Les applications informelles de la pédagogie convergente au Cameroun

Considérations interrogatives sur une méthode controversée


Essai Scientifique, 2007

15 Pages


Extrait


Résumé

L’enseignement du français dans le contexte multilingue camerounais rencontre des problèmes divers, dont le moindre n’est pas la difficile cohabitation de cette langue avec les multiples langues locales, avec l’anglais dans le bilinguisme officiel et avec le camfranglais, langue hybride – créole ? –, née d’un génial rafistolage de mots provenant de toutes les langues identitaires et non identitaires du Cameroun. Au regard des orientations pédagogiques modernes, résolument interculturelles, n’est-il pas désavantageux de persévérer dans le modèle actuel de l’enseignement de la langue française qui n’intègre pas suffisamment les langues partenaires ? Il s’agit d’interroger les applications informelles de première heure de la pédagogie convergente et de voir leurs possibles adaptations dans l’univers linguistique camerounais actuel résolument diffracté.

Mots clés: langues identitaires, multilinguisme fonctionnel, pédagogie convergente, pédagogie interculturelle, politique éducative, hétérolinguisme, biographie des langues.
«L’enseignement du français et des langues nationales en milieu multilingue». Un vieux débat remis à l’ordre du jour. Une problématique dense. À laquelle on mettra toutefois des guillemets, pour rappeler qu’elle avait déjà fait l’objet d’un stage soutenu par l’Agence de Coopération Culturelle et Technique, du 19 novembre au 4 décembre 1984, à Saint-Ghislain en Belgique. Les échanges inauguraient une voie qui oriente le français et ses variétés dans une pédagogie résolument convergente, qui semble faire ses preuves au Mali, selon Samba Traoré (2001), mais qui, de l’avis de Bruno Maurer (2004) et de Robert Chaudenson (2006), ne mérite pas de par sa méthodologie de susciter tant d’engouement dans les systèmes éducatifs. Malgré les limites de la méthode relevées par ces théoriciens, on observe son expansion dans nombre de pays qui remettent en question les méthodes d’enseignement en langues étrangères, considérées comme l’une des causes majeures de l’échec scolaire et des redoublements. Le retour à l’enseignement en langues nationales, ne serait-ce qu’aux premiers apprentissages, produit au Mali, au Sénégal et en Zambie, des résultats bien plus meilleurs. Le contexte de multilinguisme presque général en Afrique, tel que l’observent Pierre Dumont et Bruno Maurer (1995), est favorable au développement de cette approche si prolifique en débats qui, s’ils ne sont pas toujours suivis d’effets dans les autres pays, ainsi que le remarque l’ensemble des participants à la troisième session du Haut Conseil de la Francophonie de l’Organisation internationale de la Francophonie en janvier 2006, permettent tout de même de questionner les pratiques contextuelles de l’enseignement-apprentissage de la langue française. Le Cameroun, véritable labyrinthe linguistique, à l’image d’une Afrique présentée par Mamadou N’Doye (2006) comme « le seul continent au monde où l’on continue de commencer l’apprentissage par une langue que ne maîtrisent pas les enfants avant d’aller à l’école », n’échappe pas à ce questionnement, ses méthodes courantes de l’enseignement du français aussi.

Le Cameroun : une situation de multilinguisme peu ordinaire

Parler du multilinguisme au Cameroun relève d’une pure banalité. De nombreux chercheurs tels que Gervais Mendo Ze, Jean Tabi Manga, Sammy Beban Chumbow, Maurice Tadadjeu, Edmond Biloa, Louis-Martin Onguéné Essono, Zachée Bidja’a Kody, Paul Zang Zang, pour ne citer que ces linguistes connus et reconnus, s’accordent pour y relever l’existence d’une constellation de langues identitaires[1]. Le répertoire linguistique y afficherait plus de 250 langues, réparties en plusieurs familles :

1. les langues bantoues
2. les langues nilo-sahariennes
3. les langues sémitiques
4. les langues tchadiques
5. les langues oubanguiennes
6. les pidgins

