditions et coutumes dans un contexte ou la mondialisation amene a une erosion des valeurs traditionnelles. Selon Madeleine Grawitz, la sociologie politique serait le « produit d’une hybridation lorsque la sociologie et la science politique seront a egalite »[7]. Raymond Aronjustifiera le choix du substantif en affirmant: « on pourrait dire que la science politique, consideree globalement, se confond avec la sociologie politique ; elle est le chapitre politique de la sociologie »[8]. Partant de la conception de Jean Thoenig, une politique publique est un concept de science politique qui designe les «interventions d’une autorite investie de puissance publique et de legitimite gouvemementale sur un domaine specifique de la societe ou du territoire »[9]. La sociologie politique utilise ce concept afin d’analyser l’ensemble de ces interventions dans les differentes etapes de leur mise en reuvre, aussi bien dans leur genese ou au travers de leurs consequences : il est alors question de « sociologie de faction publique ».

Dans ce contexte, l’Etat s’integre a un enchevetrement de structures nationales, sociales et locales parmi lesquelles les chefferies traditionnelles. On observerait ainsi une perte du pouvoir coercitif de l’Etat au profit d’une capacite renforcee a la regulation et a la mobilisation des acteurs et des ressources[10] [11]. Certains evoquent a ce sujet le passage d’une logique de gouvernement, caracterisee par une organisation pyramidale et hierarchisee, a une logique de gouvemance, ou les acteurs se coordonnent et s’organisent en vue de buts negocies collectivement plus que du fait d’objectifs imposes par une hierarchie centralisee. C’est le cas de la chefferie traditionnelle qui assure la transmission des missions et des projets du gouvernement aux populations locales et elle permet en meme temps, aux pouvoirs publics d’avoir connaissance des doleances de ces demieres.

C. Limitation dans le suiet:

Pour Georges Balandier, la necessite d’une delimitation procede d’un imperatif scientifique de constitution d’un bouclier contre «le danger de suivre les generalites de premier aspect, car (...) on generalise ses premieres remarques l’instant d’apres qu’on ne remarque rien »[12]. Une connaissance generate provoque par « Knock effect», la survenance d’un obstacle epistemologique nouveau, ce qui resume ce que Bachelard appelle « bipolarite des erreurs ou dialectique des erreurs ». Cette connaissance generate, si elle caracterise l’esprit prescientifique, c’est surtout et parce que, la « pensee prescientifique ne limite pas son objet: a peine a-t-elle acheve une experience particuliere qu’elle cherche a la generaliser dans les domaines les plus varies ». D’ou l’imperatif qui nous incombe d’une delimitation de notre sujet. Les chefferies traditionnelles, presentees comme des institutions de preservation des valeurs ancestrales couvrent de larges domaines qui ne peuvent pretendre a une analyse exhaustive dans le cadre de la presente reflexion. Nous sommes convaincus que, pour une meilleure intelligibility de l’analyse, il nous faut ressortir que la specificite de ce theme se rapporte aux interactions entre les chefferies traditionnelles et le pouvoir politique, des rapports d’alliance qui existent entre eux.

A cet effet, il convient de parler d’une sorte de cooperation decentralisee qui permet aux structures traditionnelles de tirer des dividendes politiques et sociales de l’Etat et des organismes internationaux et pour l’Etat et ses partenaires etrangers, de trouver des allies dans la concretisation de leurs projets respectifs.

Cette exigence de circonspection tient a une preoccupation de delimitation de l’objet d’etude. Ceci se justifie par le fait que toute analyse qui occulte la precision, ou « qui n’est pas donnee avec ses conditions de determination precise n’est pas une connaissance scientifique ». C’est done pour cette raison que, selon pour Madeleine Grawitz, tout savoir qui se veut scientifique et done specifique, doit avoir des concepts « construits de faqon rigoureuse »[13], dans «la proportion ou il est devenu technique, ou il est accompagne d’une technique realisable »[14] ; dans ce cas, il semble done adequat pour l’objet d’etude. De cette delimitation du sujet, se pose la rigueur synthetique et reelle d’un etat de la question.

II- DEFINITIONS DES CONCEPTS ;

En science, un concept est une idee plus ou moins abstraite et un symbole qui designe ou represente une realite plus ou moins vaste (Tremblay, 2005 : 72). Pour un concept, Ton peut avoir plusieurs significations et plusieurs representations abstraites ou symboliques. En effet, definir un concept c’est delimiter sa signification par rapport au travail de recherche. C’est dire ce qu’il est et ce qu’il n’est pas. Il s’agit ici de lever l’equivoque dudit concept quant a certains termes voisins (Gagnon et Hebert, 2000 : 145). C’est done une operation salutaire de la recherche. Selon Madeleine Grawitz, le concept doit etre defini rigoureusement. « C’est une representation mentale universelle et abstraite, obtenue en retenant les aspects essentiels de l’objet. La definition est la delimitation par ses caracteristiques du domaine de la recherche »[15]. Pour Marcel Mauss, elle consiste « seulement a engager la recherche, a determiner les choses, a etudier sans anticiper sur les resultats de T etude ». Le sociologue Emile Durkheim s’inscrit dans la meme logique en affirmant que : « la premiere demarche du sociologue doit etre de definir les choses dont il traite afin que l’on sache bien de quoi il est question. C’est la premiere et la plus indispensable qu’est constitue l’objet meme de la science, celui-ci sera une chose ou non, suivant la maniere que cette definition sera faite ».[16]

Dans le cadre de notre etude, trois concepts doivent etre imperativement clarifies dans le cadre de cette analyse a savoir les chefferies traditionnelles (A-), la tradition (B-) et la modemite (C-).

A- Les chefferies traditionnelles :

Le Cameroun compte pas moins de 200 ethnies aux coutumes differentes les unes des autres. Ces ethnies sont regroupees en une structure de base qui est la « communaute villageoise »[17] correspondant dans la realite camerounaise a la chefferie traditionnelle. On ne peut parler de « chefferies » africaines sans admettre d'abord d'une part, que cette expression recouvre des realites sociopolitiques extremement diversifies, et d'autre part, que les formes du pouvoir politique qu'elles caracterisent sont rarement figees mais, au contraire, subissent des contraintes historiques, demographies ou simplement ecologiques qui font d'elles un centre privilegie du dynamisme social. Si elle est devenue tout a fait commune, cette expression a pour origine une attitude coloniale qui envisageait l'« autre » dans le halo de l'exotisme et qui visait a batir l'administration des territoires et des hommes. Les autorites traditionnelles peuvent etre definies comme «tout individu ou groupe d’individus qui detenaient et exerqaient le pouvoir politique avant la conquete coloniale ainsi que les individus qui furent investis par cette derniere de certaines competences analogues a celles qui etaient detenus par les gouvernants de la periode precoloniale a laquelle sont venus s’ajouter artificiellement certains elements nouveaux en vertu de la volonte des autorites coloniales ». (Gonidec cite par J.P Pabamel in Les coups d’Etat militaires en Afrique noire, Paris, L’Harmattan).

Le professeur Fogue etablira meme la typologie suivante :

-Les chefs traditionnels : dirigeants de la periode precoloniale maintenus sous la colonisation tel le Sultan du Noun.
-Les dignitaires traditionnels : fils, filles, freres, sreurs du chef, collaborateurs directs.
-Les chefs administrates : ils ont ete crees grace l’administration mais peu a peu ils ont acquis une legitimite propre si bien qu’aujourd’hui les considere comme de veritables chefs traditionnels (contrairement a ce que pense M. Fogue, les chefs administratifs n’avaient pas ete crees seulement dans les societes lignageres). C’est le cas des chefs superieurs dans le Noun ainsi que des chefs de village.
-Les anciens evolues ou intellectuels : ce sont ceux qui ont acquis une place de leader dans leur societe parce qu’ils etaient les premiers a etre scolarises. Seul feu Ngapna Paul Salvador en tant qu’agent des services civils et financiers et maire de Foumbot en I960 en etait la seule illustration a cette epoque.
-Enfin les notables. Ils sont nommes par le chef pour leurs fortunes et leur sagesse. Cette prerogative permet au chef d’honorer ceux qui ont socialement reussi mais egalement de les presenter aux yeux des populations comme des exemples a suivre. Cette prerogative de consecration traditionnelle des leaders locaux est du seul ressort du pouvoir du Sultan (Mouiche in Le pouvoir traditionnel (Les autorites traditionnelles ?) dans la vie politique modeme au Cameroun : le cas de l’organisation municipale du Noun :PP18- 20).

Dans le cadre de notre etude, la chefferie traditionnelle doit etre vue comme une entite politique et administrative sur un territoire limite et qui est issue de la periode coloniale. Dans ce sens, elle doit etre consideree en tant qu’auxiliaire de l’administration coloniale mais aussi postcoloniale. Invente par les pouvoirs coloniaux pour qualifier les formes d’organisation politique qu’ils ont trouvees sur place, le mot « chefferie » est devenu un mot courant du langage politico-administratif actuel[18]. Les transformations induites par l’administration coloniale se traduisent par l’etablissement de nouvelles relations d’allegeance. II s’agissait surtout de construire progressivement des liens hierarchiques entre chefferie et administration coloniale. L’une des manifestations de ces relations est, pour le colonisateur, de s’arroger le pouvoir de nommer les chefs, celui de creer les chefferies, et celui de les classer[19]. Pour Prouzet, les autorites camerounaises vont done essayer de preserver les chefferies tout en essayant de les adapter a 1’evolution de la societe a cause des services que celles-ci pouvaient leur rendre. (Prouzet, p.88).

B- La tradition :

La tradition designe la transmission continue d’un contenu culturel a travers l’histoire depuis un evenement fondateur ou un passe immemorial (du latin «traditio » « tradere », « de trans » qui signifie « a travers » et de « dare » qui veut dire « donner », « faire passer a un autre, remettre »)[20]. En d’autres termes, e’est la transmission orale et /ou ecrite de generation en generation, de faits plus ou moins authentiques ou legendaires, d’opinions, d’usages a des epoques precedentes. La tradition a l’origine du mot a un sens religieux. Puis, selon Dominique Wolton, dans le domaine de la connaissance, des mreurs, des arts, etc., e’est « une maniere, ou un ensemble de manieres, de penser, de faire ou d’agir, qui est un heritage du passe »[21]. Dans son sens absolu, la tradition est un memoire et un projet, en un mot une conscience collective : le souvenir de ce qui a ete, avec le devoir de le transmettre et de l’enrichir. Dans le langage courant, le mot «tradition » est parfois employe pour designer un usage voire une habitude, consacre par une pratique prolongee au sein d’un groupe social meme restreint. Une tradition en sociologie, est une coutume ou une habitude qui est memorisee et transmise de generation en generation, a l’origine sans besoin d’un systeme ecrit. Les outils pour aider a ce processus incluent des elements de poesie comme la rime et l’alliteration.

Des histoires sont baties pour une ritualisation de la pensee autour d’une maniere de faire et de ses accessoires, desormais fortement relayees par la publicite et les lois. La tradition dans le cadre de cette etude doit done etre vue comme une permanence du passe dans le present et son etude comme la « recherche d'une causalite que la chronologie exprimerait ».[22] Cette definition rejoint done la thematique des theses coloniales qui voit les chefferies traditionnelles comme des alliees dans la mise en application des decisions prises par le pouvoir central. Elle rejoint egalement la logique de Mateme Pandoue qui considere la tradition comme une transmission continue d’un contenu culturel a travers l’histoire depuis un evenement fondateur ou un passe immemorial (du latin «traditio » «tradere », « de trans » qui signifie « a travers » et de « dare » qui veut dire « donner », « faire passer a un autre, remettre »)[23]. II est important de souligner que, souvent, la tradition est associee au conservatisme dans la mesure ou elle consiste a preserver dans le temps certaines valeurs. En ce sens, tout ce qui n’est pas traditionnel peut etre perqu comme quelque chose d’etrange ou non conventionnel. Cependant, les sociologues signalent que la tradition doit etre en mesure de se renover et de se moderniser afin de preserver sa valeur et son utilite. Autrement dit, une tradition peut acquerir de nouvelles expressions sans perdre pour autant son essence[24].

C- La modernite :

La modernite est un mode de civilisation caracteristique, qui s'oppose au mode de la tradition, c'est-a-dire a toutes les autres cultures anterieures ou traditionnelles. Face a la diversite geographique et symbolique de celles-ci, la modernite s'impose comme une, homogene, irradiant mondialement a partir de l'Occident. Pourtant elle demeure une notion confuse, qui connote globalement toute une evolution historique et un changement de mentalite. Dans le cadre de la modernite, Gabriel Almond est l'auteur de nombreux articles et ouvrages scientifiques, et, en particulier, le coauteur d'un ouvrage tout a fait revolutionnaire, « The Civic Culture » (1963). Avec Sidney Verba, il distingue les cultures politiques au sein desquelles les citoyens prennent part aux affaires publiques de celles ou ils se tiennent ou sont tenus a distance ; il analyse le rapport entre la participation des citoyens et leurs attitudes envers leur systeme politique. Selon lui, pour qu'une nation ait un systeme stable, il est necessaire que ses institutions coincident avec sa culture politique. Il s’agit d’une enquete par sondage, menee entre 1958 et 1962 simultanement dans cinq pays differents (Etats-Unis, Royaume Uni, Mexique, RFA, Italie) et qui a pour ambition d’identifier les fondements culturels de la democratie.

Ils cherchent a comprendre pourquoi le systeme democratique a mieux resiste au cours du XXe siecle dans certains pays (Etats-Unis, Royaume Uni) que dans d’autres (Allemagne, Italie). L’etude a ete revue et reactualisee par les auteurs en 1980, « The Civic Culture

Revisited : an analytic study ». Selon ces auteurs, la culture est un ensemble de savoirs, de perceptions, devaluations, d’attitudes et processus politiques qui permettent aux citoyens d’ordonner et d’interpreter les institutions et processus politiques ainsi que leurs propres relations avec ces institutions et processus.

Les auteurs distinguent trois grands types de culture politique : la culture paroissiale, la culture de sujetion, la culture de participation.

-La culture paroissiale (~ esprit de clocher) est celle d’individus peu sensibles au systeme politique global, a l’ensemble national. Ce trait marque souvent de nouveaux Etats qui rassemblent des collectivites heterogenes. La culture politique est alors fragmentee en sous- cultures que l’on trouve aussi dans des nations anciennement constitutes (ex. : Bretagne, Corse, Alsace, Pays Basque...) ; mais l’horizon politique des individus ne se limite pas seulement a ce cadre local.
-La culture de sujetion implique une connaissance du systeme politique global associe a des attitudes de passivite a son egard — le systeme politique est ressenti comme exterieur et superieur, source de bienfaits (prestations, services...) et de risques (sanctions, repressions...).
-La culture de participation implique non seulement une certaine connaissance et adhesion au systeme politique mais de surcroit des attitudes d’engagement dans le fonctionnement de ce systeme, par la participation politique (elections, manifestations, petitions, etc.).

Les auteurs soulignent l’adequation entre ces types de culture politique et des types de structures politiques : la culture paroissiale est en harmonie avec une structure politique traditionnelle decentralisee (ex. : Ancien Regime). Tandis que la culture de sujetion correspond bien a une structure politique centralisee et autoritaire et enfin, la culture de participation s’accorde mieux a une structure democratique.

A cela s’ajoute la participation politique qui est un concept compose de deux termes a savoir « participation » et « politique ». Ainsi, la participation designe l’implication structurelle des individus dans le cadre d’une concertation pour la prise de decision affectant la communaute ou 1'organisation dont ils font partie (Lefebvre, 2014 : 24). Le terme politique quant a lui vient du grec « polis » et designe a l’origine, la gestion des affaires de la cite. Cependant, la ou le franqais utilise une seule expression pour designer cette realite de gestion de la societe, l’anglo-saxon distingue trois variantes du terme politique dont «polity» (organisation sociale), «Policy» (programme ou action politique) et «politic » (champ politique) (Dormagen et Mouchard, 2008 : 13). Dans un souci de precision, notre definition se fera sur la base de«politic», entendu comme le champ politique caracterise par lacompetition des acteurs pour le pouvoir. Pour des auteurs tels que Denni, Lecomte et Milbrath, la participation politique est l’ensemble des activites par lesquelles les citoyens sont habilites a entrer en contact avec l’univers sacre du pouvoir, pour exprimer leur volonte sur des questions concernant l’avenir du groupe, toujours de faqon superficielle ou ephemere et en respectant certaines contraintes rituelles et conventionnelles (Denni et Lecomte, 1992 : 18).