À ces langues identitaires pour la plupart – je préfère ce mot à celui de langue maternelle –, il convient d’ajouter les langues ouest-atlantiques, désormais langues officielles, le français et l’anglais, devenues à force d’usage, langues maternelles pour certains locuteurs, langues acquises pour d’autres. Cette situation se complexifie davantage avec l’émergence, sur le plan oral, dans les milieux jeunes, d’une langue hybride, le camfranglais, dont la codification n’est pas encore standardisée. À la suite des travaux d’Edmond Biloa (2006), on peut l’envisager comme une sorte de créole, fait de raccommodage, de rapiéçage de mots issus de langues identitaires camerounaises, du français, de l’anglais, voire des autres langues vivantes, comme l’espagnol et l’allemand, également enseignées au Cameroun. Par ailleurs, l’émergence des TIC et leur implication comme médiateurs de savoirs modifient les pratiques de l’oral et de l’écrit : la phonologie supplante la morphosyntaxe, pour mettre l’accent, comme dans la langue italienne, sur l’image acoustique d’un mot plutôt que sur sa graphie. Ainsi, entre la sécurité dont les programmes d’enseignement se font garants, et l’insécurité qui la menace dans les pratiques discursives et scripturales courantes, la langue française parlée, écrite et enseignée connaît au Cameroun, à tous les niveaux où l’on pourrait l’envisager, une aventure unique en son genre, qui invite à s’interroger sur son rapport avec les autres langues, et à revoir les pratiques pédagogiques et didactiques courantes.

Ces pratiques calquées sur les modèles français, dans le Cameroun francophone, et anglais, dans la partie anglophone, posent de par les problèmes qu’elles rencontrent, la question de la nationalisation et de la décentralisation d’une école presque étrangère à ses acteurs, vivant parfois sous perfusion des financements étrangers, souvent inadaptée aux besoins réels des apprenants. On peut cependant s’étonner que les choses soient ainsi plus d’une quarantaine d’années après l’indépendance, tout se passant comme si une inertie sclérosait d’avance toute initiative visant à animer l’enseignement du souffle des langues nationales et des exigences de développement du moment. La décentralisation, pas décisif dans la gouvernance locale, ne peut être efficiente que si les politiques éducatives soutiennent des programmes d’enseignement en langues locales dans l’éducation et l’instruction des populations. Les programmes d’alphabétisation l’ont suffisamment démontré. Ils le démontrent encore dans le contexte actuel de diversité linguistique et culturelle où le maître-mot semble être pour chaque langue et pour chaque culture : vivre et laisser vivre. Sous cet angle, la pédagogie convergente n’est pas une tentative déguisée de réhabiliter les langues nationales dans l’enseignement, mais une mobilisation et une mise en relation des différents codes linguistiques à la formation des apprenants.

[...]


[1] Nous faisons délibérément fi des dénominations telles que dialecte ou patois, qui peuvent désigner des variétés de certaines langues, mais qui apparaissent dans le contexte de la diversité culturelle comme les survivances de la stigmatisation de l’altérité ethnolinguistique locale.

Fin de l'extrait de 15 pages

Résumé des informations

Titre
Les applications informelles de la pédagogie convergente au Cameroun
Sous-titre
Considérations interrogatives sur une méthode controversée
Université
University of Maroua
Auteur
Année
2007
Pages
15
N° de catalogue
V132037
ISBN (ebook)
9783640381418
ISBN (Livre)
9783640381487
Taille d'un fichier
502 KB
Langue
français
Mots clés
Cameroun, Considérations
Citation du texte
Raymond Mbassi Ateba (Auteur), 2007, Les applications informelles de la pédagogie convergente au Cameroun , Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/132037

Commentaires

  • invité le 3/3/2013

    Je trouve que pour un e book, ce livre est très cher.

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Titre: Les applications informelles de la pédagogie convergente au Cameroun



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