II s’agit ici d’un ensemble d’activites que le citoyen mene ou que Ton fait mener au citoyen pour exprimer son degre d’engagement face au systeme politique et en fonction de son niveau d’engagement (Milbrath, 1965 : 18). Cette definition a done le merite de nous aider a comprendre que la participation politique suppose une interaction entre les differents acteurs du champ politique. De plus, cette definition met en exergue les dimensions de la participation politique conventionnelle telles que l’activisme electoral et partisan, Imposition aux flux de communication politique, le contact politique, l’activisme et l’apathie politique. Pour Russel Dalton, la participation politique designe l’ensemble des activites par lesquelles les gouvemes peuvent collectivement ou individuellement prendre part aux activites politiques de maniere plus ou moins efficaces et selon les procedures plus ou moins institutionnalisees. La participation politique consiste en des activites, organisees ou non, individuelles ou collectives, qui visent a influencer le choix des gouvernants et l’administration des affaires publiques, a tous les niveaux du gouvemement. Cette participation peut s’inscrire tout aussi bien dans le cadre institutionnel legalement etabli qu’en dehors de celle-ci. Elle peut prendre diverses formes : soutiens au systeme politique, expressions d’exigences et protestations[25].

Dans tous les cas, la participation politique apparait comme la mobilisation d’individus ou de groupes d’individus unis par une revendication commune, au-dela des attentes personnelles de chacun d’eux. Ici, l’auteur permet de distinguer la participation politique conventionnelle et celle non-conventionnelle. En effet dans l’optique de la participation politique, les partis politiques sont souvent definis comme des organisations durables et structures qui permettent d’integrer toutes les couches sociales dans le jeu politique, de trancher les conflits sociaux, exercer le pouvoir par le biais des umes, a travers des representants investis et des programmes politiques qui donneront la possibility a tout citoyen d’exprimer son suffrage (Schemed, 2012 : 418-423).

Dans le cadre de notre etude, la modernite designe une prise de conscience nouvelle marquee par un autre rapport au temps, et un besoin de reflexivite jusqu’alors accrue et inconnue de meme que la naissance d’un regard nouveau sur le monde, un ebranlement historique et culturel d’une tres grande ampleur et partage le sens de Max Weber qui voit en la modernite, un ideal - type, une construction theorique qui tente de correspondre a une realite empirique historique. Elle rejoint egalement l’acception de Michel Freitag qui considere la modernite comme « un mode de reproduction de la societe fonde sur la dimension politique et institutionnelle de ses mecanismes de regulation, par opposition a la tradition, dans laquelle la reproduction d’ensemble et le sens des actions executees est regule par des dimensions culturelles et symboliques particulieres ».

III. REVUE DE LITTERATURE :

Encore appelee « histoire du probleme », « fondement theorique de la recherche », « analyse de source », ou « recension critique des etudes et travaux anterieurs », la revue de la litterature est une phase au cours de laquelle Ton fait le point et l’etat actuel des connaissances sur le sujet de recherche choisi par le chercheur (N'da, 2007 : 109). II s’agit ici de recenser les travaux publies non pas dans l’optique d’une « gloutonnerie livresque »[26], mais dans une perspective de disposer des informations sur les etudes theoriques et methodologiques qui se situent dans le champ de la problematique construite par le chercheur. Comme l’affirmait Pierre N’da, la revue de la litterature a done l’avantage de permettre au chercheur d’apprecier toutes les publications, de mieux percevoir son propre sujet et d’en avoir une vision d’ensemble plus nette. Le but ici est de decouvrir les aspects qui ont deja ete abordes et les aspects negliges ou tout simplement ignores (N’da, 2007 : 109). Aussi, le role est de degager d’une part les themes majeurs identifies chez les auteurs et d’autre part, de relier ces themes aux differentes dimensions de la question de recherche et a son contenu global (Assie et Kouassi, 2008 : 26). En d’autres termes, la revue de litterature renvoie a une sorte d’evaluation, qui permet de faire le point sur ce qui a ete dit, ou ecrit sur le sujet.

Au nombre des travaux qui ne partagent pas toujours notre point de vue, e’est - a- dire que la chefferie traditionnelle est dans une dynamique permanente entre la tradition et la modernite, ceux de Charles Nach Mback[27] semblent pertinents et traduisent la complexity de veritablement saisir les chefferies traditionnelles dans l’ere de la modernite. Pour l’essentiel, il pense que la chefferie traditionnelle semble ne s'etre jamais remise du traumatisme ne de son contact avec les premiers colonisateurs europeens. L'Etat post colonial a reconduit sans solution de continuity le regime d'emasculation de l'autorite traditionnelle mis en place par la colonisation. La chefferie elle-meme en tant que collectivite humaine est tantot diluee dans les collectivites locales, tantot assimilee aux circonscriptions administratives existantes. II en resulte done un flou vis-a-vis de son statut juridique et de sa position sur l’echiquier politique national. II y a egalement l’ouvrage d’Evariste Fopoussi Fotso[28] qui va dans le meme sens puisque juridiquement, les chefferies sont aujourd’hui une courroie de transmission entre les autorites administratives et leurs communautes. Mais il affirme aussi que nos chefferies sont affaiblies et depassees par les evolutions de la societe, qu'elles sont steriles face a " la necessity de batir un Etat modeme, democratique et uni, et qu'elles n'offrent plus a notre jeunesse de vrais reves d'avenir

Cette position doit etre relativisee dans la mesure ou plusieurs auteurs voient la chefferie traditionnelle comme dynamique et ancree dans la modernite sans toutefois renier ses valeurs ancestrales. C’est ce qu’on note dans les travaux de Claude - Helene Perrot et Franqois - Xavier Fauvelle - Aymar[29] qui posent la problematique des rapports entre deux modeles de regulation politique et sociale, a savoir le modele endogene (traditionnel) et le modele exogene (moderne) impose par les autorites coloniales et postcoloniales. Ils ont egalement mis en exergue les ambigui'tes de cette problematique, ou l’on perqoit certes une confrontation, mais avec des strategies d’adaptation, dans une dialectique de rapports qui oscillent de la rivalite a la soumission en passant par l’instrumentalisation. Celle-ci n’est pas toujours univoque, les rois et chefs africains ayant su, a l’occasion, faire montre de capacites de manipulation. Plusieurs contributions de cet ouvrage collectif ont porte l’eclairage sur les annees 1989-1991, marquees par le «renouveau democratique» qui a permis le developpement du multipartisme et du clientelisme qui offrent une marge de manreuvre aux chefs et rois interesses ajouer un role politique. Le contexte democratique, dans de nombreux cas, conduit a la rehabilitation des structures traditionnelles qui, paradoxalement, s’impliquent 9a et la dans des projets de developpement et de modernisation.

L’ONG Africa Cultures International Institute au Benin est citee en exemple comme structure ayant imprime sa marque, en se positionnant comme partenaire incontoumable, dans le cadre des politiques de decentralisation amorcees dans ce pays comme dans beaucoup d’autres. Ce probleme des modes d’insertion des anciennes unites historiques dans des Etats- nations souvent deliquescents, est perqu comme un « neo-traditionalisme » qui s’inscrit dans une logique entrepreneuriale et d’encadrement social. Ce sont la autant de signes de revitalisation d’une institution qui a pu resister a l’adversite en s’adaptant, en pliant sans rompre, a quelques exceptions pres, comme la Guinee Conakry ou la chefferie traditionnelle fut supprimee des 1957, sans perspective de renaissance jusqu’en 1984. C’est aussi le cas d’Evariste Fopoussi Fotso[30], qui considere la chefferie traditionnelle comme fun des rares poles de resistance des valeurs civilisationnelles africaines aux pretentions hegemoniques de l'Occident telles que le colonisateur et ses suppots contemporains essaient de nous imposer. Cela provient de la solidite de ses fondements philosophiques et institutionnels, de sa proximite avec le peuple, de son fonctionnement globalement en conformite avec les principes elementaires de la democratic.

Apprehendee sous un angle purement institutionnel, la chefferie traditionnelle apparait en fin de compte comme l'expression par excellence de la vision africaine d'un pouvoir que l'on qualifie en Occident de democratique, parce qu'elle combine harmonieusement la sacralisation de l'autorite et la recherche permanente de la legitimation populaire. A cet effet, elle associe fondamentalement les populations a l'exercice du pouvoir, ce qui, a posteriori, explique leur attachement actuel. Ce qui est loin d'etre le cas du pouvoir politique soit disant modeme marque depuis l'independance par le sceau de l'illegitimite. II faut dans la meme veine souligner l’importance donnee a la reflexion de Georges Balandier[31], qui temoigne de la richesse autrefois soupqonnee et maintenant reconnue des chefferies traditionnelles. Le systeme politique traditionnel apparait ainsi comme affecte par les tensions et les conflits, comme toujours agissant malgre les vicissitudes subies. II oriente, pour une part et partout, la vie politique moderne. Ses incidences peuvent aussi etre saisies a un autre niveau. Les responsables des nouvelles nations africaines n'ont pu imposer, par contrainte et d'un coup, une philosophic et des organisations politiques totalement etrangeres ; en quelque sorte importees. Ils ont du effectuer un travail d'adaptation et de « traduction » en recourant a l'equipement politique traditionnel.

Le parti politique obeit a cette exigence, au point de n'exprimer parfois que des rapports de force entre groupes ethniques - ainsi que le manifeste d'une faqon presque caricaturale le Congo-Leopoldville. Le personnage du leader se modele souvent sur les types d'autorite que recelait l'ordre ancien : celui du souverain qui ordonne en accord avec les dieux et les ancetres, celui du prophete ou du messie qui annonce et provoque les temps nouveaux. Enfin, lorsqu'il s'agit de vulgariser l'ideologie, de diffuser les symboles a signification politique, d'organiser le rituel de la « religion politique », la reference a certains modeles traditionnels opere egalement. Et cela, meme dans les pays ou les gouvernements ont provoque l'elimination ou l'abaissement des chefs de vieux style. Ces indications sommaires visent a suggerer le jeu des relations entre traditionalisme et modemisme. On ne peut tracer une frontiere, separer l'anthropologie politique (qui semble plus tournee vers le passe) de la sociologie politique (qui parait plus orientee vers les expressions actuelles de la vie politique). Toutes deux abordent, par des acces differents, les memes phenomenes, si complexes que l'intervention conjuguee des deux disciplines reste necessaire.

Cette partie consacree aux positions favorables de l’ancrage de la chefferie traditionnelle a la fois dans la tradition et la modernite est celle que nous partageons. D’ailleurs, c’est done dans ce sens que s’oriente ce travail, e’est - a - dire, d’illustrer la place primordiale de la chefferie traditionnelle dans l’Etat postcolonial moderne. A ce sujet, il faut relever la synthese en termes de conclusion de l’ouvrage d’Evariste Fopoussi Fotso[32] qui dit que la chefferie traditionnelle n'est pas a bruler ; elle devra etre repensee et reinventee dans son energie comme dynamique ou l'Afrique peut relire son passe, construire son present et imaginer son futur. Elle est encore un ferment d'avenir dont il depend de nos chefs de redynamiser la vitalite. Il etait question pour lui de montrer que grace a la memoire vitale, les chefferies peuvent encore malgre les derives et les trahisons, proposer un projet de nouvelle humanite a notre jeunesse et au monde a partir des valeurs et des richesses qui fondent la vision africaine du monde. En effet, le systeme du pouvoir et d'autorite que representent nos chefs n'est pas une vieille institution sterile et desuete. Nous deplorons qu’il n’ait donne qu’une prescription theorique sur la maniere de rendre plus dynamique la chefferie traditionnelle. C’est comme si resoudre le probleme de celle - ci ne necessiterait pas une approche plus pragmatique et realiste notamment sur son statutjuridique. Or, ce floujuridique rend plus complexe l’orientation a lui donner et l’enferme dans une eternelle soumission a l’Etat.

Nous observons aussi dans ses travaux une absence de prise en compte de nouveaux acteurs qui ont un pied dans les deux mondes. Ce sont entre autres les fonctionnaires (les cadres, comme on dit en Cote d’Ivoire) qui animent les associations de ressortissants residant en ville. Cette troisieme force se hisse parfois au premier plan, reussissant a eclipser les personnages royaux, notamment en decidant de l’organisation des fetes traditionnelles: ainsi en Zambie l’association culturelle Kazanga, usurpe la vedette au moment du festival annuel des Nkoya et tend a releguer les chefs, dont pourtant les ancetres sont mis en vedette, au rang de personnages folkloriques[33].

C’est suite a tous ces manquements observes dans l’ensemble que s’inscrit l’originalite de notre modeste travail qui consiste, a partir de l’anthropologie et de la sociologie politique, de mesurer l’impact de la modernite sur les institutions ancestrales que sont les chefferies traditionnelles, d’etablir les differentes modifications qu’elles ont subies au cours des siecles. La sociologie est d’une aide precieuse pour mieux comprendre et expliquer l’impact de la dimension sociale sur les representations (faqons de penser) et les comportements (faqons d’agir) humains. Emile Durkheim a propos de la sociologie use d’un paradigme holistique (du grec holos : qui forme un tout). Pour lui et ceux qui se reclament de son heritage, la societe est un holon, un tout qui est superieur a la somme de ses parties, elle preexiste a l’individu et les individus sont gouvemes par elle. Dans ce cadre, la societe englobe les individus et la conscience individuelle n'est vue que comme un fragment de la conscience collective. La sociologie politique, pour sa part, etudie les citoyens dans leurs rapports avec l'Etat et ses institutions. II s'agit aussi, d'une faqon plus generate, d'analyser tout ce qui concerne et fonde les relations de domination entre les personnes et les groupes humains. La discipline repond ainsi aux rapports sociaux a caractere politique, en particulier les ideologies et les forces politiques tels que les partis.

Selon ce point de vue, l'objet des recherches sociologiques est le fait social, qu'il faut traiter comme une chose, sa cause devant etre cherchee dans des faits sociaux anterieurs. Le fait social, qui fait l'objet d'une institutionnalisation, est exterieur a l’individu et exerce une contrainte sur ce dernier. Les individus sont done encadres dans des institutions, elles-memes inserees dans des structures homologues les unes par rapport aux autres. La sociologie est alors la science des invariants institutionnels dans lesquels se situent les phenomenes observables. Marcel Mauss imprimera une inflexion significative a cette doctrine en arguant de la necessite de decrire completement et dans leur totalite les formes dans lesquelles le phenomene apparait pour reveler leur secret. Analyser le concret interdit de negliger la sensibilite au vecu. Plus recent mais certainement porteur, Jean Baechler a developpe un paradigme entre l'histoire et la sociologie, une methode qui reprend certains axes des etudes simmeliennes, et qui se pose sur les fondements des critiques de la raison historique recensees par Raymond Aron pour rendre compte du devenir des phenomenes sociaux macroscopiques[34].

Quant a l'anthropologie, e’est la branche des sciences qui etudie l'etre humain sous tous ses aspects, a la fois physiques (anatomiques, morphologiques, physiologiques, evolutifs, etc.) et culturels (socioreligieux, psychologies, geographiques, etc.). Elle tend a definir l'humanite en faisant une synthese des differentes sciences humaines et naturelles. Le terme anthropologie vient de deux mots grecs, anthropos, qui signifie « homme » (au sens generique), et logos, qui signifie parole, discours. Cette discipline vise particulierement les faits specifiques a l'humain par rapport aux autres animaux (faits anthropologiques comme homo ou anthropos) : langages articules et figuratifs, rites funeraires, politiques ou magiques, arts, religions, coutumes, parente, habitats, techniques corporelles, instrumentales, de memorisation, de numeration, de representations spatiales et temporelles, etc. Elle s’appuie notamment sur l’etude comparative des differentes societes et ethnies decrites par l'ethnologie, et envisage l'unicite de l'esprit humain a travers la diversite culturelle.

Sans pretendre a l’exhaustivite et a l’exclusivite, nous voulons orienter notre modeste analyse a travers ces deux positions theoriques a savoir l’anthropologie et la sociologie politique dans la mise en exergue des avantages de la conservation des chefferies traditionnelles qui sont des remparts contre les affres de la mondialisation. Ce qui nous suggere la formulation de la problematique qui suit.

IV. PROBLEMATIOUE ;

La problematique est un questionnement aboutissant a un ensemble de problemes dont les elements sont lies. Dans un memoire de fin d’etude, la problematique est la question a laquelle l’etudiant va tacher de repondre. En fin de demarche, elle synthetise et presente le cadre et les orientations du travail de recherche. Pour Quivy et Campenhoudt, «la problematique est l’approche ou la perspective theorique qu’on decide d’adopter pour traiter le probleme pose par la question de depart. Elle est une maniere d’interroger les phenomenes etudies. Elle constitue une etape charniere de la recherche, entre la rupture et la construction »[35]. C’est en quelque sorte un ecart ou un manque a combler dans le domaine de la connaissance entre ce que nous savons et ce que nous devrions ou desirons savoir sur le reel (Chevrier, 2003 : 53-54). Partant de ces considerations qui precedent, la problematique apparait etre une etape-charniere de la recherche situee entre la rupture et la construction (Fortin, 1996 : 51). Car c’est elle qui permet de constater l’ecart entre une situation de depart insatisfaisante et une situation d’arrivee desirable (Mace et Petry, 2000 : 24). Pour y parvenir, il faudra dans un premier temps exploiter les lectures et faire le point sur les differents aspects du probleme qui y sont mis en evidence afin de mieux mediter comme personne n’a encore medite sur ce que tout le monde a devant les yeux (Quivy et Campenhoudt, 1995 : 85-86).

Les chefferies traditionnelles au cours des siecles ont du se transformer pour pouvoir encore exister de nosjours. Ces transformations ont eu lieu dans tous les domaines et ont conduit a une certaine hybridation de la societe traditionnelle actuelle. Elle use des attributs a la fois de la tradition et de la modernite pour en faire un savant melange syncretique. Partant de la, le questionnement sur ces diverses transformations aura lieu et traduira la complexity d’une definition claire et transversale des chefferies traditionnelles.

Par ailleurs, au vu des transactions politiques dont elles font parfois l’objet surtout en temps electoral, il nous semble que la place des chefferies traditionnelles doit etre revue en meilleure estime puisque elles sont devancieres en matiere de democratic. Cependant, il faut reconnaitre que celles - ci subissent aussi les tourments de la corruption et du clientelisme.

La question principale est de savoir comment le royaume bamoun a-t-il su s’adapter pour la sauvegarde des coutumes locales ?

La premiere question secondaire est la suivante : par quels mecanismes traditionnels et ancestraux, le royaume bamoun a-t-il su se maintenir, se preserver face aux aleas de la modernite ? La seconde question secondaire s’interroge sur le fait de savoir : comment le royaume bamoun a pu s’approprier les mecanismes de l’Etat modeme ?

V. HYPOTHESES ;

Les hypotheses sont des suppositions qui emergent du constat de limites. Pour Madeleine Grawitz, « elles sont en quelque sorte des propositions a la question posee d’avance, celles - ci suggerent toujours les procedures de recherche »[36]. Dans tout travail de recherche, l’hypothese est une proposition portant sur un rapport entre un ensemble de concepts particuliers dont on n’est pas sur de la veracite ou de la faussete, mais au sujet de laquelle on croit que les faits pourront etablir soit la vraisemblance, soit la tartuferie (Gauthier, 2009 : 519). Autrement dit, l’hypothese est un mode de raisonnement qui part d’une affirmation, d’un a priori ou d’une proposition qu’il s’agira par la suite de confirmer ou d’infirmer (Deshaie, 1992 : 210). C’est ici une sorte de reponse plausible au probleme de recherche suivant une demarche hypothetico-deductive (Depelteau, 2010: 162). Autrement dit, l’hypothese est un enonce affirmatif ecrit au present de l’indicatif, declarant formellement les relations prevues entre deux variables ou plus. C’est une supposition ou une prediction, fondee sur la logique de la problematique et des objectifs de recherche definis (Assie et Kouassi, 2008 : 23).

De ce fait, l’hypothese dans toute recherche revet done une valeur cardinale. Car elle permet de mener la recherche avec ordre et rigueur sans pour autant sacrifier l’esprit de decouverte et de curiosite propre a tout effort intellectuel digne de ce nom (Quivy et Campenhoudt, 1995 : 117). De meme dans le travail, l’hypothese se propose de trouver des solutions a differentes sortes de questions (Ibrahima Lo, 2007 : 11). Mais du fait qu’elle soit a priori, l’hypothese devient done un element de discussion precise qu’on peut contester ou rectifier pour qu’il y ait de science possible (Mauss et Fauconnet, 1901 : 24). Ce faisant il devient hasardeux que l’on s’en tienne a une hypothese; c’est le plus souvent un corps d’hypotheses que l’on construit (Quivy et Campenhoudt, 1988 : 137). Ces hypotheses se declinent en hypothese(s) principale(s) et en hypothese(s) secondaire(s) (Assie et Kouassi, 2008 : 24). C’est la raison pour laquelle notre travail de recherche nous invitera a formuler des hypotheses qui constitueront des reponses a la problematique. L’on pourrait ainsi formuler trois (03) hypotheses dont l’une principale et les deux autres secondaires.

Nous posons en hypothese principale que le royaume bamoun a su s’adapter pour la sauvegarde des coutumes locales grace a sa centralisation politique, economique et culturelle. En effet, le fait d’avoir une certaine unite a renforce le pouvoir de cette entite traditionnelle et posait deja la base d’un Etat au sens contemporain du terme.

La premiere hypothese connexe est que le royaume bamoun a su se maintenir, se preserver face aux aleas de la modemite par le biais d’une preservation et d’une consolidation de ses valeurs coutumieres entamees des le 19 erne siecle par le roi Njoya qui crea l’ecriture « Shumom » qui lui a permis de retranscrire son histoire et d’en conserver les faits marquants. C’est egalement le fait de vouloir moderniser certains acquis sur le plan traditionnel qui explique cet etat de choses notamment dans le domaine architectural, agricole ou commercial entre autres. La seconde hypothese connexe est que le royaume bamoun s’est approprie les concepts d’etatisation de la societe et de socialisation de l’Etat. Autrement dit, les chefferies traditionnelles ont acquis et ont fait fonctionner en leur sein les attributs de l’Etat modeme en ayant un fonctionnement semblable aux institutions modernes tels que les departements ministeriels, des fonctions et des postes nominatifs attribues aux plus meritants. De meme, l’Etat s’est socialise dans la mesure ou la plupart des elites locales et urbaines recherchent l’acces a des titres de notabilite, a etre impliques dans les projets de developpement de leurs contrees d’origine.

VI. INTERET DE L’ETUDE ;

Dans toute recherche scientifique, le chercheur doit exprimer la pertinence ou portee scientifique du sujet en indiquant en quoi ce sujet s’inscrit dans les preoccupations scientifiques, en quoi ce sujet contribuera a l’avancement des connaissances et en quoi le sujet est original et d’actualite, surtout sous l’angle aborde (Assie et Kouassi, 2008 : 20). Ainsi, l’interet suppose de relever l’utilite de l’etude dans un systeme de pensees et d’actions. A cet effet, l’etude envisage de positionner au centre d’un debat heuristique, la problematique de la dynamique entre la tradition et la modemite au sein du sultanat bamoun. II revient de faire part de 1’evolution de cette chefferie traditionnelle de premier degre en analysant ses mecanismes d’adaptation face a la modemite.

Si l’on s’accorde avec Max Weber que « le travail scientifique est solidaire d’un progres »[37], notons egalement a la suite d’Alfred Grosser que les connaissances qui s’en degagent sont bien cumulatives[38]. De ce fait, le but de toute production scientifique est de confirmer l’utilite de la science (« recherche de la verite »)[39] dans le developpement social. D’un point de vue heuristique, il s’agit pour nous, dans la presente etude de nous inscrire dans la suite de nos devanciers en essayant d’approfondir les etudes d’anthropologie politique. Dans le cas d’espece, nous voulons montrer les rapports d’alliance existant entre les chefferies traditionnelles et le pouvoir politique. Par ailleurs, d’evaluer le degre d’imbrication qui existe entre les traditions des chefferies et le modernisme de l’Etat. Ainsi, on pourra illustrer l’influence reciproque entre les deux entites.

Lorsque Pierre Bourdieu dit qu’ «il est possible d’agir sur le monde social en intervenant sur la connaissance qu’en ont les agents »[40], il veut par-la montrer la place et l’importance de la science dans le fonctionnement quotidien de la societe. Tout travail de recherche devra en avoir une. Du point de vue pragmatique, l’interet de notre modeste travail reside a faire des populations villageoises des acteurs indispensables au developpement national a travers la multiplication des cooperatives, des infrastructures sociales et a amener le pouvoir central a plus prendre en consideration les us et coutumes des peuples, a apprecier et sauvegarder la diversite des differentes entites socioculturelles.

VII. Considerations methodologiques :

En toute science, la premiere condition du progres c’est la methode (Filon, 1840 : 1). La methode se trouve done etre l’ensemble des operations intellectuelles qu’une discipline met en reuvre pour demontrer, verifier et etablir les verites qu’elle poursuit (Ibrahima Lo, 2007 : 1). Ainsi dans le processus de recherche en sciences sociales, le chercheur doit toujours se comporter comme un chercheur de petrole. C’est ainsi dire que de meme que le chercheur de petrole mobilise des outils methodologiques et methodiques qui lui permettront de parvenir a ses fins petrolieres, de meme le chercheur devra faire autant pour cerner son objet d’etude (Quivy et Campenhoudt, 1995 : 3). Ce faisant dans la perspective de notre travail, nous avons use d’un syncretisme methodologique qui prend en compte les methodes d’analyse d’une part (A), et d’autre part les techniques de collecte des donnees (B).

A. Les methodes d’analyse :

Le travail de recherche du fait de ses enjeux scientifiques, sociaux, economiques et politiques, demande que l’on en utilise la methode (Assie et Kouassi, 2008 : 3). La methode apparait comme etant une attitude concrete qui dicte la maniere d’organiser la recherche afin de parvenir a la connaissance scientifique (Grawitz, 2001 : 351). Ainsi, les methodes ne sont pas isolables des voies ouvertes par les interets du chercheur ni des caracteristiques des informations accessibles (Assie et Kouassi, 2008 : 13). Une methode est pertinente lorsqu’elle s’ajuste aux questions posees et aux informations recherchees (Dantier, 2003 : 3). Toutes ces considerations qui precedent ont fait que dans le cadre de notre travail, nous avons privilegie l’approche culturaliste et historique (1-), l’interactionnisme (2-) et le constructivisme (3-).

1- La methode historique :

Paul Biya, president de la Republique du Cameroun : « les tribus, avant l’arrivee des Europeens (...) des sortes de petites nations ou l’on avait une communaute de langue, de culture, de destin (...) ou l’on se sentait en securite (...) qui se consideraient comme etant des entites a part». Dans ce registre, l’approche culturaliste et historique nous permettra d’amorcer un recueil chronologique sur l’histoire du sultanat bamoun et d’en tirer les nombreuses mutations qui l’ont fait perdure jusqu’a aujourd’hui. Pour le champ de la socio- anthropologie politique dans lequel nous nous situons, la methode historique va combler les lacunes des faits et evenements en s’appuyant sur un temps, peut-etre artificiellement reconstruit, mais assurant une continuite, et un fil conducteur pour notre etude (Grawitz, 2001 : 422). Cela est d’autant plus pertinent lorsqu’on sait avec Mauss et Fauconnet qu’on n'a pas besoin de connaitre la date d'un fait social pour s'en servir, pourvu que l'on connaisse ses antecedents, ses concomitants, ses consequents, en un mot tout le cadre social qui l'entoure (MaussetFauconnet, 1901 :22).

L’approche culturaliste et historique[41] est un courant de l’anthropologie ne aux Etats- Unis sous l’impulsion principale de Ruth Benedict, Ralph Linton, Abram Kardiner et Cora Dubois. Elle tente une description de la societe sous les points de vue conjugues de l’anthropologie et de la psychanalyse. Le culturalisme constitue un des courants qui a domine la sociologie americaine des annees 1930jusqu’aux annees 1950. En empruntant la notion de culture aux anthropologues, il cherche a rendre compte de l’integration sociale. S’appuyant sur l’observation des societes archai'ques, les culturalistes mettent en evidence l’influence preponderate de la culture et des habitudes culturelles d’education sur la personnalite de base des individus.

Dans le cadre de notre etude, la methode historique nous a permis de retracer l’ethnogenese du peuple bamoun. Cette methode nous a permis a travers la diachronie et la synchronie, d’explorer le niveau d’investiture des bamoun dans le passe, leur situation actuelle ainsi que les defis auxquels ils font face sur la scene politique camerounaise.

2- L’interactionnisme :

L’interactionnisme est un paradigme methodologique qui se situe a la lisiere de l’holisme et de l’individualisme methodologique. Ici dans l’analyse des phenomenes, l’on n’accorde le primat ni a la macrosociologie, ni a la microsociologie, mais a la meso- sociologie. Dans sa constitution, l’interactionnisme se subdivise en plusieurs variables parmi lesquelles : l’interactionnisme symbolique de Goffman, l’interactionnisme strategique de Pierre Bourdieu, l’interactionnisme structural de Georg Simmel et l’interactionnisme phenomenologique d’Alfred Schutz etc... Ainsi dans le cadre de notre travail, nous ferons usage des variables symboliques et strategiques.

S’agissant de l’interactionnisme strategique encore appele constructivisme structuraliste, il faut rapidement rappeler que c’est une methode qui est developpee par Pierre Bourdieu, Erhard Friedberg et Michel Crozier. Pour eux, les entites sociales sont des acteurs sociaux qui sont en interaction dans un champ. Ce champ est semblable a un champ de forces en physique ou se choquent et s’entrechoquent les differents acteurs en presence. Ici, l’acteur n’existe pas en dehors du systeme qui definit sa liberte. De meme, le systeme n’existe que par l’acteur qui seul peut le porter et lui donner vie (Crozier et Friedberg, 1977 : 11). Ainsi, l’on parle d’interaction strategique car de meme que le milieu impose a l’individu un repertoire de disposition durable que Bourdieu appelle habitus[42], de meme l’individu a travers la marge de manreuvre et de liberte qui lui est offerte, va mouvoir des strategies qui lui permettront non seulement de satisfaire les exigences sociales, mais aussi de se satisfaire lui- meme. On assiste done la a un double mouvement d’interiorisation de l’exteriorite et de l’exteriorisation de l’interiorite.

Se ramenant a notre etude, l’interactionnisme strategique nous a permis de voir comment l’Etat impose aux partis politiques la prise en compte des differentes composantes socio-ethniques et comment les partis politiques a leur tour profitent de leur marge de liberte pour proceder a des investitures qui satisfont leurs calculs strategiques. De meme, cette variable de l’interactionnisme nous a permis de voir comment en democratie, le jeu electoral tente de s’adapter au fait ethnique tout en canalisant son expression.

-L’interactionnisme symbolique pour sa part est une methode qui a emerge au lendemain de la seconde guerre mondiale. Elle est encore appelee seconde ecole de Chicago. A sa tete, l’on retrouve certains grands Hommes de science tels qu’Herbert Blumer, Howard Becker et Ervin Goffman. Selon eux, la realite sociale est construite autour d’une mise en scene quotidienne. II s’agit ici d’une sorte de dramaturgie dont l’objectif vise est le maintien de l’ordre social. En effet, du fait que les partenaires sociaux en presence dans un milieu exercent une influence reciproque sur leurs actions respectives, ils se trouvent obliges de masquer leurs veritables intentions et inventer des structures symboliques qui leur permettront d’entretenir la paix sociale tout en se satisfaisant. De ce fait, comprendre la realite sociale revient a distinguer la scene et les coulisses afin de cerner l’acteur qui est une faqade. Rapporte a notre etude, l’interactionnisme symbolique nous permettra d’envisager l’impact de l’image des chefferies traditionnelles dans lejeu politique local et national.

B. Techniques de collecte des donnees de l’etude ;

Les techniques sont des precedes operatoires rigoureux, bien definis, transmissibles, susceptibles d’etre appliques a nouveau dans les memes conditions, adaptees au genre de problemes et de phenomenes en cause (Grawitz, 2001 : 352). II s’agit la d’un element qui permet de repondre a la question du « comment ? » (Ibrahima Lo, 2007 : 2). La technique est un moyen qui permet d’atteindre le but de la recherche en passant par des faits ou des etapes pratiques (Grawitz, 2001 : 352-353). Dans le cadre de notre travail, les techniques sont les precedes qui nous ont permis de recueillir les informations essentielles pour la comprehension et l'explication de la dynamique devolution et d’adaptation du peuple bamoun au monde moderne tout en conservant ses us et coutumes. Pour se faire, nous avons fait usage des sources documentaires, l’entretien, l’observation participante et \efocus group discussion[43].

Les sources documentaires portent pour l’essentiel sur des documents ecrits, sonores, visuels, audiovisuels ou des objets (Assie et Kouassi, 2008 : 27). Ainsi dans le cadre de notre etude, nous avons utilise les ouvrages generaux en sociologie politique et en anthropologie politique. De meme, nous avons fait usage des ouvrages specialises sur les partis politiques, la participation politique, la colonisation allemande et franqaise au Cameroun et qui se sont interesses au peuple bamoun tout particulierement.

Pour ce qui est des documents officiels, nous avons mis a notre actif, la constitution du 18/01/1996, le decret n°77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles ainsi que le decret n°2013/149 du 08 mai 2013 portant nomination de Senateurs. Ces documents nous ont informes sur les dispositions normatives liees au statut des chefferies traditionnelles et de donner un aperqu sur le role des chefs traditionnels dans la vie politique nationale. Les donnees de notre etude seront recueillies dans des sources officielles afin de confirmer leur authenticite. II sera question pour nous de parcourir des ouvrages, des articles, des revues specialises, des joumaux, des theses de doctorat, des memoires et rapports, l’actualite nationale et internationale, des institutions appropriees[44]. Toutes ces donnees devront nous permettre d’avoir des estimations plus ou moins exactes sur la chronologie de l’histoire du peuple bamoun, sur les evenements ayant marque la vie politique nationale ainsi que sur les differents acteurs qui y ont pris part. Par ailleurs, nous avons consulte les archives du Palais royal de Foumban, de l’Ecole Normale Superieure et la bibliotheque du Ministere de la Recherche Scientifique et de l’Innovation.

Pour ce qui est des documents prives, nous avons utilise les journaux tels que : le Cameroon Tribune, le Journal du Cameroun, le site internet Camer.be de meme que le Magazine Biennal du Noun qui nous ont fourni des informations importantes sur le vecu quotidien des populations bamoun et surtout pour l’etude de leurs comportements politiques en periode electorale. Nous avons aussi pu entrer en possession des Memoranda que certaines autorites ont adresses a la haute hierarchie.

Bien qu’en ce qui concerne ces sources, le chercheur n’ait aucun control e sur la faqon dont les documents ont ete etablis (Grawitz, 2001 : 573), il faut dire qu’elles constituent une mine d’or qui valorise les ecrits, les statistiques et les comptes rendus conserves (Depelteau, 2003 : 249). Par ailleurs, du fait que tout cela soit tres theorique, il s’est avere imperieux de faire recours a l’enquete de terrain.

L’enquete est une procedure dont la finalite est de collecter des donnees sur le terrain, pour une verification des hypotheses theoriques et l'examen de leurs correlations (Perret, Gotteland, Haon et Jolibert, 2012 : 107). En effet, l’entretien est une technique d’observation qui comporte l’utilisation de questions, plus ou moins directes, adressees a un informateur rencontre fortuitement ou choisi en fonction des criteres prealablement etablis (Tremblay, 2005 : 312). Dans le cadre de notre etude, nous avons choisi l’enquete par interview. Madeleine Grawitz definit l’interview comme une «technique rigoureuse, precede d’investigation scientifique utilisant un processus de communication verbale, pour recueillir des informations en relation avec le but fixe »[45]. Les investigations occupent une place centrale dans toute recherche scientifique afin de recourir au principe du falsificationnisme[46] de Karl Popper. Autrement dit, tirees a bonne source, elles permettent non seulement leur mobilisation dans nos developpements, mais aussi de verifier les hypotheses precedemment formulees. Nous avons aussi fait usage des focus group. Le but ici etait de recueillir certaines informations concemant l’historicite du peuple bamoun et de connaitre les differentes perceptions que les populations locales bamoun ont a propos de leur chef et autres notabilites qui les dirigent.

La methode du Focus Group est edifiante et primordiale. C’est une methode qualitative de recherche sociale qui favorise l'emergence de toutes les opinions. Cette methode, qui est a la fois orale et groupale, ne poursuit done pas la recherche du consensus. Elle permet par contre le recueil des perceptions, des attitudes, des croyances, des zones de resistances des groupes cibles. Concretement, la technique consiste a recruter un nombre representatif de groupes, en fonction de l'objet de la decision a l'etude, composes de six a douze personnes volontaires, et a susciter une discussion ouverte repondant a une logique de creativite. Cette discussion se structure autour d'une grille d'entretien definissant les differents themes de l'etude. Une analyse/synthese de la discussion permet de relever les principaux mots cles des participants ainsi que les points de convergence et de divergence entre les groupes. Cette maniere de proceder donne quatre resultats :

-Elle permet le recueil des perceptions des populations concernees, sans idees preconques ni hypothese a verifier (la methode est inductive);
-Elle explique les comportements sociaux concernant les problemes, leurs causes et les correctifs a y apporter ;
-Elle favorise l'implication du milieu en lui accordant la parole et le reconnaissant expert de son vecu personnel;
-Elle donne aux autorites concernees la possibility d'elaborer des politiques et des projets correspondant aux attentes exprimees par les populations ou les groupes concernes.

Dans la constitution d’un echantillon representatif, nous avons interroge les personnes en tenant compte du genre, de la categorie sociale, de l’origine ethnique et meme l’obedience politique. Nous nous sommes entretenus avec les membres actifs au sein des differentes societes secretes par exemple ou des differentes associations telles la CAPLANOUN, le CCIUMN, le CERDEN, le PDRM ou encore les membres de la celebre Radio Communautaire du Noun (RCN). Dans la meme logique, les cadres de la societe civile et traditionnels avec qui nous nous sommes entretenus, nous ont fourni des informations tres capitales. Nous avons en outre eu des discussions fructueuses avec certaines personnalites telles que le Directeur adjoint de la RCN, M. Njitari Njoya; le Directeur des Affaires Culturelles du Palais Royal de Foumban, M. Nchare ; le Guide conservateur du Musee depuis 2002, M. Alidou Njikam Tounessah et des personnages illustres tels que la Momafon Rabiatou Njoya. Dans le cadre de notre enquete de terrain, nous avons choisi le departement du Noun et en particulier la ville de Foumban. Nous avons egalement choisi la ville de Yaounde. Foumban parce que c’est la ville ou on localise le peuple bamoun dans sa majorite et ou se concentre les richesses les plus visibles de ce peuple guerrier. Quant a Yaounde, c’est le lieu ou vivent les intellectuels et certains hommes d’affaires qui ont cotoye les Bamoun. Des lors il apparait tres clair que les techniques que nous avons utilisees nous ont permis de moissonner d’amples informations qui vont a present faire l’objet d’un traitement scientifique pour leur usage academique.

[...]


[1] 'Pour Ibrahim Mouiche, le Cameroun situe geographiquement a la charniere de l'Afrique occidentale, centrale comme des ensembles sahelien et equatorial, culturellement a la jonction des mondes francophone et anglophone, aussi bien chretien que musulman. En ce sens, il est le carrefour des trois importantes regions culturelles : la cote de Guinee avec ses peuplades negritiques, le Soudan occidental avec les Peul et les peuplades arabes, le Congo avec les peuples de langue bantoue. L'extreme complexite ethnique est a l'image de celle de l'Afrique. Raison pour laquelle, l’etude de ce pays est particulierement benefique pour qui veut s'initier aux problemes africains.

[2] Pour Ngayap pierre flambeau, A l’interieur de chaque province, Ahidjo realisait simultanement un microdosage qui assurait la representation departementale, microdosage qui se superposait aux macros equilibres geopolitiques et permettait de mieux chevaucher les realites sociopolitiques que sont les ethnies (Ngayap, 1983 : 85).

[3] Pierre Bourdieu, Reponses, Seuil, Paris, 1992, p.207.

[4] Tardits, 1973 :39;1992; 674 ; Dubie, 1957 : 338 ; Champaud, 1972 : 327.

[5] Binet, 1957 : 399-401.

[6] Http://www.rovaumebamoun.com/fr/. consulte le 13 avril 2016.

[7] Madeleine Grawitz, avec Jean Leca, Traite de sciencepolitique, Presses universitaires de France, 1985.

[8] Www.ac-corse.fr [archive], consulte le 12 mai 2016.

[9] Jean-Claude Thoenig, Dictionnaire despolitiquespubliques, 4e edition, Presses de Sciences Po, 2014.

[10] Sabino Cassese et Vincent Wright. La recomposition de I’Etat en Europe. Paris : La Decouverte, 1996, p. 239

[11] Daniel Behar et Philippe Estebe. << L’Etat peut-il avoir un projet pour le territoire, >> in : Annales de la Recherche 82 (1999), p. 81-91.

[12] Gaston Bachelard, La formation de I’esprit scientifique : contribution a une psychanalyse de la connaissance, Paris, Librairie philosophique J. Vrin , 6, Place de la Sorbonne , Ve , 2004.

[13] Madeleine Grawitz, Methodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, p. 387, 11 ed, 2001.

[14] Gaston Bachelard, La formation de I’esprit scientifique : contribution a une psychanalyse de la connaissance, op. Cit., p.61.

[15] Madeleine Grawitz, Methodes des sciences sociales, op. Cit, p.53.

[16] Emile Durkheim, Les regies de la methode sociologique, Paris, Quadrige/PUF, I3eme edition, 2007, p. 34.

[17] Georges Balandier, Anthropologiepolitique, Paris, P.U.F., 1967, p. 208.

[18] 2. Pour Idrissa Kimba (2002:20), « le terme chef - europeen et pejoratif - est ambigu. II peut designer aussi bien le souverain d’un Etat solidement structure que le petit notable qui regne sur un village. C’est pour ne pas reconnaitre aux souverains africains le titre de roi ou empereur que le terme a ete reserve exclusivement au contexte africain ». Selon Olivier de Sardan (1984:213), le terme chefferie fut utilise par les premiers explorateurs et conquerants pour designer les institutions politiques qu’ils avaient trouvees sur place. Le terme fut ensuite applique aux structures politiques nouvelles edifiees par les occupants. Olivier de Sardan (1984) utilise la notion de « chefferie administrative ».

[19] Mabamam Tidjani Abou, La chefferie et ses transformations : de la chefferie coloniale a la chefferie postcoloniale, Chapitre 3, 25/11/2009.

[20] Mateme Pendoue, De I’exoterisme des religions a I’esoterisme religieux. La science parfaite de la religion, Lulu.com,p. 112.

[21] Dominique Wolton, Informer n’est pas communiquer; CNRS Editions, 2009, 140 pages, Traductions etrangeres.

[22] Pouillon, 1975 : 159.

[23] Mateme Pendoue, De I’exoterisme des religions a I’esoterisme religieux. La science parfaite de la religion, Lulu.com,p. 112.

[24] Site : lesdefinitions.fr/tradition, 28 mars 2012, consulte le 12 aout 2016.

[25] II s’agit ici des manifestations, sit in, greves legales ou illegales

[26] Pour Raymond Quivy et Luc van Campenhoudt, la gloutonnerie livresque est une attitude qui consiste a se bourrer le crane d’une grande quantite de livres et d’articles en esperant y trouver au detour d’un paragraphe, la lumiere qui permettra de preciser enfin correctement et de maniere satisfaisante l’objectif du theme de travail que l’on souhaite effectuer.

[27] Charles Nach Mback, « La chefferie traditionnelle au Cameroun: ambiguitesjuridiques et derives politiques » Africa Development / Afrique et Developpement, Vol. 25, No. 3/4 (2000), pp. 77-118.

[28] Evariste Fopoussi Fotso, Faut— il bruler les chefferies traditionnelles ?, Editions SOPECAM, 1991.

[29] Claude - Helene Perrot et Franqois - Xavier Fauvelle - Aymar, Le retour des rois. Les autorites traditionnelles et I’Etat en Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2003, 568 pages.

[30] Evariste Fopoussi Fotso, Le Tribalisme est-il une fatalite en Afrique ? Le cas du Cameroun, ed. Price- Patterson Ltee, Montreal, 2001.

[31]

Georges Balandier, « Reflexions sur le fait politique : le cas des societes africaines », in Cahiers internationaux de sociologie, vol. 37, juillet-decembre 1964, pp. 23-50. Paris : Les Presses universitaires de France.

[32] Evariste Fopoussi Fotso, Faut - il bruler les chefferies traditionnelles?, op. cit.1991.

[33] Binsbergen, Wim van (2003). “Les chefs royaux Nkoya et l’association culturelle Kazanga en Zambie. Resistance, declin ou folklorisation de la fonction du chef traditionnel?” , in C.-H. Perrot et F. X. Fauvelle- Aymar (ed.), Le retour des rois. Les autorites traditionnelles et l ’Etat en Afrique contemporaine. Paris, Karthala, 489-510.

[34] Nature etHistoire, PUF ou Esquisse d'une histoire universelle, Fayard.

[35] Quivy et Campenhoudt, Manuel de recherche en sciences sociales, (1995 :85).

[36] Madeleine Grawitz, Methodes des sciences societies, op. Cit. , p.402.

[37] Max Weber, Le savant et le politique, Paris, Edition 10 - 18, 2006, p.87.

[38] Alfred Grosser, L’explication politique, Paris, Presse de la FNSP, 1972.

[39] Gerald Martial Amougou, « L’utilite d’une cooperation technique au Sud du Sahara : Cas de la relation Cameroun - UNESCO », Memoire de DEA en Science Politique, Universite de Yaounde II, 2009, p.184.

[40] Pierre Bourdieu, Propos sur le champpolitique, Presse Universitaire de Lyon, 2000, p.17.

[41] Tilly Charles, Big structures, Large processes, Huge Comparisons, New York, Russell Sage Foundation, 1984.

[42] Pour Pierre Bourdieu, l’habitus s’apparente a une partie de la structure sociale, inconsciente a l’individu et determine par les echanges entre les individus. Il s’agit simplement d’un ensemble de structures structurees predispose a fonctionner comme des structures structurantes (Bourdieu 1989 ; Grawitz, 2004 :57).

[43] Le focus group discussion s’apparente aux palabres africaines, a la difference pres qu’elle ne recherche pas le consensus mais plutot l’emergence des opinions. Elle donne la parole aux populations a la base, les conscientise aux problematiques, ce qui permet de recueillir les perceptions des groupes cibles, leurs attitudes, leurs croyances et les zones de resistance (Mouiche, 2012 : 37).

[44] Le Ministere de l’Administration territoriale et de la decentralisation, le palais des Rois bamoun a Foumban.

[45] Madeleine Grawitz, Methodes des sciences societies, Ibid., p.219.

[46] Jean-Marc Ferry, Cours d’epistemologie des sciences politiques, Universite Libre de Bruxelles, 2005-2006.

Fin de l'extrait de 137 pages

Résumé des informations

Titre
Les chefferies traditionnelles entre tradition et modernité au Cameroun. Le cas du royaume bamou
Université
University of Yaounde II
Note
16.5
Auteur
Année
2017
Pages
137
N° de catalogue
V434909
ISBN (ebook)
9783668765504
ISBN (Livre)
9783668765511
Taille d'un fichier
3439 KB
Langue
français
Mots clés
Bamoun
Citation du texte
Patricia Etonde (Auteur), 2017, Les chefferies traditionnelles entre tradition et modernité au Cameroun. Le cas du royaume bamou, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/434909

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